Chapitre 7 - Marie

Depuis le début
                                    

Elle reprit sa respiration. A l'autre bout de la ligne, un silence pesant fâcha Marie.

- Oscar, vous m'entendez ?

Un écho lointain parasitait la communication.

- Je... Je... Je ne vous... tends pas... tr... bien Ma... ie.

Ces mots hachés, mêlés à des crachotements stridents qui irritèrent le tympan de Marie, mirent un terme à la communication. La directrice, perplexe, recomposa le numéro.

Appel rejeté.

Elle renouvela sa tentative.

Appel rejeté.

- Merde !

Elle claqua son téléphone sur son bureau. La coque se désolidarisa de l'appareil et vola jusqu'aux pieds d'Élias. La batterie s'échappa de son emplacement pour s'écraser au sol, par chance sans dégât. Le jeune garçon se pencha pour ramasser le bout de plastique, désormais fendu. Il manquait un morceau à l'endroit où la coque avait rencontré le carrelage.

Marie n'avait pas vu Élias sursauter. Décidément, tout le monde semblait l'oublier ce soir-là... comme d'habitude, en fait. Une larme glissa sur sa joue qu'il sécha rapidement de sa main. Il savait que la colère de la directrice n'était pas dirigée contre lui et il n'avait pas envie qu'elle vît son désarroi.

La rage échappée, Marie se ressaisit :

- Pardon Élias...

Elle soupira, lasse de l'être humain et de son égoïsme.

- Tu te réchauffes un peu ?

L'écolier hocha la tête en reniflant et lui tendit la coque du téléphone. La couverture glissa le long de son épaule sans qu'il s'en aperçût, pourtant, il frissonna. Marie se leva pour récupérer l'objet. Au passage, elle réajusta la polaire sur l'épaule du garçon et lui frictionna le bras. Elle scruta l'enfant pour essayer de déceler une trace de détresse. Il ne laissait presque rien paraître.

Élias leva ses yeux océan noyés de larmes vers Marie. La directrice le dominait. Elle était grande, plus grande que sa mère et surtout beaucoup plus sereine. Il l'aimait tellement. S'il l'avait pu, il l'aurait appelée "maman", mais il n'osait pas. Il n'oserait jamais.

Marie se retenait de le prendre dans ses bras et de lui offrir l'affection dont il avait besoin en cet instant précis, mais ce rôle n'était pas le sien. Elle devait mettre de côté son instinct maternel qui voulait lui témoigner de l'affection. Elle ne trouva que quelques mots pour essayer de le réconforter.

- Un bon chocolat chaud, ça te dit ?

L'enfant esquissa un sourire.

- Il me reste un petit truc à faire avant de partir et, si tes parents ne sont toujours pas arrivés, je t'emmène chez moi au chaud. Tu pourras fouiner dans ma bibliothèque si tu as envie. Je suis sûre que Sybil y a oublié des livres de fantasy avant de partir faire ses études à Paris. Marie appuya sa remarque d'un clin d'œil complice. Elle savait que l'élève avait déjà emprunté tous les livres de ce genre littéraire destinés à un lectorat de son âge à la petite bibliothèque de l'école.

Elle savait qu'elle n'avait pas vraiment le droit d'emmener un élève chez elle, mais la situation était hors-norme. La tempête qui commençait à s'approprier la ville constituait une circonstance exceptionnelle. Peu importait que les parents du garçon se réjouissent ou non de la liberté qu'elle prenait, Élias avait besoin de réconfort, il avait assez attendu pour la journée.

La directrice retourna à son bureau, reconstitua son téléphone et le ralluma. Après tout, peut-être qu'Oscar avait essayé de la recontacter. Peut-être avait-il une bonne excuse ? Marie secoua la tête, cette seconde supposition ne la satisfaisait pas. Elle avait la réputation d'être indulgente et compatissante, mais sa profession exigeait qu'elle fût intransigeante face au manque de professionnalisme. Oscar ne souffrait d'aucune excuse véritable pour la négligence dont il avait fait preuve envers Élias. Il avait trahi sa confiance et, par-là même, trahi la confiance de l'Éducation Nationale. La plainte qu'elle allait rédiger serait sans précédent, il n'avait pourtant jamais commis d'impair...

Elle consulta son téléphone. Aucun nouveau message. Oscar serait congédié sans préavis.

 Oscar serait congédié sans préavis

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Note de l'autrice :

Ce chapitre sera découpé en trois parties. Je vous publie sa suite demain et, si vous êtes sages, la fin samedi ou dimanche  pour me faire pardonner de mon retard de cette semaine. ;)
J'espère que, jusque là, la lecture vous plaît. Je sais qu'il y a encore beaucoup de choses à retravailler - c'est bien cela qu'on appelle un premier jet après tout - mais n'hésitez pas à me laisser vos avis en me précisant ce que vous aimez ou pas dans ces premiers chapitres qui placent essentiellement le décor de mon univers.
En tout cas, merci beaucoup pour votre lecture. :)

L'Enfant-Double - Tome 1 - Des retrouvaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant