Chapitre 13

319 19 0
                                    


La souffrance change les gens, mais ça les rend aussi plus fort.

                                                                                         -Bob Marley


Nous étions tous les deux allongés sur le capot de son véhicule, une bierre à la main. Son bras derrière ma nuque, ma main sur sa cuisse, le bruit des vagues dans les oreilles, le léger vent soufflant sur nos visages... C'était paisible comme ça n'avait jamais été. Ma vie avait toujours été un bordel sans nom car remuée par un tas de problèmes, encore et encore. Au moins, je n'avais pas une vie monotone, mais pouvoir me poser me faisait du bien.

-Où étais-tu avant de venir sur New York ? Demanda-t-il.
-J'ai fais l'Angleterre, la France, puis je suis restée quelques mois en Chine pour aller en Italie et venir ici.
-Pourquoi changes-tu autant de pays ?
-J'aime recommencer, comme si ça effaçait mes années passées ainsi que mes erreurs, répondis-je. Ça me donne l'impression d'avoir plusieurs vies en une seule.
-Tu joues avec le karma bébé, fit-il.
-J'emmerde le karma et le destin.

Il rit et but une gorgée de sa boisson.

-Et toi ? Tu as toujours vécu ici ?
-Je suis Canadien.

Je me tournais vers lui, le regardant bizarrement.

-Quoi ? Demanda-t-il en riant.
-Je hais les Canadiens depuis qu'ils nous ont battu au basket en deux mille quatre.

Il rit si fort que je sentis ma cavité vibrer.

-C'est pas drôle, fis-je, je vous hais vraiment, avec votre accent stupide et-
-L'accent Australien est mieux peut-être ?
-Bien sûr que oui! Nous quand on dit "lait" le "l" ressort un peu plus, vous vous inventez un mot.

Il rit à nouveau et roula sur le côté pour plonger sa tête chevelue dans mon cou qu'il embrassa.

-Les seules choses que j'aime en Australie sont le soleil, les nanas, les kangourous et les nanas.
-Et moi je déteste tout au Canada, par contre j'ai rien contre les Américains, continuais-je, avec leurs abdos.... Rien que d'en parler ça me... wouah !

Il répondit simplement en riant puis embrassa mes lèvres. Il s'allongea ensuite sur moi alors que je laissais mes doigts glisser le long de son dos. Les yeux rivés sur les étoiles, je cherchais mon frère ou mon père. Quand cette pensée me traversa, une étoile filante le fit dans le ciel noir. C'était peut-être un signe ?

-J'aime être avec toi.

Je souris contre son crâne alors qu'il continua:

-J'ai besoin de toi, Lara. Tu me rends fort.

             Ellipse

Un peu plus d'une semaine s'était écoulée depuis le mariage d'Hailey et le restaurant. Les choses n'avaient pas été très intéressantes suite à ça, rien ne s'était passé. Justin et moi sommes toujours collés ensemble, nous faisons toujours l'amour ensemble et nous travaillons toujours ensemble. De quoi faire exploser les choses en deux secondes.

Nous nous entendions bien, et contre toute attente, se parler de nos sentiments, de notre passer et de ce que nous pensons est plus simple que ça ne l'avait jamais été. Nous nous comprenions, c'était le facteur principale de notre "relation". Nous n'étions pas en couple, nous n'étions même pas amoureux. Mais nous comptions sur l'autre et aimions la présence de l'autre, ça suffisait amplement. Pas la peine de mettre un mot sur tout ce qu'on ressent.

J'entrais dans son bureau, vêtue d'une jupe longue cintrée crème, un t-shirt à bretelle blanc ainsi que des chaussures de la même couleur. Il était si plongé dans son ordinateur qu'il ne m'entendit pas arriver. Je me pointais devant son écran et le claquais d'un coup de main, le faisant sursauter. Je ris alors qu'il jura dans sa barbe. Je fis le tour de son bureau pour m'asseoir dessus et passer une jambe sur l'autre. Sa main vint automatiquement se glisser sur ma cuisse.

-Demain, Forbes te demande pour un shooting, on accepte ?
-Bien sûr.
-Jeudi, rendez-vous avec le propriétaire de la chaîne BBC pour une interview, oui ?
-Si tu veux, fit-il, pas très intéressé.
-Jimmy Fahlon te veut sur son plateau.
-J'aime pas ce type, répondit-il.
-Et bien tu souris et tu y vas.

Il me lança un regard désespéré. Je lui lançais un grand sourire faux qui le fit rire. Il me tira pour me faire tomber sur ses genoux. Assise sur lui, mes jambes par dessus l'accoudoir, je continuais de lui lister le planning de la semaine.

-Tu as aussi rendez-vous avec Jhon Blaze, le boss de la Blaze Invention, pour les différentes façons de transfert, et avec ton banquier ce vendredi.
-Et je me repose quand ? Demanda-t-il dans mes cheveux.

Je ris.

-Quand tu veux, tu es le boss, répondis-je. Tu pourrais n'aller à aucun de ces rendez-vous et passer ta semaine au lit.
-Ou alors, je pourrais te faire l'amour tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes...

Il laissa des baisers mouillés sur ma mâchoire, me faisant fermer les yeux.

-Je pourrais te prendre violemment sur ce bureau, la porte ouverte à quiconque.

La porte s'ouvrit à ce moment précis, me faisant bondir de ma place initiale pour me retrouver debout à ses côtés. Harrington était là, nous regardant tour à tour, un sourcil haussé. Il roula des yeux, jura, et s'en alla en claquant la porte. Je me raclais la gorge puis regardais Justin.

-Est-il un problème ?
-Sachant qu'il te déteste, je pense.

Il se leva, reboutonna sa veste et passa à mes côtés. Il embrassa mon oreille en me susurrant:

-Fais gaffe à tes arrières, beauté, je m'absente.
-Je n'ai pas besoin de toi pour me protéger, répondis-je en le voyant s'éloigner.
-Mais tu as besoin de moi pour te protéger de moi.

Il rit, me lança un clin d'oeil et s'en alla, me laissant seule dans ce grand bureau. Je repartais au travail, bien même que l'envie n'y soit pas. Trop d'informations tournaient dans ma tête, trop de sentiments. J'avais besoin de retourner aux sources, alors j'allai le faire. Et sans aucune explication. Je ne veux rendre de compte à personne.

          Ellipse

J'avais pris un vol pour l'Australie sur un coup de tête, sans réfléchir. Nous venions d'atterrir, et le soleil me brûlait la peau. Là-bas, il était quatre heure du matin, et ici, quatre heure de l'après midi. J'étais libre, sans bagage, seulement munie de mon sac à main. Mes lunettes de soleil sur le nez, je sortais de l'aéroport. Je montais dans un taxis que j'interpellais et lui désignais ma destination.

Il ne mit qu'une quinzaine de minutes à arriver. Je le payais, sortais puis montais sur le perron de ma maison d'enfance. Rien n'avait changé: les roses étaient toujours aussi rouges, l'herbe toujours verte et bien entretenue. Les murs blancs ressemblaient à ceux des autres maisons du quartier, mais la différence était ces volets rouges pétant. Je pris une grand inspiration avant de toquer. Des pas se firent entendre tandis que la porte s'ouvrit.

-Lara ?

Ma mère me sauta dessus en criant de joie. Je la serrais si fort dans mes bras que l'étouffer aurait été possible. Deux ans que je ne l'avais pas vu ni serrée dans mes bras. Son odeur, ses cheveux, sa peau... Tout chez elle m'avait manqué. Elle se recula et prit mon visage en coupe avant de m'embrasser sur le front. Je pris le temps de l'observer: ses yeux verts ressemblaient en tous points aux miens, tandis que sa peau, avant claire, était maintenant divinement bronzée. Ses quelques rides se voyaient à peine, tandis que ses cheveux châtains clairs étaient soyeux et en forme. Elle prenait soin d'elle depuis qu'elle avait vaincu la dépression, et rien ne pourrait me rendre plus heureuse que ça.

-Mon petit coeur, tu m'as si manqué ! Cria-t-elle. Que fais-tu ici ?
-J'avais besoin de revenir aux sources.

Elle m'enlaça avant de me faire entrer. Avant, dés que je mettais un pied dans cette maison, j'avais la nausée, maintenant, je me sens... bien, à ma place.

-Tu es radieuse ! Fit-elle. Moi qui pensais que l'air de New York t'aurait affaiblis...

L'air ne m'avait pas affaiblis, par contre, les gens là-bas, oui.

-Tu veux boire quelque chose ?
-Un café s'il te plaît.
-Un café... Toi qui buvais encore du lait il y a quelques années.

Je ris. Elle était nostalgique, tout le temps, mais elle savait aussi apprécier la vie présente.

-Rien de nouveau dans le quartier ? Demandais-je.
-Madame Douglas a fini par nous quitter il y a quelques mois, les ados taguent toujours les maisons tandis que j'ai tué tous les escargots qui venaient se servir dans mon potager.

Elle finit en souriant. Je ris alors qu'elle continua:

-Et toi, quoi de neuf ?

Et elle se pensait "cool" à parler comme ça...

-Et bien...

J'ai couché plusieurs fois avec mon patron, j'ai ressentis, j'ai frappé un collègue, j'ai assisté à un mariage et à un enterrement, je suis montée en haut de l'Empire State Bulding, j'ai fais une crise de panique, j'ai bus, rigolé, pleuré...

-Plein de trucs, je te raconterai, répondis-je en souriant. Je comptais aller en ville, tu veux que je te ramène quelque chose ?
-De quoi faire un gâteau pour ce soir.

Je souris, me levais, embrassais son front et montais dans ma chambre. Je pensais me changer rapidement et voir si je passais encore dans mes anciens vêtements. Poussant la porte grinçante de ma taverne, j'y pénétrais. Les posters des nombreux groupes de rock que j'écoutais étaient à moitié accroché, mon lit toujours défait, des affaires partout... Ma chambre n'avait jamais été rangée pour ma mère, mais pour moi, tout était à sa place. J'enlevais l'un de mes posters et y trouvais des joints. Je ris, me souvenant de ces années perdues. Ma chambre était une mine aux trésors: les nombreux joints cachés dans la pièce valaient au moins cinq cents dollars.

J'enlevais mon débardeur et le troquais pour un t-shirt à moitié déchiré. J'enfilais un jean brute et des baskets du style Adidas Superstar. Ma personnalité changeait en fonction de mes vêtements ou de mon environnement, et là, maintenant, j'avais l'impression de retomber à mes seize ans. Je sortis de ma chambre et vit celle de mon frère, juste en face. La porte était à moitié close, me faisant signe. Je la poussais d'un doigt. C'était la première fois depuis leur mort que j'osais le faire, et mon coeur battait la chamade. Contrairement à ma chambre terne, la sienne était d'un vert et gris joyeux. Elle était tout aussi en bordel que la mienne. Entre les altères, les livres, les fringues sales et les capotes, tout laissait croire qu'il allait revenir. C'était sûrement pour ça que personne ne l'avait rangée.

Laissant mes cheveux à l'air, attrapant mes lunettes de soleil et mon téléphone, je quittais la maison à pieds. Je fis mon chemin sous le soleil brillant et le chant des oiseaux. Les voisins me reconnaissaient rapidement, me saluant aussi vite. Je leur rendais simplement un signe de tête, par politesse. Je n'avais rien à voir avec eux et ne voulais pas.

J'arrivais rapidement à ma destination. Je marchais sur le chemin de terre entre les tombes et autres lieu de recueillement. C'était triste et sombre, mais le soleil essayait de rendre ça plus facile. J'arrivais rapidement devant les leur, côte à côte. Jason et Mark Briggs, enterrés le dix huit janvier deux mille cinq. Je restais les regarder de haut, ne sachant pas vraiment quoi faire ni pourquoi j'y étais venue.

Je m'asseyais entre les deux tombes et mettais mes mains dans mes poches. J'y trouvais une cigarette. Je souris et la coinçais dans entre mes lèvres. Je n'avais pas fumé depuis un bon bout de temps, et je n'avais pas ressentis le manque, mais pourquoi pas. Je l'allumais avec un briquet que je trouvais dans ma poche arrière. Je pris une longue taffe, fermant les yeux. Pourquoi étais-je venue? Pourquoi l'avais-je quitté ? La question était maintenant: retournerai-je à New York ? Je pense que personne ne le savait.

-Je suis censée faire quoi ? Hein ?

Fis-je en me retournant vers leur tombe. Le fait qu'ils ne puissent me répondre m'affecta. Je n'entendrai plus jamais leur voix, je ne sentirai plus jamais leur odeur et ne pourrai plus jamais les serrer contre moi. En les ayant perdu, un bout de moi était partit. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée avec une mère dépressive et les problèmes du monde sur les épaules. J'étais seule à les gérer, à les comprendre, puis il y a eu mon boss, Justin.

Je fermais les yeux et secouais la tête, un rictus au coin des lèvres. Je me tournais vers leur dernière demeure et y restais fixée. Posant mes mains sur le marbre, je laissais mes doigts y glisser.

-Vous ne pouvez pas imaginer ce qu'est la vie sans vous.

Mon coeur se serra un peu plus. Un silence pesant me fit frissonner. Je n'avais pas l'habitude de parler à des pierres, mais je me disais qu'ils m'entendaient peut-être.

-Je suis à une impasse de ma vie où j'ai besoin d'aide, dis-je, je suis perdue. Je me dévoile et change en une personne que j'aurais détesté auparavant et que j'aime maintenant. J'ai besoin de réponses.
-Je pense que vous devriez écouter votre coeur.

Je me retournais, perturbée par cette personne. Je me relevais, ma cigarette entre les lèvres, vers un type que j'avais déjà vu. Ses cheveux foncés, ses yeux verts, ses gros muscles serrés dans un t-shirt à manches courtes. Je haussais un sourcil.

-Depuis quand m'écoutez-vous ?
-Quelques minutes seulement, répondit-il.

Sa voix me disait quelque chose. Je le regardais de la tête aux pieds, l'analysant.

-Vous ne voulez pas savoir qui je suis ? Demanda-t-il, un rictus en coin.
-Non, rétorquais-je, je m'en fous.

Je lui tournais dos et faisais mon chemin retour sous un soleil cuisant.

-Mathews Deen, ça ne vous dit rien, Lara ?

Je me retournais, agacée par ce gars.

-Si je ne me souviens plus de vous, c'est qu'il y a une raison.

Il me répondit tout de même, pensant pouvoir attirer mon attention.

-On était au lycée ensemble, j'étais dans l'équipe de foot.
-Super, répondis-je, un faux sourire aux lèvres, j'avais tellement envie de revoir quelqu'un comme vous !

Je n'étais pas d'humeur, j'avais envie de lui arracher la tête avec les dents.

-C'est vrai que nous n'étions pas très amis, dit-il, que personne ne l'était, en fait. À part cette fille... Hm...
-Lisa.
-Ouais, rit-il, seule vous lui parliez. Qu'en est il pour elle maintenant ?
-Vous n'en avez rien à foutre, Mathews. Et ne me parlez pas d'elle, vous ne savez rien de son histoire.
-Je vais alors vous dire quelque chose que je sais: vous ne pourrez jamais tout contrôler et encore moins toujours faire les bons choix, alors arrêtez de penser que si et laissez-vous aller.

J'étais prête à lui lancer un pot de fleur dans la face quand il me fit un signe de tête et s'en alla. Combien de pourcent de chance avais-je pour tomber sur un ancien camarade dans un cimetière ?! Je secouais la tête et m'en allais d'une marche rapide vers la ville pour acheter ce que ma mère m'avait demandé. J'étais sur les nerfs, j'avais envie de taper dans tout ce qui bouge, mais je me contentais de respirer fortement et d'oublier le fait que je sois pommée.

             Ellipse

-Ton patron est plus cool avec toi maintenant ?

Après être rentrée de ma virée, j'avais mangé puis regardé un film avec ma mère. Nous étions maintenant toutes les deux allongées sur le canapé, les pieds sur la table basse et des pop corns en mains.

-Carrément, répondis-je.

Elle se tourna vers moi, un regard remplit de sous entendus.

-Je n'ai pas envie de parler de ma vie sexuelle avec toi, maman.

Elle rit avant de continuer.

-Tu l'aimes bien ? Demanda-t-elle.
-Sa compagnie me plaît.
-Et pourtant je vois que quelque chose ne va pas.
-J'ai trouvé la seule personne sur cette terre qui est comme moi, qui me comprend, qui me connait mieux que je ne le fais.
-Quel est le problème alors ?

Ses yeux inquiets me firent réagir.

-J'ai peur, répondis-je, peur de vivre normalement avec quelqu'un de normal, d'exprimer mes sentiments et de me dévoiler.
-Tu as toujours été apeurée par les choses que tu aimais, Lara, et j'ai toujours trouvé ça étrange, fit-elle en riant, mais si tu aimes cet homme, qu'il soit ton patron, ton professeur, ton banquier ou je ne sais qui... Tu devrais écouter ton coeur et non pas ton cerveau.

Malgré le nombre de personnes qui me répétaient cela, je n'arrivais toujours pas à me dire qu'ils avaient raison. Je comptais les heures et les minutes, pensant à mon avenir, l'imaginant avec lui. Tout ce que je voyais était des gosses, un chien et une jolie maison: le genre de choses que je n'aime pas. Je ne suis pas quelqu'un de stable et ne le serai jamais, mais lui non plus. Lui et moi étions voués à brûler dans un feu de joie. On le savait, on en jouait, et on continuait.

Confident Où les histoires vivent. Découvrez maintenant