Chapitre 5

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Les gens se haïssent car ils ont peur l'un de l'autre.

                                                                                        -Martin Luther King.


Sortant de l'ascenseur, enroulée dans une fausse fourrure et chaussée dans de hautes bottes Louboutins, je me retrouvais en haut de l'Empire State Bulding. Je ne comprenais toujours pas pourquoi j'avais accepté, mais j'allais sûrement le regretter. Je le retrouvais contre la barrière, regardant New York de haut, comme s'il en était le propriétaire, le roi, le Dieu. Personne n'était là, seul lui et moi nous retrouvions ici, et ça me rendait vulnérable.

Il tourna la tête sur son épaule, me regardant du coin de l'œil. J'avançais jusqu'à ses côtés et me mise dans la même position que lui. La vue était tel que l'impression de survoler la pollution était là. Les étoiles brillaient de mille feux alors que la lune remplissait mes pupilles. Bizarrement, j'eus envie de sérénité.

-C'est si calme.

Nous étions tellement haut et il était si tôt que New York dormait, comatait presque. Je me sentais bloquée avec lui, mon patron, le seul homme qui réussissait à me rendre nerveuse. C'était si cliché...

-Je suis heureux de vous voir.

Je me contentais de regarder devant moi, sentant son regard sur mon profil. Je n'aime pas que les gens s'ouvrent à moi. Surtout que ce "gens" était mon patron, et que s'il me parlait de lui, allait forcément se piéger lui même. J'avais tendance à comprendre beaucoup de choses sur les gens, à voir le pourquoi du comment. Il me suffisait d'un geste, d'un regard, d'un mot et je pouvais dénouer leur secret. Je n'allais pas dire que pour Bieber c'était le cas, car chez lui, je ne remarquais rien, je ne voulais rien remarquer. Je voulais simplement prendre mes distances avec lui. Je ne voulais pas de lui dans ma vie autre que professionnelle. Ironique, vu que je suis venue à son appel au secours.

-Que faisons nous ici ?
-Je ne sais pas vraiment. Le sommeil ne venait pas, alors je suis monté.
-Ça vous arrive souvent de monter sur l'Empire State Bulding lors d'une insomnie ? Ou encore d'appeler des personnes à quatre heures du matin ?
-Ah, j'ai réveillé la belle au bois dormant ?
-Je vous emmerde.

Je pinçais mes lèvres et baissais les yeux, sachant ce qu'il allait me dire.

-Enfin vous avez des sentiments ! Je commençais à croire que vous ne captiez rien.
-Je "capte", répondis-je sur un ton railleur, ce que je veux capter.
-C'est ça... N'essayez pas de me faire croire que vous choisissez ce que vous voulez ressentir.
-Je n'ai pas à le faire, vous savez ce que c'est.

Il regarda devant lui, mais je vis cette lueur dans ses yeux. Comme... de la joie. Puis un rictus vint dessiner ses lèvres, le rendant beaucoup moins effrayant.

-Depuis ce repas, à Miami, avec les Donovan, Harrington vous déteste un peu plus chaque jour, pourquoi ?
-Je ne sais pas, et clairement, monsieur, si je peux me permettre... Je m'en fous.
-Votre confiance m'étonnera toujours, répondit-il en souriant.
-Tout comme la votre.

Monsieur Bieber n'avait toujours pas compris que nous nous ressemblions beaucoup: nous sommes réservés, confiants, francs et fourbes. C'est peut-être ce qui me perturbait le plus, en fin de compte. Il est comme moi, ce qui veut dire qu'il me comprend, qu'il peut me cerner, et j'avais horreur de ça. Il se tourna vers moi alors que je le regardais déjà. Il avait encore ce rictus, que je détestais, au coin des lèvres. Je ne voyais qu'un de ses profils, l'autre dans l'obscurité. C'était peut-être ça, il me montrait ce qu'il voulait, mais sa face cachée était aussi sombre que la mienne.

Aussi stupide ce soit, je trouvais ça excitant.

-Vous aviez raison pour Math, il avait prévu de me faire un coup de pute pour tout récupérer.
-Et vous me disiez qu'il était un ami, répondis-je en roulant des yeux.
-On ne peut faire confiance à personne.

Son ton avait chuté dans des octaves trop sombres pour êtres seines.

-Ce n'est que maintenant que vous le comprenez, monsieur ?

Son regard brûlant me scrutait. Il pencha la tête et fronça des sourcils.

-Que vous est-il arrivé pour que perdiez toute foi en l'humanité ?
-Vous ne le saurez sûrement jamais, fis-je en rebroussant chemin, je rentre chez moi, dormir, comme une personne normale.

J'entendis son rire jusqu'à ce que les portes de l'ascenseur se ferment sur lui, de face, souriant, pour une fois. L'avoir fait sourire changeait mon point de vue sur lui: au final, il était plus humain que moi.

             Ellipse

-Lara, ce dossier est bon ?

Je relevais le regard vers mon patron qui se tenait droit devant mon bureau, en sa main un dossier jaune, comme l'un des nombreux autres que j'avais eu à traiter depuis que je travaille pour lui. Je hochais la tête puis il partit, les traits tirés. Son costume trois pièces faisait de lui l'homme intouchable et séduisant. Et ses cheveux... Depuis quelques jours il ne les coiffait plus, alors, sur sa tête se trouvait la reconstitution de la deuxième guerre mondiale. Mais ça lui allait bien, voir carrément bien.

Monsieur Bieber n'était plus très présent. Lui qui était toujours au siège loupait des journées entières pour des "raisons personnelles", m'a-t-on dit. Je travaillais alors beaucoup plus. En son absente, j'étais la seule responsable, je me coltinais donc tout le boulot. Je préfère quand il n'est pas là, car quand il l'est, il fait des fautes incroyables, il hurle sur tout et n'importe quoi pour des futilités. J'ai commencé à croire qu'il perdait les pédales. Vu les responsabilités qu'il a et son âge, ça ne m'étonnerai pas qu'il se foute en l'air. Mais je vois le malheur des gens, bien contre ma volonté.

Le manitou avait les traits tirés, les dents constamment serrées et les poings fermés si fort qu'ils en devenaient blancs. Ses yeux étaient vitreux. Je veux dire... Ils l'ont toujours été, mais jamais à ce point. Il n'exprimait plus rien à part de la colère et ne parlait à personne sauf pour des petites choses, comme: "ce dossier est bon ?"

Je voyais bien qu'il souffrait, mais je ne voulais pas savoir pourquoi. Je ne voulais pas non plus découvrir pourquoi ou avoir de l'empathie pour lui. Sauf que j'avais de la peine pour lui, et donc, je m'intéressais à lui. Ce n'était pas bon, vraiment pas bon. Un mois que je suis à ses côtés, un mois pendant lequel j'ai appris ses moindres mouvements, toutes ses expressions, ses quelques tics. Je commençais à le comprendre, à le connaitre par cœur, ce qui me faisait penser à lui. Beaucoup trop penser à lui.

La porte de son bureau s'ouvrit, laissant apparaître de la lumière (il avait aussi décidé de fermer les volets, disant que la clarté le perturbait). Une blonde, grande et bien foutue entra. Je tendais l'oreille, essayant d'entendre leur conversation. Je lâchais mon crayon et arrêtais presque de respirer, voulant entendre leurs chuchotements.

-Elle va de plus en plus mal, Justin.

Apparemment, ils se connaissaient. J'entendis un long soupire puis mon patron lui répondit:

-Tu crois que je ne le sais pas ?
-Elle a besoin de toi.

La voix de cette fille l'implorait. De qui parlaient-ils ? Je serrais les dents avant de me rendre compte que je devais arrêter. Ne pas s'inquiéter des autres était ma première règle et j'étais entrain de l'enfreindre. Une entrave au règlement et je pourrais déraper. Mais ma curiosité, pourtant enfouie depuis quelques années, se pointa, les bras en l'airs et la bouche en cœur. J'attrapais un dossier, l'ouvrais puis pénétrais dans le bureau du boss, les yeux plantés sur les courbes et chiffres.

-Monsieur, dans le dossier il est dit que-

Puis je feintais: relevant les yeux, je fis mine d'être surprise de voir une inconnue dans son bureau.

-Oh, je... vais repasser.

J'allais faire demie tour mais la blondasse lui demanda en chuchotant: "C'est qui elle ?". Le manitou m'interpella alors.

-Lara, voici ma sœur, Hailey, de cinq ans mon aînée.

Sa... sœur ? Je me retournais vers eux. Ils me regardaient tous les deux, lui avec ses yeux fatigués et elle, avec ses yeux interloqués. Je trouvais maintenant leur point commun: leurs yeux. Aussi clair et pourtant si inexpressif des deux côtés. Sinon, ils n'avaient rien en commun. Elle s'avança vers moi et me tendit sa main. Elle s'était maintenant renfermée et avait l'air énervée. J'attrapais sa main puis la serrais.

-Je ne suis que l'assistante de votre frère, pas ce que vous pensez.
-Et que pensais-je ?

Ah, apparemment, ils étaient aussi bornés l'un que l'autre.

-Je ne suis pas sa petite amie, sa fille de joie et encore moins son esclave sexuelle.

Elle sourit.

-Je suis désolée.
-Il n'y a pas de mal.

Elle avait un sourire franc et expressif. Au moins, elle, elle n'a pas peur de montrer ce qu'elle ressent vraiment. Le grand chef regarda sa montre puis me lança:

-Rentrez chez vous Lara.

Je hochais la tête puis entrais dans mon bureau pour récupérer mes affaires. Avant de quitter la pièce, je dis à Hailey:

-J'ai été ravie de vous rencontrer.
-De même, bonne soirée.

Je lui souris puis sortais. Je soufflais un bon coup avant de faire mon chemin vers l'ascenseur. Les portes allaient se fermer mais un bras se mit entre. Harrington monta alors dans la boite de métal, et soudain, j'eus l'impression de suffoquer: toute la haine qu'emmagasinait Harrington envahit le petit espace et m'étouffa.

-Vous vous êtes bien intégrée ?
-En avez-vous quelque chose à foutre ?
-Pas le moins du monde, répondit-il, mais ça doit vous faire du bien que quelqu'un s'intéresse à vous.
-Je dirais la même chose pour vous, Harrington.
-Vraiment ? Demanda-t-il en se tournant vers moi.
-Vu que vous êtes alcoolique, que votre femme s'est tirée ou bien est décédée, ou n'a jamais existé, que vous vous tapez des prostituées tous les soirs et que vous mourrez sûrement d'un cancer des poumons... Que quelqu'un s'intéresse à vous vous maintiendrait en vie quelques années encore. Je souris. Je payerai Stacey pour qu'elle reste avec vous.

L'ascenseur s'ouvrit et j'en sortis, encore une fois, la tête haute et le buste bombé. Je montais rapidement dans ma Rolls Royce à l'intérieur entièrement en cuir blanc. J'allais démarrer quand mon téléphone vibra dans mon sac. Je l'attrapais et décrochais rapidement, ayant hâte de répondre.

-Maman !
-Ma puce, comment vas-tu ? Ça fait si longtemps qu'on ne s'est pas parlées !
-Je vais bien, et toi ? Demandais-je. Je croulais sous les dossiers, je n'avais plus le temps de rien.
-Décidément, je n'aime pas du tout ton patron.
-Il est... spécial. Il a quelques problèmes en ce moment, je ne peux lui en vouloir...
-Peu importe, tu n'as pas à faire son boulot.
-Maman, je suis payée pour ça.
-Oui, mais-

Et voilà qu'elle partie dans des explications sordides. Je me fis distraire par le sujet de cette conversation, marchant à grands pas vers sa Bughati à un million. Il avait l'air contrarié, une fois encore. Je démarrais alors, ma curiosité prenant le dessus. Je le suivis à travers New York, toujours au téléphone avec ma génitrice.

-Lara ? Lara, tu m'écoutes ?
-Non, tu disais ?
-Laisses tomber...

Son souffle blasé me fit rire.

-Je roule maman, je te rappellerai.
-Fais attention à toi, je t'aime.
-Moi aussi.

Je raccrochais sur ces mots. Une fois enfoncée dans New York, toujours sur les plates bandes du grand-chef, je le vis s'arrêter à un bar. Je haussais un sourcil. Il faisait sûrement partis des personnes qui noient leur chagrin dans l'alcool. J'avais toujours trouvé ça pitoyable. Comme celles qui se font vomir, qui se mutilent... En fait, ce n'est pas pitoyable, je ne comprends juste pas. Si quelqu'un pouvais m'expliquer, ça changerait mon point de vu sur l'humain.

Je haussais les épaules. Après tout, il faisait ce qu'il veut. Je continuais alors ma route jusque chez moi, tranquillement, sous la voix angélique de Lana Del Rey sur Young And Beautiful. New York la nuit faisait rêver. Toutes ces lumières redonnaient espoir et faisaient oublier le reste. Tout va bien à New York.

            Ellipse

Pour une raison comme une autre, je ne dormais toujours pas. Nous étions vendredi soir et je n'étais pas sortie. Si c'était pour sortir en boite, je n'en voyais pas l'utilité. Pour moi c'était plus une perte de temps qu'autre chose. Alors je regardais le dernier film où apparaît Denzel Washington: The Equalizer. C'était l'histoire d'un type, McCall, qui rencontre une jeune, d'à peu près mon âge, qui a des problèmes avec des gangsters russes violents qui sont les maîtres d'un réseau de prostitution. McCall décide alors d'aider cette fille, Teri, car son problème était trop gros pour être surmonté par elle même. L'histoire était puissante, pfiou.

Mon téléphone vibra sur la table de mon salon, couvrant les dialogues du film. Je mis alors pause avant de saisir mon cellulaire. "Patron" était noté sur mon écran. Je ne devrais pas être étonnée, il n'y a que lui pour m'appeler à une heure pareille.

-Oui?
-Ohhhh, Lara !

Il n'avait pas l'air dans son état.

-Comment va ma secrétaire préférée ?

Sa voix montait dans les aigues et il buttait sur chaque mot. Il avait l'air heureux, c'était bien la première fois depuis des semaines entières.

-Et vous ?
-Moi ? Et bah, fit-il en roulant le "bah", je ne sais pas. Je crois que je suis content, ou très, très, très content. Ou alors... non. Je ne suis pas triste! Je suis un homme fort.

Je le voyais bomber le torse à travers le cellulaire. Un sourire me vint.

-Tout va bien, monsieur ?
-Ohhhh, j'aime quand vous m'appeler monsieur, grr.

Je fronçais les sourcils tout en riant.

-Où êtes-vous ? Demandais-je.
-Caché !

Il avait l'alcool bon enfant. Super, il allait me faire suer jusqu'au bout de la nuit.

-Ne bougez pas, j'arrive.
-Vous ne me trouverez jamais !

Sa voix avait changé pour celle d'un jeune enfant. J'avais envie de rire, mais il devait être bien saoul, et j'allais devoir m'en occuper. Avant de me lever, je pesais le pour et le contre. Pour: j'aurais peut-être une augmentation, j'en saurai plus sur lui, j'aurai un dossier. Contre: je ne veux pas le connaitre, c'est une perte de temps, je n'ai pas fini mon film et je me fiche de lui. Enfin, apparemment non, vu que je vais quand même voler à son secours.

Je passais mes mains sur mon visage avant de me lever. J'avais eu la bonne idée de ne pas me déshabiller, alors j'avais toujours ma chemise rouge et mon tailleur. J'attrapais mes boots et mon long manteau noir puis sortis avec mon sac et mon téléphone. Je fus rapidement en voiture puis arrivais aussi vite là où je l'avais vu pour la dernière fois. Je me garais puis sortais sans plus attendre. Le bar s'était maintenant transformé en boite de nuit: des lumières aveuglantes s'évadaient par les petites fenêtres alors que la musique faisait trembler la cloison.

Je regardais autour de moi et découvris des jeunes, d'environ dix sept ans, complètement défoncés. L'un d'entre eux se cognait la tête contre le mur, l'autre se roulait par terre alors qu'un se grattait à s'en arracher la peau. Alors c'était ça, la jeunesse d'aujourd'hui ? Mais bon, on m'avait appris à ne pas généraliser.

J'entrais alors dans le bar puis me frayais un chemin parmi tout ce monde. Je ne voyais rien, car ma taille moyenne se faisait largement dépasser par des types d'un mètre quatre vingt dix. Je réussis à arriver au bar où le barman me reluqua, se mordit les lèvres puis me demanda:

-Je te sers quoi ma jolie ?
-Je cherche quelqu'un, dis-je en essayant de parler au dessus de la musique, Justin Bieber.
-Les videurs l'on fait sortir il y a environ quinze minutes, chérie. Il était vraiment atteint.

Je hochais la tête puis le remerciais d'un signe de main. Je sortis et scrutais le lieu du regard. Où un homme bourré qui retombe en enfance pourrait bien se cacher ? Mon regard s'accrocha quelque part. Je ris avant de marcher jusque là bas, de soulever le couvercle et d'éclairer l'intérieur avec mon téléphone. Je ris en le voyant en position fœtal.

-Une poubelle ? Vraiment ?

Il ne répondit pas. Premièrement, je crus qu'il dormait sur ces sacs poubelles pleins, mais je vis son grand sourire.

-Monsieur Bieber...

Toujours pas de réponse.

-Trouvé ! Criais-je.

Un petit cris sortit de sa cavité alors qu'il se releva difficilement. Il voulut sauter de la poubelle mais son pied se prit contre le rebord et il manqua de s'exploser contre le bitume. Je le rattrapais de justesse, tombant presque avec lui. Son costume était foutu de la tête aux pieds: son pantalon était troué, sa veste normalement noire était pleine de boue, sa chemise blanche maintenant grise... Il ne ressemblait à rien.

-Lara !

Il me prit dans ses bras et me serra si fort que j'eus l'impression de mourir. Je me contentais de tapoter son dos par politesse. Je lui servais d'appuis, car s'il me lâchait, il tombait par terre. Il était tellement saoul que le coma n'était plus très loin.

-Je vais vous chercher un verre, me dit-il de ses yeux mis clos.

Il fit un pas mais trébucha et tomba par terre. Je roulais des yeux avant de passer mes bras sous ses épaules et de le soulever. Il se mit à raconter n'importe quoi d'une voix pâteuse. Nous passâmes à côté d'un groupe de gars, tous aussi saoul l'un que l'autre. L'un d'entre eux m'attrapa par le bras en criant je ne sais quoi. Le manitou bascula en avant mais tenu sur ses pieds. Je me tournais alors vers mon interlocuteur. Un grand type, faisant au moins trois fois mon poids, blond.

-Salut beauté, tu sais que t'as un booty assassin ?

Qui parlait encore comme ça ?

-Et toi qu'on est en deux mille quinze ?
-Oh, mais elle a de la repartie en plus de ça ! J'adore.

Sa voix suave et son haleine dégueulasse me donnèrent envie de vomir. J'arrachais mon bras de son emprise puis retournais vers mon patron mais il me tira en arrière. Il me colla contre son buste alors que mon visage fut pressé contre ses abdos. Je sentis ses mains serrer mes fesses, me donnant un haut le cœur. Mes yeux me piquèrent directement alors que j'entendais tous ses amis rires.

-Tu touches pas à ma secrétaire !

Entendis-je. Mon patron se jeta sur ce type alors qu'ils tombèrent tous les deux à la renverse. Les amis de mon "agresseur" riaient simplement en les regardant faire. Ils ne se tapaient pas, ils se contentaient de rouler par terre et de se donner des coups mous dans l'estomac. Je soufflais avant d'attraper Justin par le bras et de le tirer en arrière. Il était dans un état comateux, alors l'arracher de ce type n'était pas compliqué.

Nous continuâmes alors notre chemin, tous les deux un peu perdus. Le groupe d'amis se contentèrent de baragouiner des choses alors que nous montâmes en voiture. J'allongeais mon patron à l'arrière de ma Rolls Royce et montais côté conducteur puis quittais rapidement ma place de parking.

-Où habitez-vous ?
-Vous voulez me cambrioler ? Fit-il, la tête écrasée contre le siège. Ou me violer pendant la nuit ?

Il avait une voix d'enfant si adorable... Il paraissait vulnérable. Il n'était plus la même personne.

-Je n'veux pas me faire violer...

Je ris avant de reposer ma question. Il me répondit dans un bâillement qu'il habitait dans un appartement sur Wall Street, dans le plus haut des immeubles qui surplombent cette rue. Il chanta Could You be Loved de Bob Marley pendant tout le trajet, heureusement que nous n'étions pas loin. Je me garais rapidement devant le 40 Wall St. Je fis la béquille pour le sortir de ma voiture alors qu'il chantait toujours.

Nous entrâmes dans l'immeuble et la secrétaire nous regarda bizarrement. Je ne pris le temps de lui lancer un regard puis entrais dans l'ascenseur. Il appuya lui même sur un bouton mais dérapa sur tous les autres.

Génial.

-Could you be loooooved... And be loved !

Il avait l'air si heureux à cet instant que tout paraissait plus facile.

-Vous saviez que Boby pouvait lire la paume des mains ?
-Super.

C'était une gentille façon de lui dire que je m'en foutais. Il attrapa ma main. Au départ, j'eus un mouvement de recul, mais il avait l'air si doux que je me laissais faire. Ses doigts firent des dessins sur ma paume alors qu'il tanguait.

-Vous êtes riche, en plus, vous mourrez vieille, et vous aurez plein de bébé.

Puis il rit comme un demeuré atteint psychologiquement. Je passais ma main dans sa poche de veste, le faisant gigoter. J'en sortis ses clefs d'appartement et lus le numéro un dessus. L'ascenseur s'arrêta, les portes s'ouvrirent et il partit en courant dans le couloir. Je fis les gros yeux avant de trottiner pour le suivre. Il posa sa tête contre la porte numéro un. Il était silencieux et paraissait fou.

J'ouvris la porte à l'aide de la clef mais il manqua de s'écraser à nouveau par terre. J'entrais tout en le tenant et le guidais jusque sur son lit. Je le laissais tomber dessus alors qu'il enleva ses chaussures, toujours en rigolant. Je le laissais faire puis examinais la chambre du regard: c'était moderne, anodin, normal. Même si quelques meubles étaient en or, tout était banale. Aucune photo, aucun tableau, juste des murs blancs et des plantes vertes.

-Vous dormez avec moi ? Demanda-t-il en faisant rouler le "o" de moi.
-Non.
-Je vous ordonne de rester ici.

Je haussais un sourcil, ne sachant pas comment réagir.

-Restez, Lara.

Sa voix était suppliante, à tel point que j'eus l'impression de me retrouver avec un gosse de trois ans. Un fauteuil était à côté du lit, alors je m'assis dedans. Je le regardais s'endormir, une mine sereine au visage. Il portait un masque constamment, et l'alcool l'avait fait tomber. J'aurais préféré ne jamais voir ce côté de lui, parce que maintenant, j'avais pitié de lui. Je voulais prendre soin de lui, le protéger. Être là pour lui. Fait chier.

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