Chapitre 3

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❝ Il suffit de dire ce que l'on pense pour ce faire des ennemis. ❞

                                                                                          -Martin Luther King

-Vous m'êtes vraiment utile.

M'avait-il dit, et après, plus rien. Sa façade de grosse brute était réapparue pour ne plus le quitter. Il changeait d'humeur comme un bipolaire paumé. Alors nous étions tous les deux dans sa limousine de trois mètres de long, sillonnant New York vers je ne sais où. Au bout d'un quart d'heure de silence, la voiture s'arrêta et la porte s'ouvrit.

-Je vous charge de récupérer l'un de mes costumes chez mon couturier, dites Justin Bieber. J'aimerai aussi que vous passiez à cette adresse, me dit-il en me tendant un bout de papier, puis rejoignez-moi au QJ.
-Bien.
-Ne trainez pas en chemin.

Je sortis de cet étroit habitacle, le souffle court. Il me regardait durement et ne lâchait rien. J'aimais les défis, mais il était plus fort que moi. Je me retrouvais alors debout, sur un trottoir bondé, en face d'une enseigne en or où était inscrit seulement deux lettres: JB. Je devais donc aller chercher un costume pour monsieur-le-roi. C'était ça, le métier de bras droit ?

J'entrais donc chez ce grand couturier. Directement, le lustre en diamants qui surplombait le magasin me brûla les yeux. Un homme, petit, une moustache parfaitement coupée, cheveux poivre et sel, vint m'aborder, un grand sourire aux lèvres. Son costume trois pièce et son badge doré me laissait penser qu'il était le patron.

-Mademoiselle, ravis de vous rencontrer, me dit-il avec son accent français.
-De même.
-Que cherchez-vous ? Un tailleur ? Je me permets de vous dire que celui que vous portez est vraiment magnifique, fit-il en me reluquant de la tête aux pieds, c'est un Chanel ?
-Versace, répondis-je poliment, je suis là pour-
-Les Versace sont d'une bonne qualité, je l'admets, mais ce que je produis sont louangés et portés par de nombreuses célébrités tel que Beyoncé, monsieur Obama et même le grand Justin Bieber !
-En parlant de lui, je-
-Nos tailleurs sont tous fait mains et donc, sont d'une qualité à toute épreuve, ce qui irait très bien à une femme d'affaires tel que vous. Je peux-
-Monsieur, le coupais-je d'une voix forte, je n'ai pas le temps.
-Et bien je peux vous recommander notre boutique en ligne ou encore-
-Je suis là pour Justin Bieber, je viens récupérer l'un de ses costumes. Si vous pouviez faire vite.

Il me regarda la bouche ouverte, comme s'il était outré. Il pencha la tête vers moi puis reprit son sourire de vendeur avisé.

-Suivez-moi.

Je le suivis donc à travers le magasin pour me retrouver dans l'arrière boutique. Il chercha parmi les nombreux costumes tout en me parlant.

-Vous êtes son assistante ?
-C'est exact.
-Monsieur Bieber n'est pas commode aux premiers abords, mais il suffit de bien le connaitre pour se rendre compte qu'il est un homme bon.

Il me tendit un costume trois pièces protégé d'une housse transparente. Je hochais la tête pour le remercier puis sortais d'ici, lui sur les talons.

-Dois-je régler quelque chose ?
-Je verrai ça avec votre patron.
-Merci. Bonne journée.

Sans attendre de réponse, je sortais du magasin. Toutes les personnes que je rencontrais me disaient à quel point mon patron était méchant, à quel point il était impitoyable et sans cœur... Moi, je voyais simplement un homme essayant de se faire passer pour ce qu'il n'est pas: fort.

Sortant, mon téléphone, j'entrais dans le GPS l'adresse que m'avait donné monsieur Bieber. C'était à quelques minutes d'ici, je pouvais largement m'y rendre à pieds. Mais un message me parvint, d'inconnu:

"Je ne vous attendrai pas plus longtemps."

Il devait rire, mon patron, à me mettre la pression. Ça ne pouvait qu'être lui, je le reconnaissais entre chaque mots. Je cherchais un taxi des yeux mais les bouchons rendaient le trafic impossible. Je jurais que le ciel était contre moi. J'enlevais alors mes chaussures pour les enfoncer dans mon sac, me cramponnais à ce dernier, pliais la housse dans mes bras, puis me mise à courir, les yeux rivés sur mon téléphone.

Je tournais à droite, à gauche... J'allais dans tous les sens en essayant de ne rentrer dans personne. Je haïssais New York et son trafic merdique ainsi que son temps mouvementé: s'il ne pleuvait pas d'ici cinq minutes, c'était un grand pas pour l'homme. En quelques minutes de sprint, je me retrouvais devant un immeuble aussi haut que les autres. J'entrais alors à l'intérieur puis essayais de reprendre mon souffle. Tout le monde me regardais, mais je restais de marbre et insouciante. Sur le papier que m'avait donné le grand-chef ce trouvaient les numéros quinze et huit.

Étage quinze, chambre huit. Je sautais dans l'ascenseur, laissais tomber mes affaires sur le sol puis repris mon souffle, adossée contre le mur de l'ascenseur. Le trajet ce termina bien trop tôt, et je dus me rendre à la porte huit, le souffle toujours détraqué. Je toquais, me fichant de qui était à l'intérieur. Personne ne répondit, alors je toquais à nouveau, encore et encore. Des pas lourds se firent entendre, la poignée tourna puis Harrington se retrouva devant moi, la chemise d'hier sur le dos et une tête qui puait la gueule de bois.

-Qu'est-ce que vous foutez là ?

Apparemment, il ne voulait pas que je sois ici. Une nana se pointa, les seins à l'air ainsi qu'à peu près toutes les parties de son corps.

-C'est qui celle là, chéri ?

Sa petite amie ?

-Ta gueule.

Nope, son plan cul ! Un rictus me vint.

-Je repose ma question, qu'est-ce que vous foutez là ?
-Salut, moi c'est Lara, une collègue de ton chéri.

Il me regarda, un sourire haussé. Elle, elle me sourit avant de pousser la porte et de me laisser entrer. Je haussais un sourcil avant de faire mon chemin dans cet appartement. Grand, lumineux, en bordel.

-T'as fais un marathon ou un truc comme ça ? On dirait que tu vas crever, me dit-elle en souriant. Moi c'est Stacey.
-Juste un timing à respecter. Jolie prénom.
-T'aurais pas le temps d'un café ?
-Pas avec un patron comme le mien, mais le temps que ton gars s'habille, oui.

Harrington lança un t-shirt à la figure de cette nana puis alla se préparer. J'eus à peine le temps de boire une gorgée de mon café qu'il se pointa, m'attrapa par le bras et me fit sortir. Je fis un mouvement d'épaule pour lui dire de me lâcher. J'avais peut-être été trop dure ou j'avais laissé une émotion transparaître sur mon visage car il fronça les sourcils.

-Merci pour le café.
-Repasse quand tu veux, Lara.

J'ouvrais la porte avant de sortir de mon plain gré. Il me rattrapa une fois dans l'ascenseur. Il n'avait pas l'air content de ma petite virée dans sa propriété.

-C'était quoi votre but exactement ?
-Vous demanderez à notre patron, c'est lui qui m'envoie.
-Et vous êtes quoi ? Un putain d'agent secret ?!
-Et vous, vous êtes quoi ? Un baiseur de tapins ?

Il m'attrapa par l'épaule alors que tout mon corps se contracta. Mon regard était rivé sur sa main qui pressait ma peau.

-Lâchez-moi. Tout de suite.

Et il le fit, perdu dans ses pensées. Ses sourcils étaient tellement froncés qu'ils n'en créaient qu'un seul.

-Écoutez, monsieur Bieber m'a sûrement amené ici pour vous m'être mal à l'aise ou en colère, et ça a marché. Il veut vous faire réagir par le biais de ma personne. Alors, monsieur Harrington, vous verrez ça avec votre supérieur au lieu de passer vos nerfs sur moi.

Ellipse

Moi et Harington entrâmes dans le bureau de notre patron. Mon collègue ne toqua pas et entra sans permission puis poussa la porte tellement fort qu'elle cogna contre le mur. Je haussais un sourcil avant d'entrer à mon tour.

-Tu te fous de ma gueule ?! Cria Harrington.
-Desmond, comment vas-tu ?
-Tu l'as amené chez moi ?
-Si j'étais venu tu n'aurais pas bougé ton cul, mais apparemment, ton ego a prit un coup en voyant mademoiselle Briggs chez toi.

Il avait l'air si serein que c'en était étrange. Mais son expression changea rapidement. J'eus l'impression qu'il se transformait en pierre au fur et à mesure des secondes.

-Ose me parler à nouveau de cette façon et je te balance du haut de ce building, compris? Maintenant sors d'ici.

Bieber et Harrington avaient l'air de se connaitre depuis longtemps, et j'avais remarqué qu'il y avait une photo d'eux sur le bureau du patron. Ils devaient être amis d'enfance ou s'être connu au lycée. Ils se regardaient comme des amis et parfois comme des ennemis. Le concerné passa à mes côtés mais n'eut pas peur de me provoquer en me bousculant de son épaule. Il sortit en claquant la porte alors que je contractais la mâchoire.

-Desmond vous a dans le collimateur, me fit mon patron.
-J'avais remarqué, répondis-je. Votre costume.

Il me fit signe de le poser sur la chaise en face de son bureau, ce que je fis.

-Il est quelqu'un de très impulsif, si jamais il y a un problème, venez m'en parler.
-Si vous avez peur qu'il me fasse du mal, il ne faut pas, monsieur.
-Je n'ai pas peur, mademoiselle, mais la paperasse me frustre, fit-il, des dossiers sont sur votre bureau.

C'était mon signal pour aller bosser, alors j'y allais. J'entrais dans mon bureau et crus faire une crise cardiaque: il y avait une pile d'au moins trois fois ma taille. J'allai y passer la journée.

Ellipse

-Mademoiselle Briggs, nous avons un dîner d'affaire ce soir, nous allons donc aller vous acheter une robe.

Wow, attendez. Mon patron était donc entré dans mon bureau et m'avait pris au dépourvu avec cette phrase étrange.

-J'ai des robes.
-Nous n'avons pas le temps d'aller chez vous, nous allons chez JB, maintenant.

Je soufflais, ne supportant pas ses changements de plan.

-Et sans souffler, me lança-t-il de l'autre côté de la cloison.

J'attrapais alors mon sac et y plongeais mon téléphone ainsi que mon ordinateur. Je sortis de mon bureau pour rejoindre mon patron dans le sien. Il passa devant moi sans un regard alors que je le suivais, réticente. Je me fichais de ce repas ou encore d'acheter une robe, j'étais juste de mauvaise humeur et je voulais rentrer chez moi.

-Vous serrez chez vous avant deux heures du matin.

Et c'était censé me rassurer ? Il n'était que huit heure du soir, qu'allions nous faire pendant ces six heures ? Nous passâmes devant le guichet alors que monsieur Bieber dit:

-Prends ta soirée, Marie.

Elle hocha simplement la tête comme remerciement et me lança un grand sourire franc. Je souris en retour, essayant d'être crédible. Il entra dans l'ascenseur, moi après lui. J'étais maintenant bloquée avec lui dans une boite en métal. Je ne voulais pas rester seule avec lui, il m'intimidait. Aucun de nous ne parlâmes, de l'ascenseur jusqu'à chez JB, le couturier attitré du patron.

Je me retrouvais donc dans une cabine d'essayage, coincée dans une longue robe rouge au bustier en diamants dorés. C'était au moins la sixième que j'essayais en une demie heure. La robe devait-être au goût du manitou, le mien ne comptait pas. Je me foutais de cette robe, je voulais juste faire vite. Ça faisait deux bonnes minutes que j'essayais de fermer la fermeture qui était dans mon dos mais n'y parvenais pas. Bordel, je n'allais pas demander de l'aide, et encore moins à mon patron.

Un grognement s'enfuit de ma bouche, ce qui fit rire la personne derrière le rideau. Sans prévenir, il entra dans la cabine. Mon coeur fit un bond alors que je collais discrètement mon dos contre le mur.

-Mademoiselle, si j'avais voulus vous voir nue je l'aurais fait dés la première fois. Tournez vous.

Je fermais la bouche, serrais les dents puis me tournais. Ses mains vinrent se poser sur mes hanches pour me reluquer. Il se reprit avant d'attraper doucement la fermeture pour la zipper jusque dans ma nuque. Il remit mes cheveux en place alors que j'essayais d'oublier les frissons qui parcouraient mon corps. Il me regarda à travers le grand miroir puis sourit. Nous avions l'air d'un couple friqué, lui dans son costume trois pièce à dix mille dollars et moi dans ma robe au même prix.

-On prend celle là.

Alléluia!

-Ne l'enlevez pas, on y a va directement.

Je sortis donc de la cabine avec lui, et le fameux JB, que je voyais pour la deuxième fois aujourd'hui, manqua de tourner de l'oeil en me retrouvant.

-Vous... êtes incroyable.

Je sais.

-Je te dois combien, JB ?
-Rien, ça vient du coeur.

Ils se serrèrent la main, et le petit français me prit dans ses bras. Mon souffle se coupa alors que j'essayais de le dissimuler. Tout allait bien.

-Passez une bonne soirée, me dit-il en me lâchant.

Je repris mon souffle une fois éloignée de lui.

-Vous aussi.

Mon patron me regardait d'un drôle d'oeil alors que je faisais semblant de ne pas l'avoir vu. J'entrais la première dans la limousine, me collais au fond, contre la fenêtre, fuyant le regard de Bieber qui me regardait chaudement.

-Cette robe vous va bien.
-Merci, monsieur.

Puis le reste du trajet se fit dans le silence et des raclements de gorge gênés. Au bout d'un quart d'heure, le véhicule s'arrêta puis la porte s'ouvrit. Bieber sortit le premier et me tendit sa main pour m'aider à sortir. Je l'attrapais, ne me rendant pas vraiment compte de ce geste. Je détestais le contact, et encore plus ceux qui signifiaient quelque chose.

Nous nous trouvions maintenant sur une piste de décollage en face d'un jet privé. Il me sourit puis se dirigea vers le pilote. Pourquoi me souriait-il aussi souvent? Il était censé être le méchant sans cœur, mais nous avions apparemment échangé les rôles. Je le suivais, tenant ma robe pour ne pas l'abîmer. Le pilote me serra la main, lança un regard à mon patron puis sourit. Comme si je n'avais pas compris ce regard... Je lançais un œil blasé à mon patron qui rit sous ce geste. Il monta dans l'avion, suivit par moi et le pilote d'une trentaine d'année, chauve et plutôt joviale. Le grand-chef ne perdit pas son temps et tomba dans un siège en cuir dans un râle de plaisir.

-Que j'aime les sièges en cuir des jets...

Il appuya sur un bouton et une télé sortit du mur. Nous étions dans un jet privé, et pourtant, j'avais l'impression d'être dans une chambre d'hôtel. Je m'asseyais sur le canapé à côté du siège où trônait le boss. Il y avait de tout: un bar, des sièges massant, des toilettes, sûrement une douche, des consoles de jeux et au moins une cuisine. Ce bijoux valait au mois soixante million de dollars.

-Où allons-nous ? Demandais-je.

Il laissa sa tête glisser de la NBA à moi. À ce moment là, son regard était... normal. Presque expressif.

-Surprise.
-Je déteste les surprises.
-Je sais, Lara, vous aimez tout contrôler.
-Comme vous monsieur.
-Nous sommes des personnes d'affaires, répondit-il, ça s'explique.

Nous avons surtout peur de la vie et de ses cadeaux empoisonnés. Il se replongea dans la NBA alors que je prenais le temps de l'observer. Il avait ce profil d'homme inexpressif qui effrayait, mais ses rides du sourire étaient légèrement voyante, ce qui prouvait qu'il souriait, parfois. Et puis il avait des grains de beautés qui me faisaient penser à un enfant fragile. Et cette lueur dans ses yeux caramels... Il pensait se cacher, mais les yeux ne mentent jamais.

-Je suis flatté qu'une femme comme vous me matte avec insistance, mais ça devient gênant.

Je haussais un sourcil mais ne laissais aucune émotion me contrôler.

-Une femme comme moi ?

Que je lui pose la question le fit se tourner vers moi. Il n'attendait que ça.

-Une femme aussi sexy qu'intrigante.

Confident Where stories live. Discover now