Chapitre 18

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La mort d'Edna avait affecté Fiora encore plus que prévu. La jeune femme pensait beaucoup à l'Américaine, mais aussi, et c'était plus embêtant, à sa mère. Le visage de Madeleine, à l'instant où elle avait crié « Je l'aimais ! » lui revenait aux moments les plus inopportuns. Quand elle méditait aux toilettes avec un magazine people, quand elle s'épilait les sourcils, quand elle faisait un « o » avec sa bouche pour mettre du rouge à lèvres, quand elle buvait son thé détoxifiant du matin. Elle craignait d'éprouver ce qu'on appelle communément de la compassion et de l'inquiétude. Sentiments inimaginables pour Fiora, surtout envers sa mère. La jeune femme finit par se convaincre que c'était de la simple curiosité.

Alors, quand elle aperçut Martin sortant de ses appartements, Fiora alla droit vers lui avec un grand sourire.

- Bonjour, monsieur Farkasova !

Le Slovaque se figea. Il savait rester aussi immobile qu'un mannequin de magasin. Ses habits, entièrement noirs, lui donnaient l'allure d'un croque-mort, d'un magicien maléfique et d'un membre de la Gestapo.

- Bonjour, répondit-il froidement.

Martin s'apprêtait à continuer sa route quand Fiora le saisit par le bras. Il fixa la main qui le tenait comme si une tarentule venait d'atterrir sur son biceps.

- Je voulais vous parler de ma mère.

- Je ne la connais pas, répliqua-t-il.

- Madeleine !

- Je ne connais pas de Madeleine. Excusez-moi.

- Mais enfin, la femme que vous enfermez dans votre chambre !

Martin la dévisagea. Son épaisse moustache et ses lourdes paupières de gros chat frémirent.

- Vous parlez de Lenka ?

- Euh, je parle...de la blonde d'un certain âge que vous cloîtrez. Il y en a plusieurs ?

- Lenka va bien.

- Mais de qui parlez-vous ?

- De ma femme.

Fiora se souvenait très bien avoir entendu Axel dire que Martin était veuf.

- Pardonnez-moi, mais votre femme est morte, non ?

- Non. Lâchez-moi, maintenant.

- Bon, d'accord, d'accord. Alors est ce que Lenka n'a pas été...triste, ces derniers temps ?

- Elle est très émotive, en effet. Mais je prends soin d'elle. Puis-je partir ? J'ai à faire.

La jeune femme ne comptait pas le laisser filer comme ça.

- Vous savez qu'une femme a été tuée ici récemment ?

- Non.

- Elle s'appelait Edna Conners, et ma mère...euh...Lenka, était amoureuse d'elle et...

La tête flasque de morse de Martin Farkasova prit une étrange couleur verte. Il repoussa sèchement la main de Fiora et s'écarta, faisant claquer un pan de son manteau.

- Vos affabulations commencent à m'agacer, mademoiselle !

Il s'éloigna à grands pas, le tissu noir flottant derrière lui comme les ailes d'un corbeau obèse. Fiora le regarda, suffoquée. Finalement, abandonnant l'idée « d'assouvir sa curiosité », elle se laissa tomber dans un fauteuil. Décidément, le plus drôles des trois Cavaliers restant, c'était bel et bien Erwan.

La jeune femme assista soudain à l'arrivée de Daniel, encadré par Tahmil et Okami. Le Canadien avait l'air épuisé. Il lui adressa un petit salut et se dirigea vers l'escalier.

La Villa Gialla : Tome 4Where stories live. Discover now