Chapitre 10

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Au manoir de Garanec, les cinq mois avaient passé aussi, dans un calme presque léthargique. Fiora s'était rarement autant ennuyé de sa vie, même si elle avait le droit d'aller faire du shopping à Quimper ou d'aller de temps en temps au restaurant ou au cinéma avec Daniel. Mais ils n'avaient jamais grand-chose à se dire, alors même ces sorties étaient ennuyeuses. Daniel ne pensait qu'à lire et à réfléchir, et bien sûr, à Astrid. Le soir, elle le rejoignait de moins en moins dans sa chambre. Son Gonzalo lui manquait terriblement.

Elle errait comme une âme en peine dans le manoir quand elle décida de s'accorder une petite folie et de pénétrer dans les appartements d'Erwan, qui, de toute façon, était absent depuis des mois. La jeune femme eut un cri de surprise en découvrant qu'il y avait un homme dans le salon blanc. Mais ce n'était que Salvatore, qui eut un mouvement de stupeur.

Fiora lui trouva une sale mine. Elle avait toujours pensé qu'il ne faisait pas son âge, mais là, il semblait presque plus vieux.

- Vous êtes malade ? lâcha-t-elle sans réfléchir.

- Non, répondit-il. Je...je m'ennuie.

- Ah, moi aussi !

Elle vint s'asseoir à côté de lui et le dévisagea. De près, elle distingua les rides qui sillonnaient le visage encore beau, et le gris des cheveux qui était devenu encore un peu plus clair qu'avant. Puis, elle remarqua une étrange tâche rouge sur sa main, qui ressemblait à une piqûre d'insecte.

- Qu'est-ce que vous avez, ici ?

- Oh, c'est...un moustique.

Fiora fronça les sourcils. Elle attirait toujours ces créatures du Diable avec son sang qui devait être délicieusement sucré, mais cet été, elle n'en avait poursuivi aucun dans sa chambre, en l'entendant zézayer au plafond dans le seul but de la rendre folle.

- Vous ne pouvez pas sortir ? Ça vous ferait du bien de prendre l'air.

- Non, je ne peux pas. Ordre du seigneur des lieux.

- Axel ?

- Non...Garanec.

- Il vous garde ici ? Mais pourquoi ?

- Je...je ne sais pas, mentit Salvatore.

Fiora entendit son téléphone portable vibrer : elle avait une notification Facebook. Elle croisa alors les yeux écarquillés de Salvatore.

- Ah, laissez-moi deviner. Vous n'aviez pas encore vu le dernier Iphone ?

- Vous...vous avez un téléphone ?

- Bah ouais. Vous voulez que je vous le prête un peu ?

Il hocha la tête avec vigueur et se redressa dans son siège. Fiora le lui tendit. À son âge, il ne connaît pas les téléphones portables ? s'étonna-t-elle.

Salvatore composa le numéro de la Villa avec ses doigts tremblants. Il vérifia une dernière fois qu'aucun Golem ne rôdait dans les parages et appela. Il n'arrivait pas à croire qu'il allait enfin parler à Astrid, grâce à cette petite écervelée de Clarence. Pourquoi n'était-elle pas venue plus tôt, bon sang ?

- Allo ? fit la voix anxieuse d'Astrid.

- Mon bébé ! souffla Salvatore, qui sentait déjà l'émotion lui tordre la gorge.

- Salva ? Salva, c'est toi ? Oh, mon dieu ! Où es-tu ? Tu vas bien ?

- Je...je suis en France, à...

Il ne termina pas sa phrase : il ne fallait pas qu'Astrid le sache, et qu'elle tente d'aller le chercher au mépris de sa sécurité.

- En Bretagne, se reprit-il. Mais je ne sais pas où exactement. Je suis avec Desmarais.

La Villa Gialla : Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant