Sourire.

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Suite à son aveu déroutant, Anna fut de moins en moins enclin à sourire. Je faisais de mon mieux pour la réconforter tout en gérant mes propres galères. J'allais devoir payer un loyer avec l'argent que je n'ai pas. Je n'en ai pas touché un mot à Anna, bien évidemment. Elle avait assez de problèmes, pas besoin de lui rajouter un poids en parlant des miens.
Je suppose qu'elle a senti mon désespoir de ne pas être rappelé pour un boulot quelconque, puisqu'elle s'est enfoncée dans un mutisme qui ne me plaisait pas du tout. Elle se traînaissait, se délaissait dans mon lit, mon canapé, mon parquet, parfois. Elle aimait s'asseoir par terre, enroulée dans une couette, tout en regardant une de ses nombreuses séries sur Netflix, pendant des heures, voire des journées. C'est généralement comme ça que je la retrouvais quand je rentrais d'un entretien ou de mon cours de dessin. Tout ce que j'ai pu constater, c'était que c'était toujours pire quand je n'étais pas là. Elle me paraissait encore plus cadavérique, encore plus larvique. Ce mot n'existe pas.
Et au lit, nous ne faisions plus rien. Même ma grand mère a une vie sexuelle plus excitante. Anna se contentait seulement de poser sa tête contre mon dos quand je dormais, et lorsque je me réveillais, sa main tenait mon tee-shirt, son souffle chaud contre mon dos.
J'avais un dernier entretien de prévu. C'était mon dernier plan, un fast-food, j'étais désespéré. Lorsque je suis rentré, tout guilleret de mon entretien qui n'avait pas tourné au vinaigre, Anna me tomba dessus comme une bête sauvage. Enroulée dans une couette. Un sushi sauvage.

-Ta locataire est venue. Elle s'est plainte de ton LOYER EN RETARD.

Elle insista bien sur ces trois derniers mots. Elle semblait remontée, son regard vitreux avait pris congé, elle semblait tout à coup revenir à la vie.

-Pourquoi tu ne m'as rien dit ?!

-Je ne voulais pas t'inquiéter, repondis-je d'un ton neutre.

Elle soupira.

-Tu es....Raaaah.

Elle me lança un regard noir, puis retourna s'allonger sur le canapé pour replonger dans un silence plus froid et plus distant que jamais auparavant. Ce fut beaucoup plus dur de tenir le coup. L'ambiance était devenu lourde, pesante, et ce jusqu'à qu'elle aille se coucher, à vingt et une heure.

-Bonne nuit.

-Il n'est que...

-Je suis fatiguée.

-Tu dors toute la journée.

-Ferme-la.

Elle claqua la porte de la chambre et j'ai soupiré.

Lorsque je suis allé me coucher, elle semblait dormir à point fermés. Elle semblait. Je l'entendais presque ronfler pour de faux. Je me suis allongé auprès d'elle, et j'ai imité son geste à elle, son habitude; coller mon visage à son dos. Son odeur était douce, apaisante, j'ai fermé les yeux.

-...Ethan?

-...Oui ?

-...J'ai bien réfléchi.

Sa voix cassée et rauque, dans le silence de la chambre, semblait emplir la pièce. Comme une douce mélodie qui effleurait mes tympans.

-...Emménage avec moi.

J'ai reculé, surpris. Elle se retourna, me regarda droit dans les yeux, amusée par ma réaction.

-Quoi? C'est une mauvaise idée?

Pendant quelques secondes, je crus voir le fantôme d'Anna Joyeuse. Un timide sourire, un petit élan de taquinerie. J'ai hésité pendant quelques minutes qui ont dû lui paraître une éternité.

Qu'est ce que j'aurai à lui offrir?
Rien de plus que l'amour qu'elle ne me rendra jamais...

-Tu sais Anna, je te vois comme une fleur bourgeonnante.

Elle fut surprise.

-Quel est le rapport?

-Tu as besoin de soleil pour t'épanouir, et je suis, je te cite, "un rabat-joie".

-Je ne me rappelle pas avoir dit ça...

-Il y a deux jours. Quand je t'ai empêché de manger le reste des céréales.

-Ha, oui, je suis d'accord avec moi. D'ailleurs, pourquoi t'as fait ça?

-Les céréales sont le seul petit déjeuner que tu manges et je n'ai pas eu le temps de faire les courses.

Elle roula des yeux.
Elle se moque de moi??
Puis, elle semblait réfléchir quelques instants.

-Si je suis une fleur, tu es un petit nuage pleurnichard.

-Pleurnichard ? Répétais - je, outré.

-Le soleil ne m'est pas vital... Mais sans toi, je me serai laissée...

Elle se tut, puis reprit quelques secondes plus tard, après s'être racler la gorge.

-...Fanée.

Elle me regarda à nouveau, puis roula sur moi et posa sa tête sur mon torse.

-C'est...D'accord. Pour l'emménagement, je veux dire.

Anna eut enfin un vrai sourire. Un grand sourire qui la rendait belle, radieuse.

-Merci, Ethan.

Elle glissa ses mains entre mon dos et le matelas, je me suis soulevé pour ne pas la blesser. Et elle m'enlaça, fort, tellement fort que, et bien que je n'en souffrais pas terriblement, mes yeux me menaçaient de pleuvoir.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 09, 2018 ⏰

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La rage des papillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant