Anna, douce Anna.

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Anna, douce Anna, tu m'as semblé si affaiblie. Parfois, ton regard s'assombrissait quand je te regardais déambulant dans mes couloirs, avec pour seul vêtement, mes chemises, mes tee-shirts. Je ne te connaissais  pas ainsi, alors j'ai cherché un mode d'emploi pour tes mauvais mood. Il n'en existe malheureusement pas, alors j'ai commencé à paniquer.

-Anna, je.

-Chut. J'aime le silence.

Et on se tut.
Et à partir de ce moment, elle se mit à se lasser dans ses draps, à écouter des musiques et regarder  des animés tristes comme le glas résonnant dans la ville un dimanche pluvieux.
Hyper précis comme type de tristesse.
Anna triste, c'est comme l'héroïne d'un film romantique écrit par un vieil alcoolo.

Et elle colla sa tête à la fenêtre, le regard vitreux, ses écouteurs dans les oreilles.

Moi, dans ce film, j'étais le meilleur ami faiblard qui allait se faire tuer pour dramatiser le contexte. Genre, accident de moto. Mais j'ai pas de moto. Du coup, je faisais attention en voiture.

Anna triste, c'est aussi comme manger des pâtes sans sauce. Les pâtes c'est bon, avec une sauce c'est mieux. La sauce, c'est sa joie de vivre.
J'ai longtemps cherché un moyen de lui rendre ce sourire. Tout était planifié.
Réveil: 7h.

-Anna. Debout.

-Noooon... Je veux dormir...

Et elle se cacha sous la couette.

-Allez, habille -toi.

J'ai posé sur son lit un paquet.

-Habille toi avec ça.

Je suis alors sorti de la chambre, sûr de moi.
Une demi-heure plus tard, ne voyant toujours pas Anna triste pointant le bout de son nez, je suis entré dans la chambre.

Elle dormait.

Je rectifie :
Réveil: 7:34.

-Anna..

-Mais quoiiiii.

Et elle se leva enfin. Enfin, elle rampa jusqu'au bout du lit pour attraper le paquet.
Je l'ai regardé le déballer, dans l'encadrure de la porte. Un dernier regard, vite fait, et je suis sorti avant qu'elle ne l'ouvre totalement.

Quelques secondes plus tard, elle déboula dans le salon et me cria, tout en me sautant dessus, portant le pull Disneyland que contenait le paquet:

-ON VA À DISNEYLAND ?  POUR DE VRAI? COMME DANS LES FILMS ROMANTIQUES?

Quitte à jouer dans un film, autant faire comme un meilleur ami faiblard qui va bientôt mourir.

-Oui.

Elle esquissa alors le premier vrai sourire depuis son retour.

Et elle se mit à courir partout, cherchant, son maquillage, ses affaires, sa veste (qu'elle finit par oublier dans la voiture parce qu'elle était trop impatiente lorsqu'on est arrivé), et ses chaussures. Je ne l'avais jamais vu si enthousiaste à aller quelque part. Une vraie gamine.
Et je ne vous parle même pas du trajet; "on arrive quand?", "j'ai faim, on mange un macdo, y en a un sur cet air d'autoroute", "Mais cest tard 10h, dans 2h il est midi", "je sais que jai pris un petit dej...Mais je suis pas grosse, ok?", "pourquoi tu t'es pas arrêté", "non, j'ai plus faim, un sandwich triangle c'est nul", "merci Ethan de t'être arrêter à une autre aire d'autoroute qui avait un Burger King, t'es le meilleur, je t'aime" (elle n'a jamais prononcé ces derniers mots mais j'y rêve parfois).

Mais je me souviens que le pire, c'était à l'entrée.

-JE VEUX FAIRE CE...

Et elle récitait toutes les attractions une à une.
J'avais oublié à quel point c'était long, les files d'attente de Disneyland. Et à quel point c'était flippant, les attractions à sensations.

"EHE, ETHAN, ON VA AU..."
Et ça recommençait.
Vers 19h, on prit enfin une pause.
Pour dépenser de l'argent inutilement dans les magasins de souvenirs.

Enfin, je retrouvais à la fin de la journée, une Anna souriante et amusante

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Enfin, je retrouvais à la fin de la journée, une Anna souriante et amusante. Elle chanta tout le long du trajet la chanson du manège aux marionnettes du monde, soit la chanson qui rentre dans ta tête et qui te détruit les neurones, LA LA LA LA LAAA ,LA LA LA LA LAAA,  LA LA LA LA LA LA LA LA LA LAAA, tout en se plaignant avec ardeur que la journée s'était passée trop vite et qu'elle voulait y retourner demain et après demain.
Lorsqu'on rentra, elle posa ses oreilles de Minnie sur la table et s'approcha de moi qui venait à peine de fermer la porte.

-Ethan.

-Oui?

Je me suis retourné et elle entoura ma nuque de ses bras, tout en se mettant sur la pointe des pieds (parce que je suis un géant et elle, un nabot).

-Merci. C'était une très belle journée.

Elle m'embrassa doucement, des larmes coulèrent sur ses joues, inondant les pores de ma peau.

-...Anna ?

-Tu fais toujours tout pour que j'aille bien, et je reste là à pleurer. Je suis bien lamentable.

Et elle eut un sourire à travers ses larmes.

-Anna, je ne sais pas ce qui s'est passé mais je suis là.

-Toujours à fond dans le romantisme, hein?

Elle essuya ses larmes.

-Ethan, il faut que je te dise..

Et là, mon coeur me lança un appel au secours. Elle en aime un autre. Il la jetait.  Elle venait pleurer dans mes bras. Elle ne veut plus me voir, parce qu'au fond, je ne suis qu'un bouche trou.

C'est fou ce que mon imagination débordait lorsqu'une fille me disait "faut qu'on parle".
C'est une phrase fatale, comme un poison intérieur,  qui te dit qu'elle ne reviendra jamais.

-Ethan, si je n'étais pas présente ces derniers jours, c'est parce que je suis allée voir ma famille.

.. (j'ai arrêté de réfléchir à ce moment là. )

-Pour un enterrement.

Elle déglutit. J'eus un frisson. Sa voix était devenue brisée, cassée, tuée en vol.

-Celui de mon père.

Et sa phrase se perdit dans le néant du silence.

La rage des papillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant