Deux mots.

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Et puis, un jour, elle cessa de me répondre. Ni messages, ni appels, ni demande ambiguës. Plus rien. Le premier jour, cela ne m'a pas inquiété. Ça lui arrive, parfois. Au bout de quatre jours, j'ai commencé à avoir des doutes. Alors, j'ai paniqué. Un appel. Puis, deux, trois... Trente six. Aucune réponse. C'est alors que je me suis rendu compte que je ne faisais plus rien sans elle. Au départ, j'étais déprimé. Puis, lentement, j'ai essayé de l'oublier. Tentant toujours de l'appeler, d'entendre sa voix. Espérant la voir sortir de son immeuble quand je passe devant, ou la voir débarquer de nul part et me demander de la suivre dans des aventures miranbolesques. L'imaginant réagir à ceci, à cela avec sa gaieté habituelle. C'était dur. Un mois. Il m'a fallu un mois pour ressortir. C'est dans un bar que j'ai rencontré Violette. Douce, calme, gentille. Je me suis demandé ce qu'elle faisait à travailler dans un bar aussi mal fréquenté, d'ailleurs.
On avait commencé à se parler lorsqu'elle m'a servi.

-...Vous n'êtes pas un habitué. Puis-je faire quelque chose pour vous mettre à l'aise ?

(Dis comme ça, c'est bizarre, je sais.)

Alors, je lui ai demandé de me parler d'elle, de sa vie, de me parler, tout simplement. Elle me répondit qu'elle terminait son service dans vingt minutes. Je l'ai attendu. On est sorti, on a ri, on est allé danser. C'était court, mais doux. Vraiment doux. Nous avions passés la nuit ensemble. Puis quelques jours. Une semaine passa ainsi, dans cette harmonie.
Une semaine.

-Ethan ?

-Oui?

-Où est la farine?

Elle était aux fourneaux, et maniait ses couteaux avec une délicatesse et une précision incroyable.

Puisqu'elle était occupée, je m'en suis chargé. Une idée me traversa l'esprit. Lorsque je pris le sac de farine, j'en ai pris une poignée afin de l'enfariner.
Couverte de farine, elle s'indigna.

"T'es vraiment un gamin, Ethan. Nettoie, s'il te plaît."

Et c'est alors que l'image d'Anna s'interposa à celle de Violette.
Cela ne faisait qu'une semaine que je "sortais" avec Violette, et elle me paraissait déjà fade, déjà changé. Anna aurait réagi en riant, par terre, me menaçant de se venger. C'est alors qu'on toqua à ma porte.
Comme par hasard.
J'étais partagé. Deux solutions:
Comme dans les films, c'est Anna. Elle revient en pleurs, me sert dans ses bras, et me dis qu'elle m'aime.
Mais on est pas dans un film. C'est la réalité.
Soit c'est pas Anna et dans ces cas-là, j'en ai rien à cirer.

-Va ouvrir. Je suis pleine de farine.

J'ai obéi. Stress. Maux de ventre. Et si c'était elle?
J'ai regardé la poignée. Mes mains tremblaient. J'ai ouvert sans regarder par le judas. Si je la voyais, si c'était elle, je n'aurai pas la force d'ouvrir. J'ai fermé les yeux.

-Salut Ethan.

J'ai ouvert les yeux.
C'était elle. C'était sa voix.

-Salut, Anna.

On se regarda quelques instants. Un sourire apparut sur mon visage.

-Qui est - ce ?

Violette interrompit la magie de l'instant.

-...

OK, ça c'était pas prévu.

-Ha, salut. Je suis le plan cul d'Ethan.

...
...
...
ANNA.

-C'est pas ce que...

-Oh, c'est ta nouvelle copine? Pardon, je ne m'en étais pas doutée. Je me représente, Anna, ancien plan cul de ton copain.

Violette devient livide.

-A...Nna ? Comme ta...Cousine ?

-...

Bon, résumons la situation. La première fois que nous avions fait l'amour, je l'ai appelé Anna. Réflexe. Quand on avait terminé, elle me demanda qui c'était. J'ai paniqué et j'ai dit: ma cousine.
Elle ne l'a pas relevé, mais cela l'avait surprise. Peut être choquée.

-Ha, non. Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble?

Elle entra d'elle même, s'installa dans le salon. Anna était chez moi. Sur mon canapé.

-Une semaine, fit amèrement Violette.

-Une semaine, hein... Ethan, tu veux bien me faire un café ?

-Oui. Oui, bien sûr.

J'étais à deux doigts d'y courir, tellement l'atmosphère était tendue. Le sourire d'Anna était différent de celui de d'habitude. Plus froid. Plus hostile.

Anna est dans mon appartement.
Cette phrase résonnait en boucle dans ma tête.
Elle est là. Après tout ce temps, elle est enfin là.

Lorsque je revins dans le salon, Violette n'était plus là.

-Où est...

-Je suis désolée, Ethan. J'ai été égoïste. Violette ne veut plus te voir.

Je ne lui ai pas demandé pourquoi. Ça m'allait très bien, mais je n'ai jamais pensé à lui dire.

Elle s'approcha de moi, me serra dans ses bras. Cette odeur de vanille.

-Où étais-tu ? Ou étais-tu, Anna? Pourquoi ce silence?

Elle souffla un grand coup, puis leva ses yeux sur moi. Son regard était profond, et triste.

-Tu m'as manqué. Faisons comme si je n'avais jamais été absente.

-D'accord.

Je n'ai pas insisté. Elle avait l'air d'en souffrir. Tant pis pour ma souffrance.

-Une dernière chose...J'aimerai te demander une dernière chose.

J'ai hoché la tête. Elle attrapa mes joues, posa ses lèvres sur les miennes, longtemps, passionnément. Et entre deux respirations, la voix basse et rauque, elle lâcha ses deux mots qui me firent l'effet d'une bombe:


















"Prends - moi."

La rage des papillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant