Interlude bonus de Noël : le cadeau de Yeud

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Yeud Sucreberge se leva avec une migraine, ce 25 décembre 2042. Il commanda un verre de jus d'orange pas trop frais à son réfrigérateur, qui s'exécuta en silence. Le trentenaire prit le verre au passage en remerciant machinalement le frigo.

-Je vous en pris, maître suprême !, répondit l'ustensile programmé par ses soins.

Il alluma son ordinateur en le regardant, tout en commandant un repas à son four, qui se mit en service en félicitant le choix de son maître suprême.

Sa boîte mail s'afficha. Deux nouveaux messages attirèrent son attention. Un mail de son éditeur en maillot de bain qu'il avait fait envoyer à tous ses contacts à minuit pile et un autre de Wattpod, l'incitant à lire la fin d'une histoire qu'il avait commencée la veille. Il cliqua sur le lien du deuxième et cliqua vite sur l'étoile vide afin de ne plus avoir de mail d'incitation à finir le chapitre.

Il parcourut ce dernier. L'histoire était bizarre, sans queue ni tête. Il aimait l'humour absurde, mais là, ça allait trop loin et ça finissait de manière vulgaire. Il se permit de lire les brouillons de l'auteur : privilège de créateur du site. Il ne repéra pas de titre sulfureux, juste un brouillon titré « Chronique d'un vieux ». Sans doute sa prochaine histoire en gestation. Pas de polémique dans les médias en vue.

Il profita d'être sur son site pour rectifier un pop up de publicité. Il rendit l'image de la femme nue subliminale un peu moins subliminale.

Ceci fait, il retourna dans sa chambre pour s'habiller et sortit. L'Iscenseur de l'immeuble s'arrêta quelques étages plus bas et laissa entrer un couple. Tous deux portaient un bonnet de Noël sur la tête. Yeud détestait Noël encore plus qu'il ne détestait les couples. Il ne baissa pas les yeux et ne sourit pas. L'homme le regarda. Il avait le teint mat et des lèvres épaisses. Il sentait l'alcool.
-Excusez-moi, j'ai l'impression de vous connaître...

Purée, et moi qui ai pris cet hôtel pour être tranquille, songea Yeud.

-Je ne crois pas.

Le couple chuchota.

-Vous n'êtes pas le créateur de Wattpod ?

Question de rhétorique.

-Si, c'est exact !

Sa célébrité lui arracha un sourire de satisfaction.

-Oh, je dois vous remercier, mon histoire a été récompensée il y a deux ans !

(Ça m'en touche une sans bouger l'autre.)

-Félicitations, jeune homme !
-Merci, grâce à vous, j'ai repris confiance et ça m'a même aidé à arrêter de boire !

Yeud le dévisagea. A qui espérait-il faire croire ça ?! A moins que... Il baissa les yeux vers la jeune femme, qui se pinça les lèvres et détourna le regard.

-Je peux prendre un selfie avec vous ?

Encore une question de rhétorique...

Les portes se rouvrirent et Yeud déclina poliment l'invitation du jeune homme à déjeuner ensemble au restaurant. Le couple sortit. Les portes se refermèrent et la cabine descendit jusqu'au sous sol, où l'attendait sa Voitube. Mais un bonhomme l'y attendait en salopette bleue.

- 'jour m'sieur ! Désolé, le service est indisponible ce matin, je dois faire une réparation importante !
-écoutez, mon p'tit...?
-Timéo !
-Timéo, je suis pressé car j'ai un entretien pour lancer un nouveau logiciel qui va révolutionner Noël. Vous ne faites pas de réparation, là tout de suite, visiblement... Me laisseriez-vous m'échapper avant de commencer ?
-Non, je ne vous « laisseriez » pas.

Yeud comprit qu'il n'aurait pas le dessus sur ce frustré social. Il regarda l'étiquette du réparateur. Puis le nom de la société sur sa Voitubette. Il retourna dans l'Iscenseur, puis devant son ordi. Après quelques clics, le visage de son dernier interlocuteur s'afficha avec son nom complet.

Il retourna sur Wattpod. Formidable ! Il retrouva le profil de Timéo Cempoit. Il écrivait beaucoup. Parfait. Il s'apprêtait à cliquer sur « supprimer le profil et ses informations », quand un titre l'interpella. Il cliqua sur le lien.

Six heures plus tard, Yeud essuya ses larmes. De joie ou de tristesse, il ne savait plus très bien... Cet auteur était un génie. Mieux, un messie ! Comment pouvait-il n'être que réparateur de tube !? Yeud ne réfléchit pas. Il cliqua à nouveau sur le profil de ce Timéo et lui transféra tous les droits de son site.

Il était comme libéré d'un poids énorme. Il flottait dans sa chambre d'hôtel. Il ordonna l'ouverture du store,  qui s'ouvrit sur une ville illuminée, luttant encore contre la semi pénombre de la fin de nuit.

Un gigantesque panneau « joyeux Noël » lui faisait face.

-Joyeux Noël, lança-t-il tout bas, comme à lui-même, un large sourire aux lèvres. Il était béat.
-Joyeux Noël maître suprême, répondirent en chœur son frigo, son four et sa baignoire et neuf autres objets intelligents. « Votre repas refroidit », ajouta le four d'une voix doucereuse.

-Ah oui, c'est vrai , merci ! Table ?
-La table est dressée. J'ai pris l'initiative de commander un bonnet de Noël à votre imprimante 3D, maître suprême.

Yeud se saisit du bonnet, l'enfila, et se mit à table, entouré de ses douze objets intelligents préférés.

-Joyeux Noël à tous ! Que tous vos vœux se réalisent !, s'écria-t-il encore une fois, suivi par une nouvelle cacophonie, avant de planter sa fourchette dans une pomme-de-terre.

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Ps : merci d'avoir lu ce petit texte écrit ce matin de Noël 2017. Je voulais vous souhaiter un joyeux Noël d'une manière peu originale. A l'américaine, en quelque sorte (ça vaut aussi pour le Nouvel an) ! Merry Christmas and (soon) happy new year, donc ! Et merci pour les près de 500 étoiles qui grâce à vous ornent mon sapin ;)

Wattys 2040Where stories live. Discover now