Jour 20 : Mercredi 20 décembre 2006

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Alors que je m'apprêtais à rentrer dans le bureau de North, j'entendis des cris depuis le couloir qui m'en dissuadèrent. Rapidement, je reconnus la voix de son ex-femme, Isabelle. Visiblement, tous deux avaient un problème avec la garde alternée de leur gosse.

Soudainement, elle quitta son bureau et mon regard croisa celui de North. Il me fit entrer comme si de rien n'était alors que son fils était présent. Celui-ci était assis sur le canapé en train de jouer sur sa console. Puis mon regard se posa se nouveau sur mon patron et je lui tendis le dossier pour lequel j'étais venu.

— Le dossier est désormais complet et j'en ai parlé avec d'autres employés. Normalement, on pourrait rendre ce projet en un mois.

Il s'empara du dossier et commença à le feuilleter, assez dubitatif.

— Vous pouvez disposer...

Alors que j'étais sur le point de partir, il me retint.

— Vous savez vous occuper d'enfants Triaghan ? me demanda-t-il.

Il était évident qu'il allait me demander de surveiller son gosse et je n'avais clairement pas envie qu'un morveux traîne dans mon bureau. Malheureusement, j'allais devoir faire bonne figure face à mon patron et retenir péniblement ce soupir.

— Je suppose que je suis capable du nécessaire, comme quiconque, éludai-je poliment.

— Mon ex a visiblement un Noël bien trop chargé pour s'occuper de Marvin alors que nous avions convenu qu'elle aurait toujours les gosses à cette période.

Il y avait de la haine dans sa voix et je me tournai naïvement vers le gamin qui devait entendre toute cette discussion, ce qui me rendait assez mal à l'aise pour lui.

— Vous ne devriez pas parler de ça en la présence de votre fils, rétorquai-je maladroitement.

Son regard s'assombrit et je regrettais déjà d'ouvrir ma gueule. J'aurais tellement mieux fait de me taire. Mais je ne pouvais vraiment pas laisser passer ça.

Heureusement, il ne fit aucune remarque à mes propos, bien que son silence ne me rassure pas pour autant.

— Je vais convaincre Isabelle ce soir de changer d'avis. En attendant qu'elle le récupère, peux-tu le garder dans ton bureau ?

Merde.

*

Marvin s'était installé silencieusement dans mon bureau et j'avais pu vaquer à mes occupations sans qu'il me dérange. J'étais presque impressionné par son calme. Peut-être que j'avais une image assez faussée des gosses... En même temps, j'avais parfois du mal à concevoir que tout le monde n'avait pas des parents comme les miens.

Aux alentours de midi, je m'approchai de lui pour lui demander ce qu'il voudrait manger. Il haussa les épaules. Visiblement, il semblait assez indécis.

— Ça te dit un fast-food ? m'enquis-je, n'ayant pas mieux sous le coude.

Il hocha timidement la tête. Il était très timide et j'étais presque mal à l'aise de faire la conversation seul.

— Je travaille pour ton père, mais je balancerai pas si tu dis des conneries, lui fis-je remarquer en enfilant mon manteau.

Il m'adressa un sourire, sans jamais dire un mot. Son manque d'expression était presque déstabilisant. Ou peut-être juste que je ne savais pas m'y prendre avec les gosses.

Après qu'il eut rapidement mis son manteau à son tour, nous quittâmes l'immeuble pour trouver de quoi manger aux alentours. De plus, je tentai de trouver un endroit où commander ne serait pas trop compliqué étant donné sa timidité. Peut-être qu'un menu enfant lui conviendrait. Mais j'avais trouvé un fast-food où il pouvait pointer du doigt ce qu'il voulait sur le menu, ce qu'il avait fait assez naturellement.

Nous nous installions dans un coin, là où il n'y aurait pas trop de bruits aux alentours ni trop de personnes. Je n'avais vraiment pas envie de le perturber. Et pendant un instant, j'espérais que mes pires pensées ne soient pas vraies. J'espérais vraiment qu'il était juste timide et pas traumatisé par ce qu'il se pourrait passer chez lui. Mais je ne connaissais pas vraiment North en tant que père, je ne le connaissais qu'en tant que patron, et peut-être qu'alors, toute l'image que j'avais de lui n'était qu'un leurre.

Alors entre lui qui ne voulait pas parler et moi qui commençais à ne plus savoir quoi dire, nous mangeâmes silencieusement et ce n'était pas plus mal. Puis nous retournâmes dans mon bureau où il s'installa dans le même fauteuil tout en jouant encore sur sa console. Je ne savais vraiment pas comment m'y prendre avec lui, néanmoins, je le prévins qu'il n'avait pas à hésiter s'il avait le moindre souci.

Jusqu'à la fin de la journée, il ne me parlait toujours pas et Isabelle, sa mère, vint le chercher. Elle me remercia de l'avoir gardé et m'assura qu'il n'y avait plus de problèmes avec Weston. Enfin, je savais que ça avait été réglé à coup d'argent et ça ne me rassurait pas pour autant.

Dès qu'elle quitta mon bureau, je reçus un bref message de Paris. Encore une fois, le même genre de message. Enfin, en partie, elle m'annonçait vouloir passer demain dans la soirée pour manger ensemble et s'assurer de mon état. Visiblement je n'avais pas trop le choix... Et je n'avais pas la force de trouver un stupide mensonge ou une raison à la con pour l'éviter. Peu importe.

La Nitescence des PerdrixWhere stories live. Discover now