Jour 8 : Vendredi 8 décembre 2006

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N'ayant aucune envie de me prendre la tête ce soir, je n'avais pas hésité à faire appel à Jordana. Après tout, j'avais encore assez d'argent pour m'amuser un peu. Pour une fois que je n'étais pas dans le rouge.

Elle me tenait par le bras, marchant à mes côtés jusqu'à mon appartement. Elle faisait semblant de s'amuser, ça faisait partie de son métier. Chacun vivait à sa manière...

Je m'attendais vraiment à passer une soirée tranquille, du moins, jusqu'à ce que je croise Suna sur le perron. Que faisait-elle encore ici ?

Son regard se posa sur Jordana, elle semblait à la fois furieuse et dépitée. Pas très étonnant. Elle espérait qu'il se passe quelque chose entre nous et voilà qu'elle me voyait dans les bras d'une pute.

— Qui c'est ? demanda-t-elle.

— Peu importe...

— Tu as une copine ? m'interrogea Jordana, plus ou moins surprise.

— Non, ce n'est pas ma petite-amie... C'est...

Je savais que si je disais qu'elle n'était qu'une amie, ça pourrait être très blessant. Mais je ne savais même plus ce que je voulais vraiment de Suna en fait. Elle était quelqu'un de bien, quelqu'un qui ne méritait pas que je la blesse, pourtant, qu'elle reste à mes côtés était une atroce idée.

— Je crois que la soirée est foutue, me fit remarquer Jordana. La prochaine fois, je te compte ce déplacement...

— D'accord...

Elle s'en alla, me laissant seul en compagnie de Suna. Celle-ci me regarda, toujours le visage contrit, ne comprenant toujours pas la situation.

— C'est... une prostituée ? s'étonna-t-elle.

— Oui et je ne vois pas où est le problème, répliquai-je d'un ton neutre.

— Je ne pensais pas que...

Elle s'arrêta, ne finissant pas sa phrase. Visiblement, je n'étais pas le genre d'homme à m'amuser avec des prostituées selon elle. Elle me connaissait mal et ce n'était que le début.

— Pourquoi es-tu venu ? l'interrompis-je dans ses pensées.

— Pour parler.

— N'a-t-on pas déjà parlé hier ?

— Pourquoi tu te montres aussi désagréable ? demanda-t-elle en haussant le ton.

— Parce que c'est ma vraie nature peut-être ? Maintenant, si ça ne te gêne pas, je vais rentrer chez moi... J'ai autre chose à faire...

Alors que j'étais sur le point d'ouvrir la porte, elle m'arrêta brusquement en prenant la parole :

— Je sais que tu te mutiles.

— Pardon ? lançai-je en me tournant vers elle.

— J'ai vu des cicatrices sur tes bras... et dans ton agenda, tu avais marqué "la fin" le 24 décembre... Je ne sais pas vraiment comment interpréter ça... Tu veux te suicider ?

Je me tus. Elle avait tout compris, et bien trop rapidement. Et puis dans le fond, qu'allais-je bien pouvoir lui dire ? "Tu te trompes" ? Elle n'était pas suffisamment idiote pour y croire.

— Je pense que tu fais des conclusions un peu trop hâtives.

Finalement, j'avais opté pour la mauvaise méthode. Sa tête me le confirma aussitôt. Pourtant, je n'avais pas d'autres manières de lui répondre.

— Ne me dis pas que je n'ai pas vu ce que j'ai vu. C'était quand tu t'es renversé ton verre sur toi. Tu n'as pas fait attention à ce moment, mais tes manches étaient suffisamment remontées... et puis ça expliquerait pourquoi tu repousses autant Paris ou même moi... Mais ce n'est pas la bonne solution.

— Je crois que je ferai mieux de rappeler Jordana, la coupai-je.

— Tu es sérieux là ?

— Tu sais quoi ? Peut-être que tu as raison, mais je m'en fous. J'avais prévu de passer une soirée avec une pute et c'est tout...

Elle baissa sa tête, ne pouvant croire à ce que j'étais en train de lui dire. J'en étais à peine étonné. Suna n'aurait jamais dû le savoir parce que je savais qu'elle ne le supporterait pas.

— Ok, va finir ta soirée avec une prostituée si c'est ce que tu veux... Je ne sais pas pourquoi je suis venue te voir. Tu as raison, j'aurais dû m'éloigner de toi...

— Exactement...

Elle ne dit rien de plus et se contenta de partir. Cette fois-ci, elle était bel et bien brisée... et soudainement, je le regrettais. C'était ce que je voulais aux premiers abords... Puis maintenant, je n'en avais plus la moindre idée...

Et encore une fois, je n'avais trouvé que l'alcool pour oublier, aussi stupide soit-il...

La Nitescence des PerdrixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant