Chapitre 30

Depuis le début
                                    

- Tu peux pas attendre que je t'apporte tes cannes ? râle ma mère à deux mètres de moi.

- Béquilles, la corrigé-je.

Le mot « canne » me donne l'impression d'avoir cent-sept ans. Ma mère lève les yeux au ciel et me donne mes béquilles. Je fais un pas sur le côté et me débrouille maladroitement à fermer la portière.

- Je vais t'accompagner jusqu'à ton internat, m'annonce-t-elle alors qu'elle ait retourné à l'arrière de la voiture. Tu peux pas tout porter seul.

- Raison de plus pour rester à la maison, soufflé-je malgré moi.

- On va pas revenir sur ça.

- Cameron ? m'appelle une voix grave sur ma gauche.

Je tourne la tête et remarque Théodore à quelques mètres de moi, son sac de cours sur le dos et un sac de voyage à la main. On reste, comme souvent, à se regarder sans se dire un mot jusqu'à ce que ma mère revienne à côté de moi.

- Bonjour, le salue-t-elle, souriante.

Il en fait de même et remonte son sac à dos. Il se racle la gorge et me demande, un peu mal à l'aise :

- Qu'est-ce... Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

Il pointe mon genou où j'ai dû mettre une attelle.

- Je me suis fait opérer avant Noël. Le cartilage.

Il grimace comme si le simple fait de parler de l'opération le faisait souffrir.

- Tu... Tout s'est bien passé ? Tu n'as pas trop mal ?

- Tout va bien.

Ma mère tourne sa tête vers moi, étonnée de ma réponse. C'est vrai que ça fait plusieurs jours que je me plains de douleurs pour pouvoir éviter le lycée mais il est hors de question que je me plaigne auprès de Théodore.

- On peut pas en dire autant pour le transport de ses affaires ! intervient ma mère en soulevant mon sac.

- Oh mais attendez, je peux le faire si vous voulez !

- C'est vrai ? s'écrie-t-elle, joyeusement. Tu ferais ça ? Ça serait vraiment adorable. Et ça m'arrangerait parce que je suis assez pressée, j'ai un rendez-vous.

Elle ment. Elle ment ! Je le sais. Je suis outré. Je me tourne vers ma mère, les yeux grands ouverts. Elle ne va quand même pas lui demander de faire ça et pourtant, je les vois s'avancer l'un vers l'autre.

- Non mais attendez ! m'exclamé-je en les rejoignant. Je peux me débrouiller tout seul.

- Mais je sois pas stupide, Cam. Ton ami se propose gentiment, alors laisse-le faire !

Je respire à fond pour ne pas m'énerver après elle et remarque que Théodore a déjà tout en main.

- T'inquiète pas, ça me dérange pas, m'affirme-t-il, avec un grand sourire. Je t'attends là-bas.

Il me fait un signe de la tête avant de dire au revoir à ma mère. Ma tête fait un brusque quart de tour vers elle pour la foudroyer du regard.

- Ca va pas de faire ça ? Je le connais pas ce mec !

- Je n'ai rien fait. C'est lui qui s'est proposé.

Enfin vu la manière dont elle a dit les choses, il n'avait pas vraiment le choix puisqu'il est bien élevé. Je soupire tandis qu'elle m'embrasse la joue.

- Et il t'a dit que ça ne le dérangeait pas. Allez, passe une bonne semaine. Je viens te chercher vendredi midi.

Elle m'embrasse la joue, me sourit une dernière fois et contourne la voiture. Elle monte dedans et ne met pas longtemps à disparaître de la cour. Théodore n'a pas disparu, lui. Il est exactement à l'endroit qu'il m'avait indiqué. Je ne vais pas mentir, ça ne me dérange pas de passer du temps avec lui, c'est le fait qu'il doive porter toutes mes affaires qui me gêne. Je le rejoins et lui dis aussitôt :

Walls Could TalkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant