Chapitre 46

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< 16 Avril 2018 >
Théodore

J'ai envie de jeter cet ordinateur par la fenêtre... Non pas qu'il y soit pour quelque chose dans ma désillusion... Je dirai même ma défaite d'aujourd'hui mais je suis agacé. Énervé et triste à la fois. Je ne sais pas à quoi je m'attendais. A ce qu'il court jusqu'ici ? Peut-être un peu mais Cam n'est pas comme ça. Il est terre-à-terre. Raisonnable pour ce genre de choses. Ça n'a même pas dû lui venir à l'esprit en m'écoutant au haut-parleur.

Je fixe le curseur qui avance au rythme de ma chanson. Tout ce que je vais récolter, ce sont des moqueries de tout le lycée quand ils auront tous compris que j'étais à l'origine de ce message. En plus d'être le gay de service, je serai le gay qui s'est exposé devant tout le lycée pour récupérer son mec et qui s'est pris un vent monumental.

Pourtant, quand j'ai eu cette idée, allongé sur mon lit, dans le noir dans ma chambre, à écouter encore en boucle, la chanson que j'ai faite pour Cam, je l'avais trouvée géniale. Je croyais que ça serait une bonne idée de lui faire écouter juste avant son émission de ce matin. Mais j'avais oublié un détail : Cameron et sa capacité à me mettre des bâtons dans les roues.

Quand j'étais arrivé au studio de la radio, j'avais appris que l'émission avait été annulée. Par Cam en personne. Finalement, j'aurais peut-être préféré que mon père refuse que je fasse ça. Qu'il soit un abruti qui n'en a rien à faire du bonheur de son fils. Ouais, j'aurais préféré qu'il m'évite cette humiliation, ainsi je lui en aurais voulu à lui et je n'aurais pas eu la confirmation que Cam et moi, c'était réellement fini.

La chanson se termine et je sens toute la tristesse que j'ai tenu éloignée ce weekend, affluer dans chaque cellule de mon corps mais je crois qu'au fond, je ne réalise pas vraiment la situation. Je ne comprends pas encore que je ne passerai plus mes weekends avec Cam. Je ne me rends pas compte que je n'aurais plus ses baisers. Je ne visualise pas le fait que nous n'aurons plus de longues conversations sur tout et rien.

Je suis comme au bord du précipice, désœuvré. Je jette un regard circulaire autour de moi, cherchant quelque chose à faire mais je suis comme vide. Comme si je n'avais plus rien à faire sur Terre. Je sais que c'est complètement faux, que ma vie ne s'arrête pas là, que je ne me définis pas par rapport à ma relation avec Cam mais je l'aime sincèrement et je sais plus que tout que j'ai besoin de lui dans ma vie.

Je retire machinalement mon casque de mon oreille, retenant avec force les sanglots qui menacent d'exploser. Je soupire tout en réfléchissant à une technique pour éviter le foyer du lycée aujourd'hui et dans les prochains jours. Lorsque je pose la main sur la souris pour éteindre l'ordinateur, la porte de la salle s'ouvre avec fracas. Je sursaute et détourne les yeux de l'écran. Je suis surpris de voir Cam dans l'ouverture.

Je suis surpris mais surtout heureux. Très heureux. Mon cœur bondit alors dans ma poitrine. Mon estomac tourne sur lui-même dans une petite danse de joie. Mes yeux se remplissent de larmes sans savoir pourquoi. Ma bouche s'entrouvre me faisant sûrement ressembler à un poisson hors de l'eau. J'aimerais dire quelque chose mais je suis trop abasourdi pour à ça.

On se fixe un long moment en silence puis soudain, une peur m'envahit. Et s'il était juste venu pour me dire de le laisser tranquille ? Je déglutis, mal à l'aise.

— Remets-la moi ! m'ordonne-t-il doucement.

Je fronce les sourcils et mets quelques secondes à comprendre ce qu'il me demande de faire puis finalement, je m'exécute, en n'oubliant pas de retirer tout de même la diffusion sur le système audio du lycée. La mélodie envahit l'espace entre nous remplaçant le silence et notre gêne et j'en profite pour détailler son visage mais comme toujours, il ne laisse rien transparaître. Il semble même hautain. Quand il faisait encore du tennis, ses adversaires devaient le détester.

Walls Could TalkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant