Jour 9 : Samedi 9 décembre 2006

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Personne ne t'aimera jamais parce que tu es un monstre, une erreur de la nature.

Soudainement, je me réveillai en sursaut. Puis je regardai aux alentours, tentant de reprendre une respiration calme.

Juste un autre cauchemar.

Je tentai de me lever, mais finis par m'asseoir sur le bord du lit, un mal de crâne me prenant brusquement. J'avais trop bu, comme d'habitude. J'avais le choix pour atténuer ça entre de l'alcool ou de l'aspirine. J'étais bien tenté par l'alcool, mais j'allais être raisonnable cette fois-ci et opter pour une simple aspirine.

En me levant, je constatai que j'avais encore les mêmes vêtements de la veille. Ceux-ci étaient dans un état désastreux, souillés par le sang et l'alcool. J'arrangerai ça plus tard, le plus important était ce foutu mal de tête.

Je fixai étrangement le comprimé se dissoudre dans l'eau. Depuis combien de temps n'en avais-je pas pris ? L'alcool devait être plus efficace de toute manière...

Puis je repensai à la soirée de la veille, à ce désastre. Le visage de Suna détruit me revenait à l'esprit, je ne pouvais pas m'en défaire. J'avais été un abruti. Je lui avais fait du mal, injustement. Pourtant, je l'avais prévenue, je lui avais dit de ne pas s'approcher de moi. De toute manière, je foirai toujours tout.

J'avalai l'aspirine d'une traite. Son atroce goût amer me déstabilisait un bref instant. Néanmoins, je repris rapidement mes esprits, pris une brève douche et enfilai de nouveaux vêtements... propres.

Lorsque je nouais ma cravate, je me rappelai qu'elle était inutile. Nous étions samedi. Je ne travaillais pas le week-end, du moins, pas tant que North ne m'avait pas prévenu.

Encore une fois, je pensais à Suna et j'en soupirai. Et si elle était rentrée chez elle en pleurs ? Et si je l'avais fait pleurer ? En croisant mon regard dans le reflet, j'avais l'air misérable. Peut-être que je méritais de mourir, j'avais sûrement raison de planifier mon suicide. Mais personne ne devait le regretter... Pourquoi fallait-il qu'elle s'attache à moi ? Pourquoi voulais-je contredire Paris ?

La situation aurait dû être simple. Je couchai avec elle dès le premier soir, je la dégoûtais par mes habitudes obscènes, comme n'importe laquelle femme m'ayant connu et en espérant bien trop. Puis elle partait et m'abandonnait pour toujours en me traitant de connard.

Pourquoi n'avais-je pas répété ce scénario cette fois-ci ?

Peut-être parce qu'elle était au courant ! Et si elle avait prévenu Paris ? Mes plans seraient alors réduits à néant. Elle ferait tout pour m'en empêcher, quitte à emménager chez moi, surveillant le moindre de mes faits et gestes.

Nous avions vraiment besoin d'une discussion. J'enfilai rapidement ma veste et partis en route pour la rejoindre.

*

J'étais devant son appartement, hésitant à frapper. Je pouvais toujours faire demi-tour. Après tout, elle n'avait rien dit à Paris, c'était évident, sinon celle-ci se serait jetée sur moi. Mais elle pouvait toujours changer d'avis.

Finalement, je frappai à sa porte, le regard baissé. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais lui dire, mais peu importe. Peut-être que ça viendrait tout seul.

Lorsqu'elle ouvrit la porte, nous étions tous les deux muets, nous fixant d'un air assez embarrassé.

— Cole ? s'étonna-t-elle.

— On doit parler, annonçai-je d'une voix faiblarde.

Elle me fit entrer et je pouvais encore apercevoir son visage triste. Ce sentiment n'avait sûrement pas dû la quitter depuis la veille.

— Je sais que ce ne sont pas mes affaires, commença-t-elle, mais...

Elle n'arrivait pas à terminer sa phrase et j'étais désormais dos à elle, incapable de la regarder. J'avais cet étrange sentiment au fond de moi qui me bloquait, un sentiment que je n'arrivais même pas à décrire. Je l'avais déjà ressenti, mais à chaque fois, j'étais incapable d'y faire face et j'avais l'impression de n'être qu'un gosse face à son destin...

— Tu en as parlé à Paris ? demandai-je aussitôt.

J'aurais pu m'expliquer ou lui avouer la vérité. Non, il fallait que j'agisse d'une manière égoïste... Encore une fois.

— Non. Je voulais qu'on en parle... Ce n'était que des suppositions... Je ne sais même pas si j'ai vu juste...

Je n'osais pas lui dire qu'elle avait bel et bien raison. Quelque chose m'en empêchait... Sûrement cette étrange sensation.

Elle s'approcha de moi, m'obligeant désormais à la voir. Elle me prit alors par les bras et m'entraîna avec elle dans le canapé. Je m'asseyais mécaniquement, sans trop savoir ce que je foutais vraiment ici.

— Oui, tu avais raison, avouai-je timidement. Je me mutile et je prévoyais de me suicider...

Sous le choc, elle posa sa main sur sa bouche, taisant un léger cri d'horreur. Elle s'en doutait, mais préférait sûrement s'imaginer qu'il y avait une autre explication logique prétendant que tout allait bien dans le meilleur des mondes.

— Mais pourquoi tu veux te suicider ? s'enquit-elle d'une douce voix en enlevant ses mains.

— Parce que j'en ai marre...

— Mais marre de quoi ?

— De la vie. J'ai déjà raté de me suicider, cette fois-ci, ça sera différent.

— Pourquoi tu ne le prends pas plutôt comme une chance ? Tu aurais pu mourir et tu ne penses pas que tu devrais en profiter ?

— Je ne vois pas l'intérêt de la vie.

Pendant quelques minutes, je pouvais prétendre que tout allait bien, mais aussitôt, le vide qui m'emplissait d'habitude reprenait sa place. Je vivais sans vivre, attendant qu'il se passe quelque chose le lendemain, sauf que je reprenais toujours mes habitudes, jamais rien d'extraordinaire. J'excellais dans mon travail, mais je n'étais qu'un assistant. J'excellais au lit, mais ce n'était qu'avec des putes. Je pouvais exceller dans tout et il y avait toujours un "mais".

— Alors, quoi que je te dise, tu comptes vraiment te suicider ? m'interrogea-t-elle d'un ton morose.

— Oui, répliquai-je fermement.

Elle se tut brusquement, sûrement en train de se rendre compte de la terrible réalité. Oui, je veux mourir et c'est un fait.

— Et si je t'empêchais de te suicider ? demanda-t-elle, perturbée. Jusqu'au 24, je tenterai de te prouver que ça ne vaut pas le coup de mourir et que tu peux toujours espérer quelque chose de la vie...

— Supporteras-tu un futur échec ? lançai-je par pure provocation. Parce que c'est ce qui va arriver. J'ai vingt ans et je n'ai toujours pas trouvé de sens à ma vie. En deux semaines, ce n'est pas prêt d'arriver...

— Crois-moi Cole. J'y arriverai. Mais je veux que tu joues le jeu et que tu me parles de tous tes doutes... Après tout, tu as mon numéro.

— Je vais essayer, mais je ne promets rien.

Un sourire assez réservé se dessina sur ses lèvres. Elle en espérait bien trop et je regrettais déjà de la décevoir...

La Nitescence des PerdrixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant