Jour 3 : Dimanche 3 décembre 2006

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— Tu n'as vraiment que ça comme décorations ? demanda Suna, assez surprise.

Elle tenait la boîte de boules que je venais tout juste d'acheter la veille. Elle s'attendait sûrement à ce que j'aie un carton rempli de ces conneries comme la plupart des gens. Ce carton n'avait même jamais existé.

— Et pourtant, c'est le cas, répondis-je.

Elle fit une légère grimace. Noël semblait vraiment important à ses yeux. C'était une suffisamment grande différence entre nous pour que je m'éloigne d'elle.

— À la limite, je pourrais t'en prêter, me proposa-t-elle amicalement.

— Non, ça ira. Ne te tracasse pas pour moi.

— Pourtant tu devrais. Noël c'est la seule période de l'année où on peut se défouler et décorer tout et rien de n'importe quelle manière.

Si seulement elle savait que je n'avais jamais vraiment fêté Noël de ma vie. Nous n'avions vraiment rien en commun. De toute manière, je n'en espérais pas plus que du sexe entre nous.

Elle déposa quelques boules dans le sapin, s'amusant comme une gamine, tandis que je la regardais, dubitatif. Je ne savais pas vraiment quoi penser de cette situation. Je n'arrivais même pas à y prendre du plaisir... Ça me passait au-dessus, comme tout le reste.

Elle m'adressa un sourire que je lui rendis immédiatement pour faire bonne figure. Je n'aurais pas dû accepter sa proposition et plutôt passer un peu de temps avec une pute. Ça aurait été nettement plus amusant...

Puis nous passâmes le temps à décorer ce satané sapin avec le peu de boules que j'avais. Suna ne cessait de me dire que je n'avais aucune organisation, mettant les décorations que d'un seul côté. En fait, c'était assez vrai. Je voulais m'en débarrasser le plus rapidement possible. De toute manière, ce sapin finirait sa vie dans une poubelle...

Lorsque nous eûmes fini, elle soupira, soulagée, tout en regardant son œuvre.

— C'était exténuant tout ça. On mange quoi après ? demanda-t-elle.

— Comment ça "manger quoi" ? m'étonnai-je.

— Il est pratiquement dix-neuf heures, me fit-elle remarquer en me montrant une pendule.

En effet, il était assez tard et visiblement, elle n'était pas près de partir. Cette fille devait vraiment s'intéresser à moi, pourtant, je ne faisais rien pour l'attirer. À la limite, ça pourrait être presque amusant de jouer avec elle un peu, mais je ne voulais pas lui faire du mal, je ne voulais pas qu'elle s'attache à moi, à quelqu'un qui avait prévu de mourir.

Pourtant, même après cette brève réflexion, j'avais la soudaine envie de passer un peu de temps avec elle. Comme ça, sans raison.

*

N'ayant aucune envie de cuisiner ni de sortir dehors, nous avions commandé une pizza que nous partagions à deux tout en discutant de tout et de rien. Enfin, surtout de rien. La plupart des discussions que nous avions étaient vaines.

— Et sinon, tu ne m'as pas toujours pas dit depuis combien de temps tu connaissais Paris ! déclara-t-elle pour lancer un sujet de conversation. Serait-ce un secret d'État ?

— Qui sait ? Peut-être bien, répondis-je pour me jouer d'elle.

— Je ne peux même pas avoir un petit indice ? renchérit-elle.

Elle était vraiment acharnée sur ce point, c'en était presque plaisant. Au moins, on ne s'ennuyait pas trop à parler de rien.

— On était gosses quand on s'est rencontrés. Ça fait tellement longtemps que je m'en rappelle à peine à vrai dire.

— Et vous êtes restés amis durant tout ce temps, c'est impressionnant...

— On fait en sorte de moins en moins se voir pour éviter de s'engueuler, plaisantai-je.

Elle rit à ma remarque puis prit une bouchée de sa part de pizza, toujours un grand sourire aux lèvres. Je ne pus m'empêcher de sourire en la regardant aussi enjouée, puis je me rendis compte que cette situation était assez embarrassante. Cette joie de vivre n'était pas réelle... Elle semblait le constater bien rapidement.

— Quelque chose ne va pas ? s'enquit-elle, s'arrêtant immédiatement de manger.

— Tu ne devrais pas t'approcher de moi, lançai-je d'un air presque menaçant.

— Pourquoi ? s'étonna-t-elle, déstabilisée par mes propos.

— Ce n'est pas bon pour toi...

Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas où je voulais en venir. Si seulement elle savait que j'avais prévu de mourir.

Le reste du repas se passa dans un étrange silence jusqu'à ce qu'elle reprit le dessus avec un sujet bien plus léger. Visiblement, elle avait rapidement fait abstraction de ma remarque...

Dans le fond, n'importe qui l'aurait fait. On ne voulait pas s'attarder sur les problèmes des autres, ce pourquoi je repris comme d'habitude mon masque, prétendant être d'aussi bonne humeur qu'elle.

Aux alentours de vingt-et-une heures, elle finit par s'en aller et c'en était presque un soulagement. J'espérais vraiment que nous ne nous reverrions plus, nous n'avions aucune raison de nous revoir... 

La Nitescence des PerdrixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant