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Sur le perron de la porte de l'adolescente, je déposais des fleurs. Des roses rouges. Je pense, que le rouge redonne espoir, c'est une couleur  qui donne envie d'aller de l'avant.
J'observais un moment le jardin entretenu, l'herbe verte bien tondue, un pommier poussant au milieu et cette chaise à l'écart. Elle était en bois, elle menaçait de se casser à tout instant, vêtue de mousse et de feuilles mortes.

Elle devait s'asseoir là, lire un livre dont elle était la seule à comprendre le sens.
Aucune voiture dans l'allée, personne n'était dans la maison.
J'avais l'impression que cette chaise me regardait, c'est un peu bizarre...

Mon portable vibra dans la poche arrière de mon jean et une chanson de Nirvana s'éleva dans l'air.

Gerard m'appelait.
Je décrochais.

  -Allô, Frank ?

Sa voix me transperça le coeur comme si du verre brisé rentrait à l'intérieur. Elle était belle, il articulait bien et on y sentait une pointe de tristesse.

  - Oui, répondis-je. V-vous allez bien ?
  - Pas exactement... Vous avez une voix de docteur.
- Euh, je le suis. (J'entendis son rire et je ne pus m'empêcher de sourire.)
  - Personne n'arrive à me faire rire, rien qu'un peu. Pourquoi vous, Frank ? Je ne vous connais même pas.
  - Gerard... Je n'en sais absolument rien. Qu'avez vous ?

Il y eut un silence. Frank crut qu'il avait décroché, mais il répondit :

  - Je déprime tout le temps. Depuis mon adolescence, j'ai été victime de harcèlement. (Frank ne put s'empêcher de lancer un regard à la chaise, se rappelant de l'adolescente.) J'ai fait une tentative de suicide, si on peut appeler ça une tentative... J'ai juste accroché la corde et je suis resté assis sur mon lit pendant deux heures à la regarder avant que ma mère ne débarque. Vous voulez que je vous dise ? Je n'ai pas de courage. Je n'ai jamais eu le courage d'affronter quelque chose. Je prends des pilules et ça n'aide pas. Puis...

Frank s'assit sur la chaise et ferma les yeux. Le souffle du vent contre son visage, le bruit des branches du pommier qui se balançent.

  -...mon frère est parti il y a une semaine. Il a fugué, il en avait marre de moi et mes parents. On ne vivait pas avec eux, mais il est parti de chez lui du jour au lendemain, rejetant la faute sur nous. Je crois qu'il est en ce moment dans un autre pays ou à Los Angeles. Vous n'êtes pas obligé de parler, je préfère que vous écoutiez.
  - Je vous ai écouté, Gerard. Vous n'allez pas faire de bêtises, s'il vous plaît.
  - J'y pensais quand vous m'aviez envoyé le message.
  -Vous y pensez toujours ?
  - Je ne sais pas... Parlez moi de vous.

Frank avait pitié de Gerard. Il se dit qu'il allait l'aider, parce qu'il n'avait pas réussi avec l'adolescente. Il ne voulait plus que quelqu'un à qui il ait parlé ne se donne la mort. Il préférait qu'ils partent faire le tour du monde comme Alphonse.

  - Je suis psychologue. J'aime aider les gens, leur redonner le sourire. Et je suis assis dans un jardin qui ne m'appartient pas, mais qui appartient à une de mes patientes qui s'est suicidée. Ça ne sert à rien... Ça ne règle rien, vivre règle les choses parce qu'on les affronte.
  - Je suis faible, Frank. Peut-être que demain je serais parti.
  - Ne dîtes pas ça, s'il vous plaît.
  - J-je dois y aller, j'ai un rendez-vous.

Gerard raccrocha. C'était la première fois de sa vie que quelqu'un s'intéressait à lui, que quelqu'un ne voulait pas qu'il parte.

Vous méritez de vivre [En énorme pause]Where stories live. Discover now