Une vie à deux - Esprits Criminels

Confrontation

Il stoppa net son mouvement, alors qu'il allait mettre son sac en bandoulière. Elle était là, devant lui. Comme si ces derniers mois n'avaient pas compté, comme si tout allait bien. Pourtant, rien n'était plus pareil. Il n'était plus le même. Il l'avait fait souffrir et s'en voudrait toute sa vie. Il ne la prendrait plus dans ses bras. Elle ne lui déposerait plus un léger baiser sur la joue parce qu'en public, tous les deux étaient trop pudiques. Elle était venue l'attendre non loin des bureaux du BAU. Qu'importe si elle s'affichait, qu'importe ce que les gens penseraient. Elle ne pouvait plus continuer comme ça.

« Salut » ne trouva-t-il qu'à répondre. Ce qu'il se trouvait pathétique à ce moment donné. Le temps semblait s'être figé. Il aurait eu du mal à dire s'il était seul, ou si un million de personnes gravitait autour de lui. Cette sensation était étrangement nouvelle pour lui. Toute sa concentration était fixée sur la jeune femme.

« Salut »

Elle ne semblait visiblement pas plus à l'aise que lui. Pourtant c'était elle qui avait initié cette rencontre. Il préférait donc la laisser continuer la conversation. Si tant est qu'il y en est une. Il la trouva belle, et remarqua qu'elle lui avait manqué. Malgré tout. Elle le regarda dans les yeux, mais il ne put soutenir son regard.

« On peut parler ? » finit-elle par réussir à demander. Elle avait pourtant formulé dans sa tête durant le trajet toutes sortes de choses à dire. Des choses beaucoup plus élaborées.

« Ecoute, je ne crois pas que ça soit... » chercha-t-il à esquiver. Mais il ne put finir.

Ces quelques mots avancés avaient fait craquer la jeune femme.

« Ça fait trois semaines Spenc, je pense que j'ai été plutôt patiente, et que je mérite une explication » finit-elle par exploser.

Jamais auparavant il ne l'avait vu comme ça, et il eut peur. Il avait trop peu d'expérience dans ce domaine pour savoir comment réagir. Aujourd'hui encore, il ne savait lui-même exactement pourquoi il n'arrivait plus à lui parler, pourquoi il n'arrivait plus à être avec elle, même s'il en avait encore envie.

Elle le regarda un moment, attendant un signe, un mouvement de sa part. Mais rien. Elle ressentit alors en elle de la tristesse, de la colère et de la frustration.

« Spenc je te parle ! »

Il ne put s'empêcher de légèrement frémir en entendant le désespoir dans sa voix.

Elle-même ne se reconnaissait plus. Elle n'avait jamais agi comme ça avant. Mais pour la première fois, elle tenait réellement à quelqu'un. Elle s'était impliquée, au-delà des limites qu'elle s'imposait d'habitude. Il fallait qu'elle sache.

« Tu mérites mieux que moi, je ne peux pas t'apporter ce que tu veux, ce que tu mérites, surtout pas en ce moment » finit-il par lâcher subitement.

Cette réplique était pour le coup très basique, comme une citation d'un film romantique ou d'un livre à l'eau de rose.

« Que veux-tu dire par en ce moment ? » répliqua-t-elle se rapprochant de lui.

Et là, sans qu'il le veuille, sans l'avoir prémédité, il eut un geste de recul. La jeune femme le nota tout de suite et le reçut comme une gifle. Elle se mordilla les lèvres.

« Ok, très bien, je n'insisterais plus Spenc...prends-soin de toi » finit-elle par abdiquer.

Le temps semblait ne plus avoir d'emprise sur eux. Spencer n'aurait su dire s'il s'était passé deux minutes, ou deux jours. Il la vit au ralentit, s'éloigner de lui. Une petite partie en lui lui cria de la rattraper. Mais c'était mieux ainsi. Il avait trop perdu de repères ces derniers temps. Il ne savait plus où aller avec elle, ni où il allait lui-même. Le froid saisissant finit par le réveiller et le sortir de sa torpeur.

Ce que Spencer ne remarqua pas en s'éloignant, ce fut la présence de JJ qui avait assisté à toute la scène de loin.