Chapitre dix.

33 6 0
                                    

Je venais d'arriver dans le bar dans lequel il m'avait donné rendez-vous, il voulait me changer les idées après ma visite au cimetière et je lui en était reconnaissante.

-Désolée pour le retard, je me suis assoupie, j'ai pas vu le temps passer, dis-je en arrivant à sa hauteur

-Aucun soucis ma belle, j'ai pris la liberté de te commander un chocolat chaud, dit-il en se levant pour me prendre brièvement dans ses bras

On prit place l'un en face de l'autre et on se mit à parler de tout et de rien

-Tu sais je suis surpris

-De quoi?

-Ca fait deux mois que l'on se connaît et il ne s'est toujours rien passé entre nous, en fait, si on me demandait je ne saurais dire quelle relation nous lie

-Pour être honnête je compte pas sortir avec toi, je compte seulement t'admirer jour après jour parce que quand je te regarde j'ai l'impression de le voir lui, comme s'il était encore là, comme s'il était toujours en vie. Et ça apaise ma douleur pendant un bref instant, parce que j'ai en face de moi une douce illusion, je t'ai en face de moi! C'est très égoïste j'en ai conscience mais c'est aussi la seule chose qui me permette de tenir le coup, de cesser de souffrir même si c'est temporaire et c'est pour ça que je voudrais passer chaque seconde de ma vie à tes côtés, pas parce que je t'aime mais parce que je l'aime et que tu lui ressemble.

-Tu vois, je préfère que les choses soient clair, au moins maintenant je ne chercherais pas à interpréter le moindre de tes gestes, le moindre de tes mots comme un signe

-Je voulais pas te donner d'espoir tu sais

-Je voyais bien que tu te confiais à moi parce que ça t'apaisais, je voyais bien que les moments qu'on passe ensemble étaient comme une sorte d'apaisement pour toi et je m'attendais pas à ce qu'on se mette ensemble, j'en avais seulement envie. Mais je peux gérer la situation, je peux gérer le fait que tu veuilles seulement être mon amie. Tant que toi ça te permet de t'en sortir, je peux gérer tout ça!

-Merci, dis-je avant de me lever et de le prendre dans mes bras

Il me serra fort, pendant de longues minutes avant d'embrasser ma tempe

 ...

17h09

Mon téléphone se mit à sonner, le nom de mon patron s'afficha et je me mis à paniquer, depuis son décès je n'étais pas retournée travailler, mon médecin m'avait déclarée dépressive et m'avais donc fait un arrêt maladie, arrêt qui s'est terminé la semaine dernière.

-Allô? dis-je en décrochant à la troisième sonnerie

-Bonjour June, comment vas-tu?

-Je tente de remonter difficilement la pente, merci de vous en inquiéter

-Je me doute que ça ne doit pas être facile tout les jours

-La question serait plutôt de savoir quels jours ne sont pas difficile

-Je suis navré de l'apprendre, je t'appel pour ton certificat

-Oui, il s'est terminé la semaine dernière, je n'ai pas eu le temps de retourner voir mon médecin, je suis désolée

-Ecoutes, tu sais à quel point tu comptes pour moi, depuis le début je t'affectionnes particulièrement mais le problème c'est que le travail s'accumule, j'ai besoin des meilleurs à mes côtés, j'ai besoin de toi

-Je.. Pour être honnête je ne me sens pas prête à revenir.. Notre métier est difficile et sans le mental je risque de commettre des erreurs, des erreurs qui peuvent gâcher la vie de personnes.. Je peux pas faire ça, je peux pas leur faire ça, je peux pas vous faire ça, à vous, à votre cabinet, à votre réputation..

-Je comprend et c'est franchement honorable de ta part.. Mais tu comprends que du coup je vais devoir me séparer de toi?

-Je.. Tu.. Enfin, vous pouvez pas me faire ça, dis-je sous le choc

-Je sais que tu traverses une passe difficile, mais malheureusement je ne peux pas me permettre de bloquer une place pour toi.. J'ai besoin de quelqu'un, seul je ne m'en sors pas et j'ai pas le budget nécessaire pour engager une personne en plus de toi.. Je .. Je suis vraiment désolé..

Je lui raccrocha au nez, je n'avais plus la force de lui parler, mes larmes se déversaient sur mon visage à une allure hallucinante alors que mes sentiments me submergeaient. Je l'avais déjà perdu, maintenant je venais de perdre mon emploi, j'allais devoir déménager car cet endroit me retenait prisonnière de mon passé. En bref ma vie était une fois de plus en train d'être bouleversée, cette fois ci pour le pire et j'en était excédée..

Sur un élan de rage je saisi un carton dans mon grenier que je vida à même le sol avant de redescendre au salon et d'y mettre toutes les photos de lui, je ne pouvais plus le voir, ça me rendait folle, j'avais l'impression de stagner voir même de sombrer d'avantage chaque fois que mes yeux se posaient dans les siens capturés à jamais sur ces clichés.

J'étais assise au sol, en pleurs, honteuse de mon état, honteuse de me trouver comme ça après des mois, honteuse d'être si ridicule. J'avais besoin d'être secourue, je n'en pouvais plus. C'est comme si mon mental était en plein naufrage, dans les pires moments il se noyait, dans les meilleurs il trouvait une bouée de sauvetage mais cette dernière finissait toujours pas être crevée et il se noyait à nouveau.

...

Je m'étais assoupie d'un coup d'un seul après avoir pleuré durant des heures, un tee-shirt à lui serré fort contre ma poitrine.

-Je t'en pris dis moi que c'est pas toi qui provoque ça.

-Qui provoque quoi?

-Cette souffrance qui me paralyse. Cette douleur dans la poitrine. Cette sensation de vide, de manque, d'amputation.. Ouais c'est ça, d'amputation.. J'ai l'impression qu'on m'a retiré une partie de moi, la plus belle, la plus heureuse partie de moi et qu'on a pas comblé le vide. Tu me manques tellement c'est horrible. J'ai tellement mal si tu savais. Alors je t'en pris dis moi que c'est pas toi, dis moi que c'est seulement mon imagination, dis moi que t'es encore en vie, dis moi que je suis cinglée. Ouais, dis moi que je suis cinglée mais par dessus tout dis moi que tu m'aimes.

-Je voulais pas..

-C'est pas ce que je voulais entendre..

-Je voulais pas te faire souffrir.. Et t'es peut-être cinglée, assez cinglée pour parler toute seule, assez cinglée pour me voir et m'entendre alors que je ne suis pas là, assez cinglée pour être tombée amoureuse de moi. Mais tu ne l'es pas assez pour m'imaginer mort alors que je ne le suis pas. Alors je répète, je voulais pas.. Et je suis désolé de t'avoir abandonnée, désolé de t'avoir laissée toute seule, désolé de te faire souffrir. Mais s'il y a bien une chose pour laquelle je ne suis pas désolé c'est de t'aimer. Car ça a toujours été le cas, depuis notre rencontre il n'y a toujours eu que toi et ça aura été le cas jusqu'à mon dernier souffle.

-Arrêtes..

-Non June.. Non j'arrêterais pas.. Tu veux savoir c'est quoi la dernière pensée que j'ai eue? C'était: "merde quel con! Je vais laisser cette femme formidable toute seule et elle devra se battre contre son chagrin mais aussi pour élever son enfant, notre enfant et tout ça toute seule!". Alors je veux que tu me promettes une chose! Je veux que tu me promettes de ne pas fermer la porte à l'amour, je veux que tu me promettes de retrouver quelqu'un.

-Vas te faire foutre Lawford!

Je me réveilla en sursauts. Le réveil indiquait 3h30. J'étais trempée de sueur et en larmes. Mon souffle était saccadé. Je semblais avoir perdu tout mes repères, mais une chose me réconforta un court instant, il était là! Il était là et il me parlait.. Tout semblait si réel.. si beau.. Mais cette putain de réalité resurgit toujours!

Je me leva et traîna des pieds jusqu'à la salle de bain, une bonne douche s'impose si je veux retrouver mes esprits.

I'm just a human disasterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant