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Ce jour-là, Vanille avait décidé de ne pas aller en cours. Assise sur un banc du parc proche de chez elle, la jeune fille contemplait le ciel grisâtre. Des rires d'enfants parvenaient à ses oreilles et le vent soufflait dans les branches des chênes dénudés de feuilles. Elle portait un gros pull en laine crème et un jean noir, avec aux pieds, des bottines ébène. Extérieurement, Vanille avait l'air d'être d'un calme olympien, mais à l'intérieur de sa tête, une terrible tempête de pensées faisait rage. A ses côtés, la dernière lettre de J était posée. Depuis la veille, elle n'avait cessé de la relire tant celle-ci l'avait l'avait laissée incrédule. A tel point que les mots perdaient leur sens pendant quelques instants à force de les déchiffrer.

Ce matin, Camila n'avait laissée aucune missive devant sa porte d'entrée.

Elle attrapa la lettre de J du bout des doigts d'un air hagard et la rangea dans son petit sac à dos rouge. Elle se leva en le prenant au passage et marcha d'un pas décidé en direction de la sortie du parc. Il fallait qu'elle aille parler à Zaïra. En temps normal, elle se serait imaginé une quantité inimaginable de scénarios dans son esprit et n'aurait jamais obtenu les véritables raisons ayant poussé son amie à ne pas lui en parler. Elle se serait sans doute enfermée dans sa chambre pour pleurer toutes les larmes de son corps en pensant que son amie et J étaient de mèche pour jouer avec ses émotions. Cela était peut-être le cas, mais elle préférait en avoir le cœur net de façon à épargner sa santé mentale fragile d'une crise de déprime trop hâtive.

Elle poussa le petit portail vert du parc et s'engagea dans une ruelle sale. Entre les murs pâles et tagués d'inscriptions doit le sens échappait à la jeune femme, celle-ci s'étonna de son calme apparent. Il y a longtemps qu'elle n'avait pas réussi à gérer ses émotions avec autant de brio. Elle arriva dans un quartier plutôt sympathique dont les petites maisons colorées égayaient les alentours. Vanille n'y prêta pas spécialement attention et s'arrêta devant l'une d'elle dont la teinte d'un beau bleu ciel jurait agréablement avec celle de la voûte céleste. Elle marcha d'un air crispé jusqu'au escaliers du perron  qu'elle gravit en quelques secondes et frappa quatre coups à la porte d'entrée. A travers celle-ci résonnait un air de jazz dont l'écho disparut bientôt dans le silence. Elle entendit des pas se rapprocher, causant un bazar cardiaque monstre dans son organisme. La porte finit par s'ouvrir doucement sur Zaïra, démaquillée et seulement vêtue d'un t-shirt trop grand pour elle. Ses yeux verts s'écarquillèrent à la vue de Vanille et ses joues ocre prirent la teinte cramoisie de la gêne.

-'Nille ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? Comment t'as su où j'habitais ?

Vanille détourna les questions d'un geste de la main agacé.

-Il faut qu'on parle. Genre maintenant, déclara-t-elle d'un air grave tout en tentant d'ignorer la tenue dans laquelle la grande métisse se trouvait.

Zaïra déglutit avec difficulté et fixa Vanille d'un air neutre.

-Je t'en pris, entre. Il faut juste que j'aille me changer.

Sur ces mots, elle fit volte-face et s'en alla dans une pièce un peu plus loin. Vanille laissa retomber son ressenti pendant quelques temps, de façon à observer ce qui l'entourait. La pièce était lumineuse et décorée avec un soin propre à Zaïra. Au milieu de la pièce d'un bleu lumineux trônait un canapé de cuir vieilli et une table basse d'un bois clair sur laquelle était posée une boîte à thé. Des poufs et des coussins traînaient ça et là tandis qu'un piano ancien et une guitare gribouillée de dessins avaient été installés au coins de la pièce. Il y avait des plantes vertes et des fleurs colorées qui donnaient à l'endroit des allures de serre, ainsi que des bibliothèques pleines à craquer de livres en tout genre. La minuscule cuisine baroque donnant sur le salon était encombrée d'un bazar harmonieux constitué de torchons aux motifs fleuris et de boîtes en fer remplies d'herbes et de condiments. Dans l'air flottait une douce odeur de canelle et de lessive. Zaïra finit par réapparaître habillée d'une chemise blanche et d'un jean. Elle arborait le même visage dénué d'expression qu'il y a quelques minutes.

vingt cinq jours pour tout changerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant