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Lundi matin.
Retour à la normale.
Retour à la dure réalité de la vie pour Vanille.
Et une sérieuse gueule de bois.
Depuis que Zaïra l'avait déposée chez elle, la veille, elle se sentait ailleurs. Elle aurait voulu lui demander de rester. Mais quelque chose en elle lui disait que si elle l'avait fait, cela aurait été une erreur. Elle pensa aussi à son inconnue. Si seulement elle était à ses côtés...Elle relut pour le quatrième fois la lettre qu'elle avait rédigé pendant la nuit, la remit dans son enveloppe et la laissa au pas de la porte d'entrée. Elle la contempla d'un regard vide, la mine défaite par l'absence de sommeil. Puis elle partit, une boule d'angoisse se formant au creux de ses entrailles. Car elle avait en elle la curieuse sensation que cette journée allait être plus difficile que les autres.

Et elle ne s'était pas trompée.

Chère J,

Tu es donc au courant de mon escapade dans ce bar ? Si j'y étais, c'était pour te trouver, tu ne peux donc rien me reprocher. On dirait mon amie Zaïra. Je suis certaine que vous vous entendrez bien, toutes les deux. De vraies râleuses. Toujours est-il qu'elle m'a sauvée la mise. Qui sait ce qui aurait pu m'arriver ? Si ça trouve, je serais dans le coma en ce moment même.

J'ai peur. J'ai peur de ce qui pourrait se passer aujourd'hui. J'ai toujours été très intuitive, je sais quand une journée va s'avérer être mauvaise, du moins la plupart du temps. Et aujourd'hui je me suis réveillée avec une angoisse inexplicable. Peut-être que je me fais des idées. Peut-être que tout sera comme d'habitude.
Peut-être.

Passe un bon lundi, J.
Fais-le à ma place et ne t'en fais pas pour moi. Je peux me ramasser à la petite cuillère seule.

Vanille.

***

Elle n'avait jamais eut ce sentiment d'être épiée, d'être jugée. Elle n'avait jamais eut l'impression que le regard des autres la transperçait comme des lames de rasoir. Mais aujourd'hui c'était différent. Ils savaient. Ils savaient qu'elle était entrée dans ce bar. Et elle regretta amèrement de l'avoir fait. Il n'y eut pas d'insultes. Pas de coups. Pas de menaces écrites sur une feuille de papier glissée dans son casier. Il n'y a pas besoin de tout cela pour faire souffrir, pour installer un vide glacial au plus profond de vous. Ils n'avaient pas besoin d'ouvrir la bouche. Leurs yeux en disait plus que n'importe quelle phrase lâchée d'un ton acerbe.

-Sale lesbienne.

Sauf que c'était faux.

Ou pas?

***

Les autres étudiants sortaient de leurs salles de cours tandis que Vanille se sentait mourir un peu plus chaque fois que leurs regards croisaient le sien. Elle y lisait du dégoût, de la peur et un semblant de haine, au lieu de l'habituelle indifférence qu'on lui réservait encore quelques jours auparavant. Avant, on la regardait sans la voir. Aujourd'hui, on la dévisageait durement et l'on lacerait son cœur d'un simple coup d'œil. À l'intérieur du bâtiment, il faisait si froid que même son épais anorak ne pouvait lui faire oublier le vent glacé sur sa peau. Elle baissa les yeux sur ses bottines fourrées et se fraya un chemin parmi la marée humaine. Personne ne chuchota sur son passage mais elles sentait leurs regards sur elle. Elle sentit des larmes amères lui monter aux yeux. Lorsqu'elle sortit enfin elle atteignit la grande porte de sortie, elle se sentit enfin respirer. Les flocons de neige se mêlaient à ses larmes salées qui avaient finalement coulé le long de ses joues, comme pour la libérer de sa tristesse trop longtemps refoulée. Cela lui importait peu désormais si tout le monde la lorgnaient comme si elle était dégoûtante. Elle se laissa pleurer, évacuer tout ce qui la blessait depuis trop longtemps. C'était si bon de sentir l'air froid pénétrer ses alvéoles entre chaque sanglot et détruire toute once de tristesse dans son cœur.

vingt cinq jours pour tout changerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant