Légendes?

1

Le centre d'achat grouillait de monde. Jeudi, jour de paye. Les gens se pressaient afin de terminer leurs achats avant la fermeture des magasins. Les cris, les pleurs des enfants se mêlaient aux discussions animées des acheteurs. Parmi eux, une jeune mère monoparentale, accompagnée de ses filles de trois ans, des jumelles non-identique. Seule différence, leurs yeux. Leur mère les tenait par la main, de peur qu'elles ne s'égarent. Avec tout ce monde, un seul moment d'inattention suffirait à les perdre de vue. D'ordinaire, elle ne les amenait pas. Incapable de se trouver une gardienne, elle dut se résoudre à y aller accompagnée de ses trésors. De toute façon elle ne resterait pas longtemps. Du moins l'espérait-elle. Juste le temps d'acheter un tailleur pour son entrevue du lendemain. Un nouvel emploi. Un emploi de plus plutôt. Avec l'augmentation du coût de la vie, le loyer, la voiture et toutes les dépenses associées, le salaire minimum ne suffirait bientôt plus. Demander une augmentation de salaire? Son emploi de caissière dans une grande multinationale ne lui permettait pas vraiment. Pourtant, malgré toutes les difficultés que la vie mettait sur son chemin, elle n'échangerait sa vie pour rien au monde.

-mama...dodo

-Je sais, Andréanne.

-Maman, Maison!

-Oui, Maude, ma chérie. Ça ne sera pas très long. Maman se dépêche.

Elle entra dans une boutique, tenant toujours les deux petites par la main. Elle les envoya s'asseoir sur un banc, juste comme la vendeuse approchait, un grand sourire aux lèvres. Elle passa un commentaire sur les jumelles, en prenant un air charmé, puis entraina sa cliente à sa suite. La jeune femme finissait de retirer l'ensemble qu'elle voulait acheter lorsque la lumière se coupa, plongeant le magasin dans l'obscurité. Un cri perçant, puis le silence.

-Les filles? Appela la mère.

Aucune réponse, aucun bruit.

-Les filles? Andréanne? Maude?

Toujours rien. À cet instant la lumière revint. Elle se précipita vers le banc et constata horrifiées que les filles ne s'y trouvait plus.

-Maude, Andréanne, où êtes-vous?

La mère et la vendeuse fouillèrent la boutique de fond en comble. Le gardien de sécurité passa un appel à l'intercom, sans obtenir de résultat. Les jumelles ne revenaient pas. Les jours suivants se révélèrent un véritable enfer pour la pauvre femme. Rencontres avec les autorités, harcèlement des médias, tout cela allait finir par la rendre folle.

***

Le contact froid du sol sur sa petite joue réveilla Andréanne. Elle se tourna sur le dos et observa, avec sa curiosité d'enfant, ce qui l'entourait. Ces murs, bien qu'étonnement familier ne lui rappelait rien de précis. Il ne s'agissait ni du magasin, ni de la maison. Andréanne chercha sa sœur du regard et la trouva rapidement. Repliée sur elle-même, elle n'osait pas bouger. Plus craintive, Maude attendit que sa sœur vienne la rejoindre.

-Ou maman?

-Ze sais pas. Lui répondit Andréanne

-Ou nous?

-Comme un aisseau!

-Aisseau de epace? Demanda Maude.

-Vi! Aisseau de epace!

Les deux filles ouvrir grands les yeux, ébahies. Elles qui rêvaient de piloter un vaisseau! Étrange direz-vous? Pas tant que ça. Il faut savoir que la mère des jumelles faisait une véritable obsession de la saga Star Wars. En les endormant le soir, elle leur racontait les trépidantes aventures des chevaliers jedis venant d'une lointaine galaxie. Elles ne connaissaient pas Dora ni aucune série du genre. Elles savaient cependant une panoplie de choses sur l'Univers étendue de cette célèbre saga. Les jumelles pouvaient clouer le bec de bien des adultes. Elles connaissaient la chronologie des films, des livres et de la série. Elles pouvaient réciter l'histoire de la Galaxie sur le bout des doigts, nommer les planètes, les peuples y vivant, les différentes technologies ainsi que les nombreux types de vaisseaux, sans oublier les personnalités influentes de cet univers. Le monde imaginaire de Lucas ne gardait aucun secret pour elles. Rien d'étonnant après cela à ce que les jumelles trépignent de joie à l'idée de piloter un vaisseau.

Elles durent néanmoins descendre de leur nuage assez abruptement. Des bruits de blaster opposés aux vrombissements de sabre lasers les terrifièrent. Elles se blottirent l'une contre l'autre pour s'abriter comme elles le pouvaient du haut de leur trois ans. Les bruits s'intensifièrent, se rapprochèrent puis cessèrent subitement. Les jumelles ne bougèrent pas, apeurées. Des pas résonnaient tout prêt. Sur qui allaient-elles tomber? Livrées à elles-mêmes, les jumelles représentaient une proie faciles. Des bruissements de tissus grattaient le sol d'acier. Curieuses, les fillettes pointèrent le bout de leur petit nez au bout du couloir. Au détour d'une coursive, deux grandes silhouettes encapuchonnées apparurent. Les jumelles séchèrent les larmes qui perlaient à leurs yeux. La couleur beige de leur long manteau rassura les deux enfants. Les deux silhouettes laissèrent tomber leur capuchon.