[6] TU SERAS UNE FEMME MA FILLE

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"Donc... Je récapitule ; Andrëw m'a filé un carnet en s'en foutant royalement, il revient me dire de le garder et on m'agresse pour l'avoir? Vous êtes des putains de contradictions, vous le savez?"

"Il est putain d'irresponsable surtout." répliqua Maastone sur la défensive. "Tu l'as?"

Tour à tour, Harold dévisagea celle qu'il avait trouvé sympathique aux premiers abords et qui lui semblait à 10000 km d'une vision semblable, puis Andrëw qui sonnait comme penaud face à la gouverne de la jeune fille. Pathétique, pathétique sembla penser la jeune fille.

"Oui."

Souffle après souffle, les deux amis relâchèrent la pression jusqu'alors inutile, avant que Maastone ne reprenne la parole une nouvelle fois, non sans l'intention d'obtenir ce qu'elle quémandait depuis le départ.

"On peut l'avoir?" demanda-t-elle presque doucement, les yeux plantés dans ceux d'Harold avec une sensible lueur d'espoir.

L'élève de première consentit en lâchant son regard, bientôt rattrapé par sa raison.

"Et qu'est ce que j'aurais en retour?"

"Qu'est ce que tu veux?" renchérit Andrew.

"And'! C'est pas un marché, merde!"

Jappés comme hachés, les mots conclurent l'opinion.

"Pourquoi on te donnerait quelque chose en échange de ce qui nous appartient?"

"Il me semble que le carnet n'est pas à ton nom, tiens! Donc, il ne t'appartient pas... mhm? À moi que tu n'aie changé de nom entre deux..." répliqua Harold en feignant l'innocence.

Grinçant sévèrement, de si près, Maastone voyait les rayures sur son visage d'enfant pas tout à fait formé, et elle se sentait basse. Étrangement basse face à un petit bout de viande mâchant avec dextérité un mauvais sandwich aux effluves désagréables.

"Parce que ce ne sont pas tes affaires."

"Et ce ne sont pas les vôtres."

Dans un combat de regard à celui qui flanchera le premier, Andrëw amena son grain de riz en vue de détendre une atmosphère grisâtre et vibrante sous la paume de l'agacement.

"On connaissait Marcus. Bien."

"Super! Vous allez pouvoir m'en dire plus! Parce que jusqu'à présent, j'ai eu droit qu'à du charabia psychopathe et absences de réponses à mes questions!"

Parfait. Ce garçon était le parfait négociateur. Cette constatation faisait grincer les ongles de Maastone contre la table du réfectoire, lentement, patiemment.

"Qu'est-ce que tu veux?"

Cette fois-ci, posément, c'était elle qui avait parlé, ton de prière et de craquement des feuilles, à travers l'auguste silence.

"Lire ce carnet avec vous. Comprendre."

"Tu rigoles? Tu as déjà lu les 3/4!"

Se tournant vers celui qu'il n'avait pas eu la joie de voir depuis quelques temps déjà, Harold accentua ses dires en un sourire et un haussement d'épaules sincère.

"Je n'ai rien compris. "Charabia" ça te parle? Je ne connais rien de ce type et de ses délires... mais il en a."

L'eau dévalait sa gorge à mesure que Maastone s'y attardait, constatant l'évolution tranquille des tâches claires sur sa peau presque marbrée dans cette clarté artificielle. Parfait.

"Alors tu veux le lire avec nous?"

"Puisque c'est ce que je vous dis."

Andrëw regarda Maastone, Harold regarda Andrëw. Et dans un acquittement muet, Maastone regarda Harold, et il sourit.

SyroseWhere stories live. Discover now