Chapitre 2

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Chapitre 2

« Un regard est dans tout pays un langage »

George Herbert

Je prends le volant de ma petite R5 toute cabossée que j'ai récemment acheté d'occasion, en l'état. Vu le prix que je l'ai payé elle me convient, même si c'est vrai qu 'elle est en piteux état vue de l'extérieur. J'allume la radio, comme à mon habitude, sur la dernière station programmée.

La voix époustouflante de Marina Kaye résonne dans la voiture. Emportée par la chanson et encore perturbée par les propos de Gina, je ne peux retenir mes sanglots. Je croyais avoir retrouvé un semblant de famille lorsque Gina et Paul m'avaient adoptés, lorsqu'ils m'avaient ouverts leurs cœurs en même temps que leur porte. Malheureusement, tout ça, c'est du passé et depuis trois ans, tous mes espoirs se sont effondrés. Le refrain de la chanson retentit, mais surtout sa phrase emblématique : « I'm Homeless ». Moi aussi, je me sens « Homeless », j'ai le sentiment d'être sans véritable foyer. Je n'ai plus ma place dans cette famille et je ne peux plus nier cette évidence.

Je fonds en larme comme une idiote au volant de ma voiture, sans pouvoir m'en empêcher. Mes yeux sont embués de larmes. Le conducteur de la BMW située sur la file voisine à la mienne, à proximité de ma ridicule R5, m'interroge du regard. Je fais mine de ne pas l'apercevoir, et détourne mon regard vers la gauche. Il faut que je me reprenne. J'ai assez pleuré comme ça. Je sèche mes larmes du revers de la main et scrute mon visage dans le rétroviseur. Mes yeux bleus-gris sont rouges et larmoyants, mon teint est blafard. J'ai bien fait de ne pas me maquiller ce matin, le maquillage coulant sur ma peau trop pâle m'aurait probablement transformé en vampire. Je reprends ma route avant de me garer devant l'agence immobilière où je travaille en tant qu'agent commerciale. Ici, j'ai ma place attitrée. Peut-être que mon foyer est ici, finalement, puisqu'on m'y accepte.

Je m'inspecte une dernière fois dans le rétroviseur. Je coiffe de ma main mes cheveux rebelles. Je soupire. J'espère que personne ne se rendra compte de mon état intérieur lamentable et chaotique. J'espère que ce dernier ne se dépeint pas sur mon visage.

Olivia, ma collègue et meilleure amie est avec un client et lui tend chaleureusement la main. Son speech d'agent immobilier a fonctionné à merveille. Je m'affaire à poser mon sac et mes dossiers sur mon bureau et je n'entends leur conversation que d'une oreille.

— Vous avez bien fait de me faire confiance ! Vous ne regretterez pas votre choix ! La maison est véritablement bien exposée et à proximité des commerces.

Je m'installe devant mon ordinateur et je regarde simultanément les dossiers de mes nouveaux clients, afin d'identifier l'offre qui correspondra le mieux à leurs attentes. Une voix me rappelle à l'environnement extérieur.

— Tenez, vous avez fait tomber votre photo. »

Sous le coup de la surprise, je donne un coup de coude a mon téléphone portable qui chute violemment sur le sol. Et merde. Décidément, je suis vraiment une idiote !

Je contourne immédiatement mon bureau pour ramasser mon portable. Il ne manquerait plus que mon téléphone soit cassé ! Je me baisse afin de le ramasser, sans prêter attention à mon interlocuteur. Il n'est pas cassé, c'est déjà ça !

Lorsque je me relève, je remarque que le client d'Olivia ne se gêne pas pour reluquer ouvertement mes fesses. J'ai l'impression d'halluciner tant son manque de gêne est flagrant. Son regard s'attarde sur mes jambes, à peine recouvertes par ma jupe et je distingue un demi-sourire se dessiner sur ses lèvres.

J'essaie de prendre un air sévère :

— Quelque chose ne vous convient pas ?

— Pas du tout, pas du tout, bien au contraire. »

Son regard quitte mes mollets, pour rejoindre mes yeux et ne plus les lâcher. Je suis littéralement envoûtée par ses yeux bleus délavés, bleus comme le ciel, tellement purs. Cet homme est à tomber, sous ces airs de « playboy classe ». Pendant ces quelques secondes, mon cœur bat la chamade, si fort, tellement fort, que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. J'essaie de me reprendre, car je déteste perdre le contrôle, mais je vacille. Une sensation étrange, que je n'ai jamais ressentie jusqu'ici, parcourt mon estomac. Elle est déroutante mais loin d'être désagréable. Mon bas-ventre se crispe, j'ai l'impression d'avoir des papillons à cet endroit, serait-ce l'expression du désir ? Ma respiration s'accélère. Mon cerveau ne répond plus, perdu dans le tourbillon savoureux du bleu de ses yeux...

Irrémédiable Attraction en pause (réécriture totale envisagée) - Tome 1Where stories live. Discover now