Aux confins du rêve

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Une histoire En collaboration avec @quatseyes




J'étais dans mon lit. La lumière était éteinte. Je commençais à m'endormir mais, soudain, je fus saisie par quelque chose d'étrange, d'inhabituel : c'était un sentiment, une sensation étrange, comme un souffle d'une violente douceur ; il était à la fois chaud et d'une fraîcheur remarquable. Je me tournai vers ma fenêtre mais elle était close, rideaux immobiles.

J'inspectai la chambre, scrutant l'obscurité sans déceler quoi que ce soit d'inhabituel.

Pourtant, il était évident, désormais, que quelque chose se passait. Un sentiment d'urgence montait en moi. Comme la chaleur s'intensifiait, je ressentis un début de brûlure sur mon corps. Je remontai le drap, relevai ma chemise de nuit et scrutai mon ventre. Les yeux exorbités d'horreur, je vis se dessiner sur ma peau une zone plus sombre, rouge, qui s'étendait en cercles concentriques autour de mon nombril, noircissant.

Ma chair commençait à grésiller et, malgré la douleur qui devenait atroce et la peur qui me submergeait, je restai muette de stupeur : une iridescence dorée, comme une flamme crépitante, luisait sur le pourtour des cercles et la zone noire s'étendait autour de mon nombril. La rougeur atteignait mes seins et mon pubis et, sidérée par la terreur et l'incompréhension, je fixai le point où mon nombril noirci avait disparu. Il s'était écroulé. Un point lumineux l'avait remplacé, qui s'élargissait. Je crus percevoir un souffle de vent qui s'en échappait. Le murmure d'un torrent. Le chant d'un oiseau.

Je ne pouvais appeler. Ni crier. Ni bouger.


Je fixais le paysage qui se tapissait dans mon ventre et se découvrait en moi peu à peu. Fascinée, incapable de réfléchir, je me penchai vers cette vallée inconnue et ensoleillée dans mes entrailles.

Et je tombai. Ce fut à ce moment que je perdis connaissance et passai de l'autre côté.

***


Le néant. La plus profonde des obscurités m'entourait. J'étais seule au milieu de cet endroit, de cette chose. Ce qui semblait être le sol m'était aveugle mais je le sentais, je le touchais, tout comme ce qui semblait être le plafond de cet endroit horriblement sombre qui me donnait d'intenses frissons.

J'étais perdue. Une tache de clarté dans un océan de noirceur.

Il fallait que je sorte de cet endroit ; il fallait que je crie ; mais j'avais l'impression d'être une pierre, un rocher. J'essayai de crier mais mes cordes vocales étaient bloquées : aucune vibration n'en sortait. Pourtant, je criais, je criais de toutes mes forces et un écho impossible me renvoyait ma voix, déformée par la folie et la terreur dans ce lieu infernal, aussi vaste et silencieux que l'univers.

Mais, où était la vallée que j'avais vue ?

Je palpai frénétiquement mon ventre à la recherche de la béance par laquelle j'étais tombée mais ma peau était lisse et intacte. Mon nombril souple. Et fermé.

Devenais-je cinglée ?


J'avais beau scruter de toutes mes forces, c'était le noir absolu qui se pressait contre moi.

Je me laissai tomber à genoux et me mis à griffer la terre, seul élément matériel où ma raison puisse s'accrocher, mes espoirs se projeter. Je grattai, je creusai dans une terre friable et poussiéreuse. Au bout de ce qui me parut des heures, je sentis une vibration. Juste sous mes doigts. Je redoublai d'efforts. La vibration se mua en ronronnement, puis en un vrombissement de plus en plus assourdissant.

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