X.1

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J'étais très fatiguée, néanmoins, j'avais moins mal au bras; il fallait croire que le garçon s'y était plutôt bien pris avec ma blessure ... Je jetai un coup d'œil au bandage ; il rougissait un peu, mais rien de bien alarmant. Une lueur orangée dégageait du casque à ma gauche, ce qui rendait l'atmosphère un peu moins oppressante, ainsi, je prenais le temps de souffler.

Le garçon avait gardé un moment ma main dans la sienne, avant que je ne me décide à la retirer. Nous ne dîmes rien de plus. C'était compliqué à dire, mais je pense que ça lui avait fait plaisir de recevoir un nom. Je me sentais ... Un peu mal, par rapport à ça. J'avais voulu être amical avec lui, mais par sympathie ... ou par égoïsme ...? ... La vérité était que je ne voulais absolument pas qu'il me laisse seule. D'ailleurs, j'étais plutôt soulagée de le voir s'installer à côté de moi; il s'assit en tailleur, dos contre le mur, les mains posées sur ses jambes, et maintenu son regard sur l'eau qui coulait devant nous. Il ne bougeait pas. Regardait-il réellement le courant ?  Son masque était perturbant. 

Après l'avoir un peu observé, je détournai les yeux, et me mis à fixer mes poignets. Que je me sentais vide ... J'avais tellement sommeil, mais étais-je encore capable de dormir, après le cauchemar que je venais de vivre ? Je retournai les yeux vers le garçon ; il était toujours immobile. Ne comptait-il pas dormir, lui ? Je ne pus m'empêcher de pousser un long soupir. Je me sentais si seule. Je repensais aux images du monde inconnu. La ville, aussi colorée et joyeuse qu'un cimetière. Les habitants avec leur casque, aussi expressifs que des cadavres. Ça avait été terrifiant de les voir ainsi. Ils étaient vivants, mais ... Sans vie. Il n'y avait pas de vie dans leur corps. Ce que moi et ces habitants appelions "vie" n'était juste que des lignes de codes qui se développaient dans notre tête. Je sentis une pointe de colère monter en moi. Je voulus serrer le poing, mais mes faibles doigts forçaient en vain; je n'en avais même plus l'énergie. En y pensant, je ne bougeai plus du tout, j'avais laissé mon cou se reposer: c'était tout mon dos qui devait être courbé jusqu'à ma tête. Je repensais aux ... Aux machines. Tout était allé si vite ... A tel point que mon souvenir le plus vif d'elles était l'énorme raffut métallique derrière mon dos. Ça avait été horrible. Je me demandai si je pouvais encore dormir avec ce bruit dans ma tête, ces visions dans mon esprit. Je soupirai de nouveau. J'étais complètement perdue. J'entendis la voix du jeune homme :

Ça ne va pas ? Je ne répondis pas à sa question. En fait, je l'avais à peine entendue, perdue dans mes pensées. Non, ça n'allait pas. Mais je comptais faire avec.

Ramenée à la réalité, je l'entendis fouiller de nouveau dans son sac.

Tiens. Il me tendit un étrange tube transparent.

-Qu'est-ce que ... Qu'est-ce que c'est ?

-De la nourriture. De la nourriture ? Je m'en souvenais à présent, il les avait récupérés dans le réfrigérateur de la maison où nous nous étions cachés un moment. 

-Mais ... Qu'est-ce qu'il y a dedans ...?

-De la nourriture.

-Oui, j'ai compris ... Mais faite avec quoi ...?

-...Je ne sais pas.

-Tu ne sais pas ?

-Il faut que tu manges, tu dois récupérer des forces.

- ... Et tu n'as pas ... D'autre barre de chocolat ?

-Je ne sais pas...

- ... C'est ton propre sac, tu ne sais pas ce qu'il contient ?

Light OutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant