La Saint Ëlen

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J'ouvris les yeux en sursaut.

Ma main agrippa le bras qui me touchait. Sur le qui-vive, je mis un temps à identifier le visage qui me fixait. Ces traits raffinés ne pouvaient qu'appartenir à un ange. Des anglaises blanches jaillissaient du haut de son crâne, titillant ses hanches pleines et s'accordant à son teint de porcelaine. Elle s'était immobilisée, une main sur mon pantalon, l'autre prisonnière de ma poigne.

Cinq secondes s'écoulèrent, durant lesquelles confusion et analyse se renvoyèrent l'ascenseur.

— Excuse-moi, finis-je par marmonner.

Je la relâchai puis me laissai choir sur le lit.

Une horloge pulsait, sa respiration se tranquillisait, une chasse d'eau s'ébrouait, tandis que le ronron habituel des voitures retentissait en arrière-plan.

Je tentai de rassembler mes souvenirs, de me rappeler à quel moment – et surtout comment – Sylla avait pu me rejoindre chez Longway, lorsque je réalisai que le plafond clair qui s'étendait au-dessus de nos têtes m'était familier. Le baldaquin aussi, d'ailleurs, au même titre que les deux tables de chevet qui encadraient la tête de lit.

J'étais chez moi. Du moins, à Crickets.

Elle fit glisser un bas de jogging de mes genoux à mes cuisses, timide, tandis que ses yeux d'argent m'épiaient sous ses longs cils blancs. Je le sentais, autant que l'objet froid et dur qui alourdissait ma poche gauche. En effet, bien que focalisé sur le lustre de cristal scintillant, je pouvais ressentir le trouble qui l'envahissait.

Quelque chose m'échappait cependant. Impossible de mettre la main sur cet élément – peut-être important, peut-être pas – qui surgissait puis s'embourbait dans une vase mentale irritante.

Sylla prenait grand soin à ce que ses doigts n'effleurent pas le boxer qui me compressait. Son embarras colorait ses joues.

J'entrepris de la démettre de ses fonctions, lorsque la pièce manquante me fit l'honneur de compléter la mosaïque de mes souvenirs.

— Est-ce que tu vas bien ? Comment te sens-tu ? As-tu mal quelque part ? m'enquis-je tout à coup : réaction qui fit écho au déclenchement de l'alarme.

De brèves images me mitraillèrent les rétines, toutes diverses, toutes violentes, toutes teintées par cette même palette cramoisie due à l'hémoglobine. Une main en sang, un ventre ouvert, un fusil, des balles...

Comment diable avais-je pu survivre ?

L'ange m'adressa un regard circonspect, posa une paume sur mon front puis m'allongea en douceur. Mon rythme cardiaque s'était accéléré, frénétique. Ma tachycardie n'était pas anodine, elle révélait une inquiétude liée au bien-être de l'ange et aux bribes mnésiques éparpillées.

— Moi aller bien.

En effet, elle se portait comme un charme. Pas d'égratignure, pas d'hématome, pas même une trace de sang.

— Laisse, Sylla, je vais m'en charger. Merci, murmurai-je en me redressant sur les coudes.

J'étais torse nu, une blessure horizontale s'étendait de part et d'autre de mon abdomen. Ses bords irréguliers avaient été nettoyés et rapprochés à l'aide d'un fil sombre. On m'avait recousu. Je portais une main à l'arrière de ma cuisse et ne tardai pas à sentir ces mêmes cordages rigides. Quelque chose m'encombrait également au niveau de la tempe. Un bref toucher m'indiqua la présence d'un pansement. Mis à part cela, je ne ressentais pas la douleur. Pas même un tiraillement.

Sa petite main s'abattit sur mon torse, m'astreignant à cette maudite position allongée. Pour ma plus grande frustration, j'endossais le rôle de l'enclume. J'étais l'alité qu'il fallait veiller.

Le Ciel à portée de main [ En pause ]Where stories live. Discover now