Où suis-je ?

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Je me suis transformé.

Leïka perchée sur mon dos, nous étions partis à la conquête du gibier qui nous servit de repas le soir même. Deux lapins, un cerf et une biche, nous en avions assez pour le jour suivant – enfin, si Quick ne s'invitait pas au dîner, ce dont je doutais fort.

Comme prévu, alors que nous nous occupions des pommes de terre destinées à accompagner la viande, le parrain de ma fille débarqua sans s'annoncer. Il envoya valser ses chaussettes à travers le salon puis s'enfonça dans l'une des chaises qui bordaient la table.

Un profond soupir lui échappa.

— La naine ! la salua-t-il en levant un bras mou, sans prendre la peine de la regarder.

Il agissait par pure provocation. Les jumeaux passaient le plus clair de leur temps à la chercher, ce qui amusait beaucoup Leïka.

Au-delà de cela, voilà bien longtemps que Quick faisait comme chez lui. Parfois, je ne savais pas s'il fallait que je le considérasse comme un fils ou comme un ami. Mais son aisance ne me dérangeait pas. Du moins, elle ne me dérangeait pas tant qu'il évitait de salir mon chalet et déranger mon train-train quotidien.

Mais quel train-train ? intervint ma conscience.

C'était un luxe que même ma fortune ne pouvait s'octroyer.

L'intéressée m'adressa un clin d'œil complice, saisit un gros légume qu'elle lui envoya dans le dos. Quick fit mine de s'effondrer. Elle lui indiqua derechef les tissus puants qu'il venait d'éparpiller, avant de pointer la porte. Son index fut intraitable : il soupira, mais s'exécuta sans rechigner. L'air faussement blasé du loup la ravit. Il en fallait peu.

Nos paumes s'entrechoquèrent. Nous formions une belle équipe. Elle, assise sur mes genoux ; moi, assis sur un tabouret. J'avais passé mes bras de chaque côté des siens afin de la seconder. Toute activité susceptible de se faire à plusieurs était bonne à prendre. Celle-ci était notre favorite. La cuisine. Venaient ensuite la chasse, le feu de camp et la baignade.

Elle releva la tête pour m'adresser un sourire éblouissant ; témoignage d'une joie que je lui rendis aussitôt.

Je n'étais pas du genre démonstratif – vocalement parlant, s'entend –, mais j'espérais qu'elle parvînt à capter les messages subliminaux que je glissais dans chaque étreinte, sourire, parole ou regard. Je l'aimais, ma fille. Plus que tout au monde.

Et puis, je m'étais habitué à son mutisme. Elle ne parlait pas, je le faisais peu, mais nous communiquions autrement.

Je déposai un baiser sur le haut de son crâne.

— Tu te débrouilles comme une cheffe, la félicitai-je. Une vraie grande fille.

Le lendemain, au réveil, la première chose que je vis fut Quickly. Il se tenait près de mon lit. Manteau orange, chemine noire, chaîne en or, une boucle d'oreille en diamant et pléthore de bagues volumineuses aux doigts, il s'apprêtait à remplir ses obligations humaines. Rien de bien étonnant jusqu'ici, sauf qu'il croisait les bras. Mais ce n'était pas tout : le chanteur affichait une expression suspicieuse.

Cela sentait clairement le roussi. Je fronçai les sourcils.

— J'ai une petite devinette pour toi, débuta-t-il. Et vu que ça fait une heure que je reste planté là comme un couillon, tu vas me faire le plaisir d'y réfléchir, Cheftaine. Prêt ?

Je ne m'étonnais plus.

— Prêt.

— Mon premier est synonyme d'une année, mon deuxième fait office de divertissement et mon tout désigne une attitude avenante. Où suis-je ?

Le Ciel à portée de main [ En pause ]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora