RAID nocturne

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- Quick ? le hélai-je après avoir décroché ce satané téléphone.

Je rapatriai l'amas de phalanges cabossées qui me servait de poing contre mon buste, comme pour camoufler mes actes aux yeux du monde. Pourtant, personne n'était présent pour me sermonner. Personne d'autre que ma conscience. J'en avais toutefois honte. Là, contre mon torse, se trouvait le témoignage d'une impardonnable faiblesse. Un fait qui n'avait pas sa place en ce monde. Car les Hommes n'avaient désormais plus le droit d'être sensibles, de céder à la pression émotionnelle.

Ils étaient privés d'Humanité.

Mais pas moi.

- Pourquoi je n'arrive pas à te joindre mentalement ? T'as viré Ishu ? Tu sais que t'es le seul malade à te passer de...

- Abrège, le coupai-je, agacé.

Je l'entendis soupirer.

- Je voulais m'assurer que tu n'avais pas oublié le RAID hebdomadaire.

Ishu se mit à gratter la peinture des murs de la chambre, alors, je poussai un sifflement qui le fit grogner.

- Non, mentis-je en déglutissant. Bien sûr que non.

Tout allait de mal en pis, rien n'était sous contrôle.

- OK, ils te contacteront. A plus.

- A plus.

J'observai la tour de métal, davantage renflouée, qui venait de me délester d'une bonne quantité de stress. Mon organisme cherchait encore son souffle, objectif qui ne fut pas aisé à atteindre.

Je me sentais planer, plus léger, mais pas complètement remis. Je savais que mon projet angélique déstabiliserait l'essentiel de mes plans ; j'avais aussi conscience de la pagaille que l'ange aurait causée chez moi, mais ces broutilles devaient passer derrière mes priorités.

Captant mon humeur, Ishu ne perdit pas de temps pour sprinter et se jeter sur mon bras droit. Ses griffes cartilagineuses s'enfoncèrent dans ma peau et sa vigueur me fit chanceler puis crouler sous son poids.

Sa bave chaude se mêla à mon sang, recréant l'encre noire destinée à l'abriter sous mon toit : mon enveloppe Humaine. Ses pattes noires furent les premières à fondre au contact du liquide sombre. Au fur et à mesure qu'il s'infiltrait sous ma peau, son corps tiède glissait le long de mon bras gonflé par l'effort de le soutenir. L'action se poursuivit, jusqu'à ce qu'il s'enroulât autour de mon membre et positionnât sa tête tatouée au niveau de mon épaule. Le tatouage se mouvait, à l'instar de sa queue, qui fondait progressivement. Enfin, il ne fut plus qu'une trace ineffaçable, dont les pattes planes frétillèrent quelques secondes - encore - avant de s'immobiliser.

Je me sentis plus fort. Et la douleur s'atténua.

J'avais faim, aussi. Il était indécrottable.

- Shy ?

Je sentis que la connexion s'effectua. Shy ne parlait que très peu, il était bien plus dans l'économie des mots que le reste de la meute. Ce fut pourquoi je n'attendis pas de salutation ni de confirmations superflues.

- Passe chez moi, s'il te plaît, j'ai une mission à te confier.

- D'accord.

Sur ce, je me rhabillai, mis de l'ordre dans ma chambre puis attendis sa venue sur le tabouret qui faisait face à la ville. Tout ceci, sans prendre la peine de jeter un œil sur le salon désordonné. Ni sur l'ange terrifié. Le jeune loup avait le profil parfait pour gagner la confiance de notre invitée. Sa timidité le dotait d'une voix douce, peu assurée et amicale. D'autant plus que la normalité de sa taille lui conférerait un pouvoir salutaire de bienveillance. On ne se méfait pas de lui.

Le Ciel à portée de main [ En pause ]Where stories live. Discover now