Chapitre 22

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Je n'avais pas bougé de toute la journée, absorbée dans la contemplation du soleil. La chaleur de ses rayons sur ma peau avait varié d'intensité au cours des heures. Tantôt il me brûlait l'épiderme tantôt il disparaissait derrière les arbres, laissant ma peau pâle dans l'ombre d'un pin centenaire. L'étoile avait torturé mon enveloppe corporelle  qui me faisait maintenant atrocement souffrir. J'étais tellement peu habituée à être exposée au soleil que ma peau avait très mal réagi. J'étais couverte de plaques rouges extrêmement douloureuses. Elles m'échauffaient le corps comme si j'étais dans une bouilloire. J'avais presque l'impression que de la fumée sortait par mes oreilles.
Le jour commençait lentement à décliner, rappelant à moi toutes les horreurs encore fraîches dans ma mémoire. J'avais passé la journée à rêver de douceur. Je m'étais imaginée goûter à la guimauve. Elle fondait sur ma langue, le sucre se répandant sur mes papilles affolées. Des bras maternels me berçaient délicatement au rythme d'une musique jouée au piano. Une odeur de savon envahissait mes narines, provoquant une agréable sensation de propreté. Sous le soleil je m'étais sentie en sécurité, bien au chaud. Maintenant qu'il s'en allait, m'abandonnant aux griffes de la froide obscurité, j'avais peur. Heureusement qu'il m'avait laissé un souvenir de son passage avec les traces rouges qui tachaient mon corps. Elles me permettaient de lutter encore un peu.

J'avais peur que mon inconnu ne vienne pas. Enfin Evan. Il me faudrait encore du temps pour m'habituer à appeler quelqu'un d'autre qu'Alexandre par son prénom. Pour Franklin ça avait été beaucoup plus simple car le sien était quelque peu ridicule. J'ai eu un pincement au coeur en pensant à lui. L'élève avait dépassé le maître. J'étais devenue encore plus monstrueuse que lui. Comment avais-je pu en arriver là ?
Quoi qu'il en soit, si j'avais passé la journée assise à même le sol de cette clairière c'était pour me confesser. J'avais attendu dans l'espoir de pouvoir faire mes aveux. J'étais prête à répondre de mes actes. Je ne supportais pas la personne que j'étais devenue. J'avais besoin de me repentir, et pour cela il me fallait être punie. Et je devais passer par Evan. J'avais juste peur de le décevoir. Ce serait terrible de voir l'incompréhension puis l'effroi dans ses yeux. Mais pourtant... À la fin il serait de mon côté, il allait me défendre becs et ongles. Enfin c'était l'impression que me laissait mon cauchemar. Alors soit j'allais me dégonfler et ne rien lui dire du tout, préférant mentir pour sauver mon honneur, soit il était complètement taré. La première hypothèse était plus plausible, cependant j'étais persuadée que je lui dirais toute la vérité.

Alors que je commençais à désespérer de le voir, il est apparu en face de moi, sa silhouette se découpant dans la lumière du soleil couchant. On aurait dit une ombre chinoise, c'était presque poétique. Sauf que ma gorge était nouée et que mes boyaux se tordaient affreusement dans mon ventre. Je ne laissais rien paraître de mon mal-être interne, du moins j'espérais que ça ne se voyait pas.
Il s'est approché doucement, sans dire un mot, puis il s'est assis, toujours en silence.

- Ah mais c'est quoi ça Luna ?! s'est-il écrié aussitôt après que son fessier ait touché le sol, rompant toute la beauté de l'instant.

Son doigt désignait une des nombreuses taches de mon corps  rougeoyant sous les derniers rayons du soleil.
J'ai jeté un coup d'oeil à cette dernière avant de relever la tête en haussant les épaules.

- Aucune idée.

Il a secoué la tête.

- Ce sont des coups de soleil, tu m'expliques comment tu as pu en avoir ? On est en février, ce n'est pas courant.

Mais il était complètement stupide en fait.

- Le soleil ne m'a jamais frappée qu'est-ce que tu racontes ? C'est une étoile, il n'a aucun moyen de s'approcher de moi.

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