PDV Evan

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Lorsque je suis descendu ce matin-là, la télévision était déjà allumée. Je n'y ai d'abord pas prêté attention, étant toujours dans le coltar, comme tous les matins en semaine. Mes yeux étaient bouffis et la lumière artificielle des lampes m'agressait. J'étais un peu désorienté, cherchant mon bol et mes céréales à tâtons. J'ai versé la moitié du lait à côté du récipient ce qui m'a obligé à tout nettoyer. Même après l'avoir essuyé, le plan de travail de la cuisine restait collant. Voulant éviter toute catastrophe supplémentaire, j'ai préféré emporter la bouteille de jus d'orange et boire directement au goulot. J'ai emporté le tout sur un plateau prévu à cet effet jusqu'au salon où ma famille était réunie devant l'écran. Je me suis installé sur le canapé à côté de ma petite soeur, Romane. J'ai mâché mes céréales avec force le temps que mes yeux s'habituent à la luminosité, histoire de me réveiller un peu. Mais je peux vous dire que lorsque j'ai vu les images distinctement, j'ai aussitôt arrêté ma mastication.
Il y avait encore eu un meurtre. C'était le quatrième en moins de trois jours. Et apparemment le tueur montait crescendo dans l'horreur. Ou descendait plutôt, parce que pour atteindre un tel niveau de bassesse il fallait être au fond du trou.
Tout le monde accusait Luna, sans savoir son prénom bien sûr. Évidemment, c'était tellement plus simple comme ça. Selon eux elle était inhumaine, il était donc logique que ce soit elle qui ait commis de telles monstruosités. C'était beaucoup plus rationnel que d'accuser l'un des leurs. Ils se rassuraient ainsi, en se voilant la face. Non, les humains ne sont pas capables de pareilles atrocités, c'est bien connu.
Mais moi je savais que ce ne pouvait pas être elle. Premièrement c'était tout bonnement inconcevable, elle était beaucoup trop fragile et sensible pour se permettre de telles immondices. Elle avait pleuré à l'évocation de la guerre. Et deuxièmement parce que lors du troisième meurtre elle était avec moi, dans la forêt. Et ça, c'était une preuve irréfutable mais que je ne pouvais avancer sous peine d'être accusé de trahison et de complicité de je ne sais quoi.
Alors je devais me contenter d'écouter mes parents cracher sur l'être le plus touchant que j'aie jamais rencontré.
Je n'imaginais pas la souffrance que ce devait être de se sentir rejetée de tous et de devoir se cacher dans les bois sombres. J'avais tellement envie de faire quelque chose pour elle, mais je ne savais pas quoi. Je n'étais pas en mesure de réaliser quoi que ce soit et ça me tuait. J'avais toujours détesté toutes les formes d'injustices, quelles qu'elles soient. Je tentais toujours de lutter contre, à mon échelle tout du moins. Cela m'aidait à avoir meilleure conscience. Mais là, je n'avais pas vraiment d'idée. Je ne voyais pas quoi faire à part lui apporter mon soutien en lui racontant tout ce qu'elle ne savait pas.
J'ai fini mon bol de céréales avec la ferme intention de foncer droit dans la forêt dès la sortie des cours. J'attendrais à notre lieu de rendez vous habituel, elle finirait bien par se pointer.

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