Chapitre 1

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N'oubliez pas de me dire ce que vous en pensez 😉

Précédemment

Avoir le destin de plusieurs personnes entre ses mains. C'était...irréel.

-Je vais...

***



Paris, Empire napoléonien 1950

Je n'étais qu'une esquisse. L'esquisse d'une personne meilleure. L'esquisse d'une vie meilleure. Je ne pourrai jamais devenir plus. Je le savais, et les tatouages sur mon corps le prouvaient. Chacun d'entre eux semblait avoir été fait à la hâte. Comme si je ne méritais même pas que l'on s'attarde pour moi. Que l'on prenne son temps.

Je me plaçai, nue, devant un miroir pour mieux les observer. Mes fameux tatouages. Il y avait d'abord le "x" placé entre mes omoplates, puis l'énorme "U" surmonté d'une croix au-dessus de mon bassin. Il y avait un immense soleil placé sur mon ventre. Chaque petit détail le rendait si réaliste... puis, sur ma hanche, était écrit "revolutionary".

Je ne m'étais bien sûr pas infligée ces taches indélébiles. Mon père fit ce choix à ma place. C'était très tôt, un mardi matin, qu'il m'amena chez un tatoueur pour imprimer sur ma peau ces horreurs. Le mercredi, mon père disparaissait. Les années passèrent, et aux yeux de tous, sa mort devint une évidence.  Ces énormes taches d'encres qui maculaient mon corps prouvaient pourtant le contraire. Cet acte insensé de tacher sa fille de dessin sans sens ne pouvait se conclure par un suicide. Cette solution semblait trop facile.

- Abby ! appela ma mère. Il faut que tu ailles à l'épicerie. Les armoires sont presque vides.

Je soupirai et me rhabillai, enfilant une petite robe bleu pastel toute abîmée avant me recouvrir d'un épais manteau de laine.

Nous ne roulions pas sur l'or, mais nous étions capables de garder nos étagères pleines. La nourriture n'était pas un problème, et nous étions chanceux pour cela. La plupart des parisiens vivaient dans une misère noire et survivaient en mendiant dans les rues. L'empereur n'avait que faire de ces pauvres gueux, ses priorités tournant plus autour de son prochain vêtement pour ses bals.

J'avais un toit -et même des murs- ainsi que de quoi me nourrir ; c'était amplement suffisant.

- Prends des légumes et du pain. Et surtout, prends des légumes racines, ils sont plus faciles à mettre dans les ragoûts.

- Maman, râlai-je, je sais tout ça.

- Mieux vaut prévenir que guérir !

Je levai les yeux au ciel. C'était la phrase préférée de ma mère. "Mieux vaut prévenir que guérir".

Je mis ma cape rouge et empoignai un panier tressé que je passai autour de mon bras avant de sortir de notre petite chaumière. Le tohu-bohu des rues de Paris m'accueillit les bras grands ouverts et je manquai de peu de me faire renverser par une jolie turgotine qui roulait à une allure excessive.

- Mademoiselle ! criait un marchand ambulant. Regardez mes magnifiques écharpes. Cette rouge serait parfaite pour aller avec votre cape.

Je le remerciai, mais n'achetai rien. Avec le temps, on apprenait à résister aux charmes de ces vendeurs. Tantôt c'était des écharpes qui allaient bien avec votre cape, d'autres fois des fleurs qui étaient assortis à vos yeux et ainsi de suite, mais leur prix, eux, restaient toujours extrêmement faramineux.

Je traversai rapidement la rue pour ne pas me faire piétiner par les carrosses, les diligences et toutes autres voitures de fortunés qui prenaient de plus en plus possession des rues de Paris. Depuis que l'empereur avait annoncé son mariage, les bourgeois des quatre coins du pays affluaient pour y assister et tenter de s'attirer les faveurs de la nouvelle venue. C'était très bon pour les affaires locales. Ces gens avaient besoin d'endroits où dormir et de quoi se nourrir. Ils faisaient marcher les échoppes, ce qui ne faisait de mal à personne.

La Chute du CoqOù les histoires vivent. Découvrez maintenant