Point de vue extérieur - même jour

62 23 22
                                    


La sonnerie retentit et tous les élèves se ruèrent hors des salles de classe. La pause du déjeuner était celle où il y avait le plus de grabuge.
Dans la cours, ça chahutait de partout, mais un cri strident alerta les adultes.
Un élève pointait le haut du bâtiment en se tenant la bouche. Ses yeux écarquillés par la peur firent tout le monde lever la tête et regarder la raison de son effroi.
Il y avait sur le muret du toit, une jeune fille qui se tenait debout, regardant au loin.
Au pied de l'immeuble, on commençait à s'agiter :

_ C'est la pouilleuse.
_ Appeler une ambulance!
_ Il faut prévenir le proviseur.
_C'est Mattie...
_Qu'est-ce qu'elle va faire?
_Elle va pas sauter quand même ?
_Mattie ne fais pas ça!
_Allez la chercher.
_Ne Fais Pas Ça!

L'agitation attira l'attention de la jeune fille. Des échos lui parvenaient au loin. Mais elle avait déjà pris sa décision. Elle ouvrit les bras comme si elle voulait s'envoler. Ses yeux remplis de tristesse et de solitude semblaient pourtant sereins. Puis elle les ferma et se laissa tomber dans le vide.

Quatre étages. Une chute. Une éternité. Une fatalité.

Les élèves criaient, pleuraient, se détournaient. Les professeurs tentaient d'éloigner tout le monde. La police et les pompiers avait été prévenus.

Morte sur le coup.

La petite n'avait eu aucune chance de s'en sortir. Ses yeux resteraient fermés pour toujours.

Non loin de là, une sonnerie retentit.
_ Allô oui j'écoute?
_Bonjour Madame Sanders. Vous êtes bien la mère de Mattie Sanders?
_Oui c'est bien moi. Que se passe-t-il ?
_ Vous êtes priée de vous rendre de toute urgence au lycée je vous prie.
_Pourquoi ? Qu'est ce qui se passe?
_S'il vous plaît, venez vite.

Il y a des nouvelles qu'on ne peut annoncer au téléphone...

La jeune mère se précipita. Son coeur était serré d'angoisse. Quelque chose de grave. Quelque chose n'allait pas. Elle le savait.
Arrivée sur place, le proviseur l'accueillit, la mine déconfite. Un policier vint les rejoindre et annonça:

_Madame Sanders? Je suis dans le regret de vous annoncer le décès de votre fille. Elle vient de se suicider.

Il était obligé de l'annoncer aussi directement, pour que cette mère comprenne, sans se faire d'illusions.
Pourtant, il aurait préféré être partout ailleurs plutôt qu'assister à ce genre de détresse.

Mme Sanders, ne comprenait pas ce qu'on lui disait. Ça n'avait aucun sens. Sa fille chérie, son précieux trésor....
Ce n'était pas possible.
Elle s'avança, regarda autour d'elle et vit plusieurs policiers et ambulanciers, des professeurs, une civière.
Un drap recouvrait un corps.
Mais elle reconnu les chaussures qui dépassaient, avec la petite étoile sur les côtés. Et là, l'information montant à son cerveau, prit tout son sens.
Elle se jeta près du corps sans vie, et poussa un cri déchirant, empli de désespoir et de douleur.

_Noooooooooooooooon. Non, non, non. Non! Pas ma fille. Pas mon bébé... répétait-elle.

Elle retira le drap avec rage et prit sa chère enfant dans ses bras. La tenant contre elle. La berçant, lui murmurant des mots d'amour.
Pourtant ce corps ne répondait pas, n'avait aucune réaction.
Elle n'était plus en vie.

Un homme s'approcha, essayant de la relever mais Mme Sanders se débatit. Criant, hurlant:
_Rendez-moi ma fille! Laissez-moi avec ma fille! Rendez-la moi! Rendez-la moi...

La souffrance qu'elle ressentait était atroce. Insoutenable. Une partie d'elle. La plus précieuse partie d'elle était partie.
La crise de Mme Sanders dura près d'une demi-heure. Puis, à court de force, elle se laissa tomber. Allongée près de son enfant mort. Ses larmes coulaient sans discontinuité.
Comment vivre avec ce trou béant maintenant? Qu'avait-elle fait pour endurer une telle épreuve? Qu'allait-elle faire maintenant ?
Et une dernière question tournait encore et encore: Pourquoi ?

Cher JournalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant