The past, T1 : Entre passé et présent (Boyxboy)

Chapitre 7

Damien

Quartiers Nord de Montréal, Montréal, 16 octobre 2017 – 23 h 30.

     Il viendra. Je suis sûr qu'il viendra.

     Pourtant, il était plus de vingt-trois heures trente et toujours aucune trace du nouveau champion. Certes, il se fichait qu'il soit là ou pas, néanmoins, le champion était obligé d'être là à chaque course, qu'elle soit un simple petit duel entre deux idiots ou une véritable course avec vingt participants. Ça avait été son rôle pendant dix ans et aujourd'hui, c'était au tour d'Alexandre de reprendre le flambeau puisqu'il l'avait battu... Enfin, s'il se pointait avant le départ.

     — Alex n'est toujours pas là ?

     D se tourna vers le mec, Renaud, qui s'était invité dans son petit groupe.

     — Non. Toujours pas là.

     Il finit sa bière bon marché et la jeta dans le tonneau en fer qui abritait le feu. Les flammes s'agrandirent au moment où la canette vide y tomba. Le petit groupe de cinq personnes autour du contenant s'éloigna légèrement pour ne pas recevoir des braises qui volèrent dans la nuit étoilée. Puis, les conversations reprirent entre deux gorgées de boissons alcoolisées.

     — Il va arriver. Parfois il est très en retard mais il vient toujours, expliqua le mec en se frictionnant les mains près du feu. Je suis un très bon ami de Marius et de temps en temps, lorsque je suis avec lui et qu'il attend Alex, on peut largement aller acheter un pack de bière et jouer au bowling avant qu'il n'arrive. Je ne sais pas ce qu'il fout en dehors des courses de motos, mais putain, il a l'air d'avoir de grosses journées...

     D acquiesça. En son for intérieur, il se gifla. Évidemment qu'Alexandre était parfois en retard. Parce que, entre les cours en faculté et son temps libre passé derrière ses bouquins d'ingénierie, c'était compréhensible qu'Alex ne soit pas très ponctuel aux rendez-vous clandestins.

     À ce moment-là, D se traita de crétin en repensant au coup de fil qu'il lui avait donné quelques heures auparavant, pour lui demander de débarquer le plus vite possible. Le champion était peut-être mort de fatigue à cause de sa journée et D n'y avait même pas pensé. Alors qu'il était parfaitement informé que le champion avait une fatigabilité plus importante que la moyenne !

     Et s'il y a eu un accident sur la route ? Si je l'ai réveillé alors qu'il récupérait de la soirée de la veille ?

     Sans savoir pourquoi, D commença à paniquer. Lui qui voulait enterrer la hache de guerre, il s'y prenait mal. Très mal. Il n'aurait peut-être pas dû l'appeler, même s'il l'avait fait dans l'unique but de le prévenir d'un duel. Quelques minutes plus tard, le bruit de moteur d'une puissante Honda s'éleva dans l'air, nonobstant le brouhaha incessant des discussions aux alentours.

     Tout le monde se retourna vers la provenance du bruit et découvrit qu'un retardataire garait sa moto quelques mètres plus loin. C'était Alexandre. Il clopina jusqu'à Erwan et Marius. Celui-ci cacha ses cheveux châtains sous la capuche de son manteau, se protégeant du froid, tandis que le rouquin lui montrait son téléphone en riant.

     À ce moment-là, la bouteille d'alcool fort qu'il tenait dans l'autre main glissa entre ses doigts et fut précipitée sur le trottoir, se fracassant en mille morceaux. Le liquide transparent coula jusqu'aux pieds de D et d'autres personnes et ils durent se reculer.

     Il jeta un coup d'œil à l'homme qui le détestait et se demanda comment un mec comme lui – instable dans ses choix de vie, profitant un peu trop de sa jeunesse et ne s'inquiétant aucunement de son avenir – avait pu devenir ami avec Marius, un gars simple, brillant dans ses études et sans histoire, ou même avec François qui aimait l'ordre, le respect et l'altruisme. Mais ce qui l'interloquait le plus était qu'Alexandre fasse partie de son entourage. À une certaine époque, le champion fuyait comme la peste ce genre de personne peu recommandable.