16.Mari

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Mon regard se pose sur l'écran que j'ai accidentellement activé. J'aurais préféré ne rien voir, ne jamais lire ces quelques lignes... qu'il reste éteint. Ce que j'y ai aperçu, me fait l'effet d'une bombe.

Les explosions me terrassent, s'enchaînent, mon cerveau cesse de fonctionner, se met en pause... C'est le chaos. Un trou béant se forme dans ma poitrine, les battements de mon cœur deviennent frénétiques, il m'est de plus en plus difficile de respirer correctement.  Un bus me fonçant droit dessus n'aurait pas fait autant de dégâts.

Les derniers mots sur ce putain d'écran sont comme incrustés sur mes rétines. Le téléphone est maintenant en veille, mais je peux encore y lire la fin du message...

" je t'aime mon ange".

Ces cinq petits mots font basculer mon monde. Les questions se bousculent dans ma tête. Les rouages de mon cerveau,  enfin ce qu'il en reste, essaient de comprendre, d'analyser la situation et de reconstituer le puzzle. Mais comment faire lorsqu'il vous manque des pièces ? Je n'arrive pas à décrocher mon regard de ce bout de plastique qui vient d'anéantir toutes mes années de bonheur conjugal. Je bloque sur ces mots qui dansent devant mes yeux et me narguent. Je n'arrive pas à les chasser, j'aimerais pourtant, effacer ces quelques syllabes qu'un autre que moi ose prononcer.

Est-ce seulement possible ?

Je relève la tête après ce qui me semble être une éternité. J'aperçois ma femme qui me parle, ses lèvres bougent mais je n'entends rien, ne comprends rien, j'ai la sensation d'être dans une bulle hermétique à toute chose. Les secondes s'égrènent, mais elles me semblent être des heures tant la situation me paraît abracadabrante. C'est une mauvaise blague, je vais me réveiller ! Ça ne peut qu'être ça ! Une blague de mauvais goût. Mais alors pourquoi, elle ne rigole pas ?

Je dois lui poser la question, mais... ses yeux me répondent. Eux n'ont jamais su mentir... contrairement à elle, apparemment.

Bouges-toi mec, reviens sur terre... Fait quelque chose. Dis quelque chose !

Peu à peu mes idées s'éclaircissent. Je reprends le contrôle de mon corps qui était jusque-là comme paralysé, engourdi par cette découverte.

J'ouvre la bouche, essaie de lui parler mais je n'arrive qu'à prononcer un seul mot, la seule vraie question qui me brûle les lèvres.

— Quand ?

J'attends fébrilement sa réponse, je la vois baisser la tête, tenter de s'approcher mais je la stoppe d'un signe de main. Elle doit rester loin de moi, c'est plus raisonnable. Je ne sais pas de quoi je serais capable en cet instant, tant je suis sous le choc de ce que je viens de lire. J'ai besoin qu'elle ne m'embrouille pas avec son parfum, sa douceur que je ne suis pas sûr de supporter.

— Un an. Bredouille-t-elle les larmes aux yeux.

Un an !!! Un an ? Un an qu'elle couche avec cet enfoiré qui ose l'appeler mon ange !! Et comme un abruti je n'ai rien vu... Comment j'ai fait pour être si aveugle ? J'étais à la maison vingt-quatre heures sur vingt-quatre et j'ai vu que dalle !

Je suis abasourdi, j'ai la tête qui tourne, mon cerveau fait à nouveau des siennes. Je n'entends plus que ces détonations qui ont détruits une partie de moi. Ma tête va exploser, mon sang bouillonne, mes membres s'agitent et mon cœur cesse de battre, brisé en un millier de petits éclats.

J'ai dû parler tout haut car je l'entends bafouiller un "ce n'est pas ce que tu crois".

J'en aurais presque envie de rire. Comment ça ne pourrait pas être ce que je crois ? Elle me prend pour un con en plus ! Ses mots digne d'une sitcom à deux balles me filent la gerbe.

À l'ombre d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant