23. Lui

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— Hello, joli cœur ! Ça faisait longtemps ! me répond-elle dès qu'elle décroche.

Entendre sa voix me réconforte instantanément. C'est fou, elle est de deux ans ma cadette pourtant c'est elle, très tôt, trop tôt, qui a pris soin de moi. Et encore à cet instant j'ai immensément besoin d'elle et sa franchise.

Elle est une vraie mère de substitution. Que serais-je devenu sans elle à mes côtés durant mon adolescence ? Je ne préfère pas imaginer ce qui se serait passé si elle n'avait pas été près de moi. Je n'en serais pas là où j'en suis actuellement, je ne serais peut-être même pas ici du tout. Elle a été ma bouée de sauvetage, mon ancre dans cette vie qui ne nous a pas épargnée.

— Hé ho !!! Tu es avec moi ? Me demande-t-elle soudain plus soucieuse.

— Oui, pardon sœurette. J'ai un peu la tête ailleurs.

Je la remercie mentalement de me sortir de mes pensées. Ce n'est pas le moment pour ces souvenirs.

— Tu sais quoi ? J'arrive, me dit-elle perplexe.

J'entends au son de sa voix qu'elle s'inquiète déjà. C'est ce que je disais une vraie mère.

— Mais non, attend ! On peut discuter au téléphone, tu ne vas pas faire tout le chemin jusque chez moi. Ce n'est pas nécessaire.

J'essaie de la rassurer mais je sais d'avance que c'est peine perdue. Elle a déjà compris que j'avais besoin d'elle sans avoir à le formuler.

— Non, non. J'ai l'impression que tu vas avoir besoin que je sois près de toi. Ta voix est...je sais pas... étrange. Je suis persuadée que tu as un truc important à me dire, alors autant que ce soit de vive voix. Je suis chez toi au plus vite.

Mère poule, je disais. Elle me connait vraiment trop bien. Je l'entends déjà s'affairer à l'autre bout du fil.

— D'accord !

Je capitule, je sais que je n'aurais pas le dernier mot. Peux-tu passer chez notre pizzaïolo préféré, j'ai pas eu le temps de faire les courses, je n'ai du coup rien à te proposer.

— Pas besoin, j'ai fait des lasagnes ce midi et tu sais que j'en fais toujours pour un régiment.

— Humm ! Tes lasagnes, j'en salive d'avance. Lui dis-je déjà affamé à l'idée de manger mon plat préféré.

La dernière fois que je l'ai vu, ce n'était pas la grande forme, j'ai la sensation qu'elle a repris du poil de la bête.

— Ouais ! Bah va falloir d'abord me dire ce qui ne va pas, ensuite tu auras peut-être droit à mes super lasagnes de la mort qui tue.

— T'es dure en affaire, sœurette ! Mais pour ce mets délicieux, je serais prêt à tout, ou presque... Allez, t'attends quoi, ramène ta fraise, j'ai faim moi ! Je lui balance en lâchant un petit rire.

Je sais qu'en lui disant ça, je vais la faire râler. Elle part toujours au quart de tour. C'en est presque trop facile. J'adore ça et je la soupçonne d'aimer nos petites joutes verbales elle aussi.

— Ce que tu essaies de faire ne marchera pas grand frère. J'ai moi-même quelque chose à t'annoncer, ça tombe bien, m'indique-t-elle en gloussant.

Pitié, qu'elle ne m'annonce pas qu'elle s'est encore entichée d'un autre tocard.

— Ah oui ! Quoi donc ? Lui demande-je intrigué.

— À tout de suite, frérot.

Et elle raccroche.

Qu'est-ce qu'elles ont toutes à me raccrocher au nez en ce moment ? Elles apprennent ce truc à l'école ou quoi ? Si nous les mecs on osait faire ça, les nanas nous couperaient sûrement le service trois pièces à l'aide d'un couteau, rouillé tant qu'à faire, histoire qu'on douille encore un peu plus. Et ce serait le moindre des supplices.

À l'ombre d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant