37. Elle

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J'étais sensée me trouver dans cette salle de bain afin de me préparer pour notre sortie. Une promenade sur la plage, main dans la main, le sable frais sous nos pieds nus, à profiter d’être ensemble et peut-être mettre à profit ce temps au grand air pour parler. Malgré mon envie d’être auprès de lui, je suis plantée devant le miroir, mon téléphone en main.

Je l’ai branché avant d’entrer dans la douche et l’ai entendu vibrer puis sonner de très nombreuses fois sur le marbre du meuble vasque tandis que je me savonnais. Je m’attendais à ce déferlement de notifications lorsqu’en me réveillant, j’ai réalisé qu’il était totalement déchargé. Ceux à quoi je ne m’attendais en revanche pas, c’est que toutes ces notifications ne concerneraient qu’une seule personne. Mon mari.

Dix-neuf appels rien que dans la soirée d’hier et presque autant de textos.

Il n’est pas du genre à appeler autant de fois sans raison. Peut-être est-il arrivé quelque chose de grave ? Sa mère n’est pas en grande forme depuis son opération de la hanche. J'hésite puis appréhende de découvrir ces messages. Je lis ? Je ne lis pas ?

Incertaine, je fais tourner un moment mon téléphone entre mes mains, le repose sur la vasque puis le scrute comme s’il allait me donner les réponses. J'ai envie de savoir ce qu’il veut et en même temps, besoin de me préserver de ce qu’il pourrait m’annoncer.

Le désir de rester dans cette bulle de bonheur qui s’est formée hier est plus fort que le reste. Je vide ma messagerie vocale et supprime les sms d’une pression du doigt. Voir son nom disparaître n’allège en rien la culpabilité que je ressens déjà vis-à-vis de lui mais mon choix est fait. Je suis mon cœur, quitte à la regretter après.

Je m’habille chaudement, me coiffe rapidement tout en évitant de poser le regard sur mon smartphone. Je le fourre dans la poche arrière de mon jeans et sors rejoindre mon amant.

Je pensais que tu ne sortirais jamais de cette salle de bains, se moque-t-il en m’embrassant sur la joue.

J'attendais que mon téléphone veuille bien se recharger, me défends-je un peu sèchement.

 — Ça va, ma douce ? Tu es toute blanche.

— Oui, oui. Juste un peu fatiguée, c’est tout. Hier a été intense, si tu vois ce que je veux dire. 

— On peut rester ici si tu le souhaites. On se baladera une autre fois.

— Non ! Ça me fera du bien de sortir au contraire.

— D'accord ! Prête dans ce cas ? m'interroge-t-il, dubitatif.

— Prête ! lui affirme-je, souriante.

Nous sortons, main dans la main, de l’hôtel puis décidons de flâner d’abord dans la ville avant de rejoindre la plage. Nous marchons côte à côte, regardons les vitrines des quelques boutiques encore ouvertes en cette saison sans échanger un mot.

La faute m’en reviens totalement. Je n’arrive pas à oublier ce bout de technologie dans ma poche. Je ne me défais pas de ce sentiment de culpabilité. Je n’aurais pas dû effacer ses messages sans les lire. Deux-neuf appels ! Il se passe forcément un truc. On n’appelle pas autant de fois sans qu’il ne se soit passé un drame.

Ce n’est que lorsque mon compagnon m’interpelle que je réalise que nous sommes sur la promenade et qu’il se trouve quelques mètres derrière moi.

Je respire à plein poumons et rebrousse chemin. Je m’arrête à sa hauteur, tente un sourire mais j’échoue lamentablement. Son regard affecté me prouve qu’il n‘est pas dupe.

— Je suis désolée. Je ne suis pas d’une excellente compagnie.

— Et si tu me disais ce qui te perturbe ? Tu n’es pas toi-même depuis que tu es sortie de cette salle de bain. Il s’est passé quelque chose ? Tu regrettes que je sois là ? Parce que s’il s’agit de cela, dis-le et je repars. Je ne souhaite aucunement m’imposer.

À l'ombre d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant