38. Mari

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J'ai passé deux jours interminables à l’hôpital, priant pour que le médecin qui m’a reçu lors de mon rendez-vous soit trop alarmiste. Plus de quarante-huit heures à me nourrir de flotte et de repas insipides, à me demander ce que je faisais là. Car, je ne dois pas être le seul sur cette terre à avoir de mauvaises analyses sanguines.

Enfin, ça c’est ce que je pensais avant d’avoir le résultat de la batterie d’examens qu’ils ont réalisés durant mon court séjour. Tout y est passé. IST, MST, HIV, analyse d’urine, des selles, IRM, radio. Tous ces tests se sont enchainés, sans que l’on me dise ce qu’ils cherchaient exactement. La seule réponse à laquelle j’avais droit, était, nous cherchons larges pour ne rien rater.

Mais rater quoi ? Je ne l’ai su que le lendemain soir.

C'est le chef du service oncologie qui m’a annoncé ce qu’allaient être mes prochains mois. Il me l’a dit, à l’heure du repas, froidement, sans paraître le moins du monde touché par le fait qu’il allait bouleverser ma vie.

“ Vous avez un cancer ”. En quelques mots, il a saccagé le peu d’équilibre qu’il restait dans ma vie. Je suis resté comme un con à contempler mon plateau tandis qu’il discourait, tentant d’absorber ce qu’il venait de m’annoncer.

“ Vous avez un cancer du foie métastasé dû à une hépatite C non diagnostiquée. Métastases qui ont déjà migré dans différents organes...”.

J'ai un cancer...

 Sa voix pompeuse n’était plus qu’un bruit de fond alors que mes yeux fixaient la compote que je n’avais pas touché et ces mots se répétaient en boucle dans ma tête.

J'ai un enfoiré de cancer...

La seule et unique chose qui a retenu mon attention dans son long monologue, c’est lorsqu’il a conclu que le corps médical ne pouvait rien faire pour combattre ce poison. Malgré ses longues années d’études, sa seule option a été : faire que mes derniers mois soit le moins pénible possible.

J'ai un cancer incurable...

Mon espérance de vie se compte donc en mois. Huit, si j’ai de la chance, m’a-t-il confié, faussement contrit.

De la chance... la blague. J'ai un truc qui me tue à petit feu et qu’aucun toubib ne peut soigner mais j’ai de la chance... C’est évident ! On discerne le veinard en moi au premier coup d’œil.

Si je résume, ma femme s’est barrée parce qu’elle s’en tapait un autre. Mon meilleur ami m’a avoué avoir des sentiments pour moi. Les deux, sans que je ne m’aperçoive de rien, tant qu’à faire. Et avant ces deux évènements, je n’étais qu’un pauvre type qui se morfondait sur la perte de son taf assis bien au fond de son fauteuil. Il ne manquait plus que quelques tumeurs pour parfaire le triste tableau qu’est ma vie.

La seule chose qui m’est arrivé de bien est ce nouveau job. Job auquel je dois désormais renoncer, pour, selon mon médecin, profiter au mieux des quelques mois qu’il me reste avant d’aller bouffer les pissenlits par la racine.

Oui, c’est sûr... je suis le plus grand chanceux que la terre est portée. Certains diront même que j’ai une vaine de cocu !

Ce crétin a dû rater ses cours sur comment réagir face à un patient qui va mourir. Et, quelles phrases vide de sens je ne dois surtout pas sortir dans ce cas précis. 

J'ai un cancer...

J’ai beau me répéter ces mots depuis ma sortie de l’hôpital, je n’arrive pas à l’intégrer. Comment je suis sensé surmonter ça ? Et profiter ? Rien que le diagnostic me semble insurmontable alors parvenir à aimer chaque instant qui, inévitablement, va me conduire à la mort est trop me demander.

À l'ombre d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant