➳ Chapitre 49 : Yoran

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- Tu vas bien ?

Seya, le dos appuyé contre un mur de la grotte, face au lac, regarde l'eau depuis un bon moment déjà. Les genoux relevés sous son menton, elle réagit à peine à ma question par un léger acquiescement. Je m'assois à côté d'elle et étends mes jambes devant moi, à quelques centimètres seulement de l'eau.

- Parle-moi, Seya.

Elle relève lentement la tête et plante ses yeux verts dans les miens.

- Que veux-tu que je te dise ?

Sa voix est faible et enrouée, comme si elle n'avait pas servi depuis des jours, ce qui n'est d'ailleurs pas loin d'être le cas. Mais le plus frappant reste le fait qu'elle est dénuée de toute émotion. Seya ne parle certes pas beaucoup, mais ça ne la rend pas pour autant spécialement froide et distante, contrairement à ces derniers temps.

- Pour commencer, dis-moi ce qui ne va pas, lui proposé-je.

Elle se redresse un peu et serre les poings sur ses genoux, les sourcils froncés.

- Ce qui ne va pas ? Tu me demandes ce qui ne va pas ? me dit-elle d'un ton où transparaît à la fois tristesse et irritation. Pour commencer, nous sommes au milieu d'humains qui veulent notre mort, ensuite nous sommes loin de chez nous, des nôtres, de nos vies, et pour finir, on a tué des innocents !

Elle crie ces derniers mots en pleurant. Les gardes qui nous suivent jour et nuit se rapprochent un peu plus et plusieurs humains nous observent en chuchotant à leur voisin. Je pose une main hésitante sur le dos de Seya tandis qu'elle s'effondre en pleure, le visage caché dans ses bras, posés sur ses genoux. Je n'aurais pas dû l'inciter à tuer ces gens, j'aurais dû le faire seul, Christophe ne l'aurait jamais su étant donné que personne ne pouvait nous voir dans cette cabane. Aucun de nous deux n'a terminé son entraînement à la Secte, entraînement qui aurait pu nous permettre de tuer sans aucune émotion. Mais j'étais plus proche de l'achever que Seya, ce qui me permet tout de même d'enfouir un tant soit peu ce que je peux ressentir, contrairement à elle. De plus, elle est encore jeune, elle n'a pas la maturité nécessaire pour supporter tout ça.

- Je suis désolée Yoran, on n'aurait jamais dû quitter la Secte, sanglote-t-elle d'une voix brisée. Mais qu'est-ce qui m'a pris ?

- Non, ne pense pas ça, tu as eu raison. Si ce n'avait pas été le cas, je ne t'aurais pas suivie, même si au début je doutais que ce soit une bonne idée. La mort de cet humain t'a fait prendre conscience de la cruauté dont les nôtres pouvaient faire preuve, puis à ton tour, tu m'as ouvert les yeux. Nous ne pouvions plus ignorer les agissements de notre espèce.

- Mais Yoran, c'est notre patrie, insiste-t-elle d'un ton désespéré. On les a trahis plus qu'aucun autre ne l'a fait par le passé. En tuant ces gens, nous avons tué notre unique chance de peut-être un jour nous faire pardonner pour avoir déserté et pactisé avec l'ennemi. On est condamné à subir le Rituel de l'Expiation.

De ses paroles, je n'ai retenu que le début. "Patrie". Ce simple mot, sa manière de le prononcer, avec autant d'émotions, imposent alors en moi une sorte de révélation. Ce qui est à la fois notre point fort et notre point faible, ce qui structure notre société, c'est notre esprit patriotique et cette peur de l'anarchie. Voilà pourquoi nous suivons sans un mot le Gouvernement. Ce n'est pas que nous trouvions ses décisions justes, ce n'est pas que nous ayons envie de faire ce qu'il nous dicte, mais c'est simplement que nous n'avons jamais appris à procéder autrement, à contredire l'autorité. Il suffit à nos dirigeants de dire que c'est nécessaire pour le bien de la patrie afin que la population les suivent en silence. C'est un moyen de tous nous tenir facilement en respect.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant