➳ Chapitre 2 : Jennifer

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Zack me réveille quelques heures plus tard. La nuit est déjà tombée. Je prends mon sac à dos et pars chercher à manger, une lampe de poche à la main, la dernière qu'il me reste.

Je décide de rentrer dans une maison que j'ai repérée hier, quand nous sommes arrivés. La porte est fermée, je suis donc obligée de passer par une fenêtre cassée en faisant bien attention de ne pas me couper. Une fois à l'intérieur, je regarde autour de moi, déplaçant lentement le faisceau lumineux de ma lampe. Je suis dans le salon de la maison. Une horloge imposante est accrochée au mur en face de moi, un vieux téléviseur trône juste en-dessous. Face à lui, un canapé en cuir marron foncé, les accoudoirs abimés par le temps. Un papier peint terne aux motifs floraux accompagne à merveille la couleur Bismarck des feuilles mortes accumulées sur le sol, certainement portées par le vent à travers la vitre brisée. Cette étrange atmosphère me donne l'impression d'avoir fait un bond en arrière dans les années soixante-dix. Un frisson me parcours l'échine. Je n'aime pas l'ambiance dégagée par ce lieu.

Je traverse le salon et m'engage dans un couloir sur ma droite, sans plus observer l'intérieur de la maison. L'électricité ne passe plus, en même temps il n'y a plus personne dans les centrales pour la faire circuler. La nourriture contenue dans les congélateurs s'est d'ailleurs mise à pourrir petit à petit. Désormais, nous nous nourrissons essentiellement d'aliments en conserve et de biscuits en tous genres. D'ici quelques années -si par miracle, nous sommes encore en vie- je pense que les réserves alimentaires seront quasiment épuisées. À ce moment-là,  je serais tenue d'apprendre à chasser, mais pour l'instant, je préfère conserver mes forces et mon temps à fouiner dans les maisons désertées, c'est bien moins dangereux.

Il ne me faut qu'une minute pour trouver la cuisine. Sur la pointe des pieds, ma lampe torche entre les dents, j'ouvre les deux battants du placard suspendu au-dessus de levier. Je prends rapidement tout ce qui me tombe sous la main et le fourre dans mon sac à dos. Je dissocierai plus tard ce qui est encore consommable de ce qui ne l'est plus.

Une fois ma besogne terminée, je me dirige vers la sortie, le faisceau lumineux pointé droit devant moi. Mais soudain, je trébuche et m'étale sur le sol, mon menton percutant lourdement le carrelage. Je me relève et ramasse ma lampe qui a roulée plus loin, tout en me frottant la zone douloureuse qui résonne désormais dans toute ma mâchoire. Je cherche ensuite l'objet du délit. Un crâne humain, certainement celui de l'un des propriétaires. Avant, certainement aurais-je été choquée, je me serais effondrée en larmes, terrorisée. Mais désormais, j'ai l'habitude de retrouver des restes de corps humains. Je sors et retraverse la rue en me dépêchant le plus possible. La nature a déjà bien repris ses droits en trois ans : des lierres montent sur les murs des maisons -déjà verdies par de la mousse-, des arbres poussent au milieu de ce qui était autrefois la route, et des chiens revenus à l'état sauvage traînent dans les rues. Le monde est bien loin de ce qu'il était auparavant. Il est davantage hostile, inhospitalier, surtout pour celui qui ne sait pas entendre ou voir ses mises en garde.

Comme à chaque fois que je quitte Zack, je suis soulagée de le retrouver sain et sauf. Je pose mon sac sur le sol et je commence à trier ce que j'ai ramené. Mon petit frère me rejoint pour m'aider. Nous en sortons une boîte de conserve contenant des petits pois, une boite de cookies, des barres chocolatées -mais la date est déjà dépassée. Et encore un tas de nourriture qui pour la plupart n'est plus consommable. Les aliments rangés, je prends les petits pois et me dirige vers la cuisine. J'étale sur le carrelage des bouts de bois que j'ai ramassé la nuit précédente, et j'allume un feu à l'aide d'un briquet et de papiers journaux. Après avoir mis les petits pois dans une casserole, je la place sur le brasier. Plus qu'à attendre. Je reprends mon journal.

J'ai vu très peu d'Haeras dans ma vie, peut-être quatre ou cinq seulement en chair et en os. Par chance, j'ai toujours eu le temps de partir avant qu'ils ne me repèrent. La plupart de ceux que j'ai pu observer étaient ceux que les journalistes, au péril de leur vie, avaient réussi à filmer, avant que la parade des gentils extraterrestres dans nos grandes métropoles ne se transforment en campagne d'extermination à l'échelle mondiale. Si je devais les décrire, je dirais qu'ils ont une forme humaine. Ils mesurent à peu près la même taille que nous bien que la majorité des individus soient légèrement plus grands. Leurs traits, leurs visages, sont comparables aux nôtres, hors-mis un nez plus fin. Nous pouvons donc les différencier de nous uniquement grâce à leur couleur de peau, d'un rouge clair, contrairement à leurs cheveux, d'un rouge foncé. Certains d'entre eux ont également sur le corps des motifs en forme de spirale, d'un bleu éclatant, mais de ce que j'ai pu voir, ce n'en est qu'une minorité. Pour finir, leurs yeux sont d'un vert foncé incomparable à quoique ce soit qui puisse exister sur Terre. En soit, ce sont des êtres magnifiques physiquement, ce qui contraste beaucoup avec l'horreur de ce qu'ils sont réellement, des êtres sans cœur qui semblent dénués de sentiments.

Aeternam GalaxiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant