Le temps passe mais rien ne change

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Quelques années plus tard...

Il est l'heure. L'heure de me lever, pour commencer. Mais surtout l'heure de mon entrée au collège. La boule au ventre, je ne suis pas capable d'avaler quoi que ce soit. Je n'aime pas ça, les changements. Je suis du genre à préférer la monotonie du quotidien, quand tout est stable, que rien ne perturbe mes habitudes. Mais là, pas le choix, il va falloir m'adapter à un nouvel environnement, que je le veuille ou non. Et bien évidemment, je ne le veux pas.

Je retrouve quelques-unes de mes amies, devant le portail vert de ce bâtiment que je ne connais pas encore. Le proviseur prend la parole, nous souhaitant une bonne rentrée. J'aimerais bien qu'il abrège, parce que moi, quoi qu'on puisse me dire, je ne suis pas à l'aise, pour changer... 

Il commence à appeler la première classe, la sixième A. Une de mes amies est appelée, une autre, puis vient mon tour. Je suis soulagée, il faut l'avouer. Pourtant, lorsque je commence à marcher pour rejoindre ma classe, le malaise revient, je sens tous ces yeux braqués sur mon corps et j'aimerais m'enfuir, prendre mes jambes à mon cou. Mais sans jambes, c'est plus compliqué, je ne vais pas me voiler la face.

Nous rejoignons une salle de classe, nos profs essaient de nous mettre à l'aise mais rien n'y fait, je me sens comme un poisson sur terre, je manque d'oxygène. La cloche retentit, celle qui annonce la récréation. Il faut sortir alors que je n'ai qu'une seule envie : m'enfermer à double-tours dans une salle et ne plus jamais en sortir. 

Lorsqu'on entre en sixième, on est effrayés par ces troisièmes, qui nous regardent de haut, minus que nous sommes. Moi c'est pire. Je garde les yeux rivés sur le sol, de peur de croiser je ne sais trop qui, qui rirait de moi un peu trop fort, qui déclencherait l'hilarité générale. J'essaye de me faire plus petite que je ne le suis déjà. Mission manquée. Les questions de ces inconnus, encore une fois, fusent. '' Pourquoi tu marches comme ça ? '', '' C'est grave ce que t'as ? '' Et puis il y a ceux qui ne disent rien mais dont les interrogations sont omniprésentes malgré tout, je le vois bien. Je réponds du tac au tac, tentant de ne pas paraître troublée. Je veux simplement qu'ils me lâchent, qu'ils m'oublient tous. Je me sens comme oppressée entre deux murs, barricadée dans une prison pour quatre ans. Quatre ans... Soudain, je me demande comment survivre dans un lieu qui semble ne pas être pour nous. Dans un lieu où des inconnus rient de ma démarche, ouvertement ou non.

Je me souviendrai toujours de ce garçon, qui souriait toujours d'un air diabolique en m'apercevant. Il devait voir que j'étais effrayée par cette foule de gens normaux. Ils étaient tout ce que je n'étais pas, tout ce que je ne serai jamais. Un jour, je l'ai croisé de trop près, je l'ai regardé trop longtemps. Il m'avait lancé, de but en blanc '' Un problème, jambes de bois ? '' Je n'avais rien rétorqué, tétanisée par ses paroles. Voilà ce que j'étais, aux yeux du monde entier : des jambes de bois. Même pas une personne, simplement des prothèses un peu trop raides, qui se pliaient difficilement. 

Mon cœur mis à nuWhere stories live. Discover now