Une VIE Crescendo

• APRÈS • R •

Pourquoi me trouve-on toujours dans d'étranges situations ? Me voilà, assise sur ma valise, depuis plus de 30 min à essayer de la fermer grâce à de petits soubresauts. De ma place je peux voir les manches de mon pull préféré dépasser de mon bagage. Cela fait plus de deux mois que mon départ est prévu. J'ai hâte. Hâte que cet horrible voyage se termine !
Depuis quelques temps, rien ne va plus, le simple fait de m'imaginer à moins de 30 cm de lui me refroidit plus qu'autre chose. Il ne devrait arriver que dans une quarantaine de minutes, ce qui me laisse le temps de finir mes préparations mais nous devons prévoir large pour ne pas être en retard.
     Finalement, après une dernière pulsion sur ma valise, la voilà enfin fermée. Je fourre ensuite dans mon sac à dos mon éternel compagnon de voyage, mon appareil photo et bien sûr quelques livres.
Les rayons du soleil transpercent  ma fenêtre, baignant ainsi ma chambre de ses rayons dorés. Dehors, les arbres ont quittés leur parure argentée, les animaux fêtent hors de leurs terriers et le temps a laissé son manteau blanc, c'est de nouveaux le temps du printemps. Les amours de l'été ont, depuis longtemps, disparus et les amitiés de l'hiver résistent à la nouvelle saison.
Je suis partie pour faire le plus long voyage de ma vie mais la perspective de changer de décor ne peut que me faire sourire. Je vais sortir de mon quotidien. Tout le monde attend que quelque chose change, tout le monde attend un moment où il devra se lancer et courir le risque et là c'est un de ces moments. 
La voix de ma maman me fait sortir de ma rêverie. Il est temps que j'arrête de rester enfermée dans ma bulle et que je plonge, tête la première dans le vrai monde. Je sors de ma chambre qui se trouve à l'étage, en descendant j'observe avec attention les innombrables photos, portraits, dessins et autres souvenirs qui ornent les escaliers. Ils représentent chacun un fragments de nos vies, un moment unique et inégalable.
Ce pêle-mêle a vu le jour depuis que mes parents ont emménagé ici, à l'arrivée  de ma grande sœur et depuis nous l'agrandissons, petit à petit mais depuis un certain temps on aurait dit que le temps s'est arrêtait chez nous et j'ai l'étrange et désagréable impression qu'il n'est pas encore prêt de repartir. Je rêve du jour où le nouveau chapitre s'écrira car je le sais, l'histoire est loin d'être finie. Du bout de mes doigts je caresse l'espoir du retour en arrière mais l'envie
de tout recommencer prend le dessus. J'essuie du revers de la main les quelques larmes qui ont perlé sur mes joues rosées.
    Une de nos photos de famille, en particulier me rappelle tant de souvenirs. Je nous revois tous, cousins, cousines, tantes, oncles, grands-mères, grands-pères... Ce sourire illuminant leur visage et ce bonheur émanant du cadre. Cependant tout a changé depuis, j'ai changé, j'ai grandi, mûrie et j'ai pris conscience de la chance d'avoir une famille à mes côtés, ce qui  est le plus beau cadeau que la vie puisse offrir, surtout accompagné de tout l'amour que l'on peut porter à un être cher.
J'ai construit ma personnalité en m'interdisant de ne pas faire quelque chose parce que je ne m'en croyais pas capable. J'ai basé ma vie sur le "je veux" et non le "j'aimerais". Tout ça je le dois à ma famille qui  ne m'ont jamais fermé aucune porte, ils ne me les ont jamais ouvertes non plus mais ils étaient toujours avec moi quand je passais le pas.
Quelque chose à soudainement changé en moi, affectant ma famille, mes proches et en bousculant mon monde tout entier. Celui-ci a également emporté avec lui, pour un temps éphémère, toute la joie de vivre et tout l'amour qui régnaient en moi. J'ai vécu une grande période de solitude. Vous savez, quand vous avez l'impression que le monde entier est contre vous.
J'aime ma famille mais autant vous dire que la vie en communauté n'est pas simple, l'intégration n'est pas au beau fixe et je ne veux pas aller vers les gens, en réalité en ai-je vraiment besoin ?  J'ai réussi à me débrouiller jusqu'ici,  j'y arriverai donc pendant ces longues années de lycée.
Cependant je me rappelle soudainement qu'à ce moment précis, je ne devrais m'ouvrir qu'à une seule personne sans doute la dernière que j'aurais voulu voir.
Quand je pense que j'aurais pu aller à la fête de Levanah , ma voisine du cours d'histoire... Je m'exaspère, je me mens à moi même, bien sûr que je n'y serais pas allée je serais restée dans ma chambre à lire un livre que je connais déjà par cœur, en faisant bien évidemment semblant d'être surprise par chaque retournement de situation. Pathétique. Je suis pathétique.
    Tout le voyage est planifié, j'ai organisé chaque minute de mon temps pour être sûre de ne pas avoir à lui adresser la parole, en extrait nous avons: écouter de la musique, manger et dormir les principales activités d'une femme au foyer sans vie future en devenir. Ma fierté en a pris un coup mais je lui ai meme rappelé dans un message, long comme mon bras, la liste des affaires qui pourront être utile.
    La chaleur commence déjà à m'étouffer, je suis en short et en t-shirt à manches courtes mais la chaleur texane s'approprie toute ma dose nécessaire d'oxygène. Peut être est-ce simplement du au fait que je vais le revoir... Mais non ! Bien sûr que non ! Pourquoi est-ce que je me mettrais dans de tels états pour lui ? Je vous le demande bien moi ! C'est lorsque je remarque que ma sœur me regarde d'un drôle d'air que je me rends compte que je parle tout haut, je hurle même mais le plus comique ce sont mes bras que je remue et balance dans tous les sens pendant que je déballe mon "speech" accusateur. 
Il faut que je me reprenne, c'est vrai il va falloir que je vive avec lui pendant... bien une éternité, mais peux-tu en faire autrement ?
Non. En effet, je ne peux pas. Espèces de fichus tickets non-échangeables ! 
    Il est 9h30 pile, il devrait être là, après ce qu'il m'a fait il se doit au moins d'arriver à l'heure ! Je décide de m'avancer pour ne pas prendre de retard sur l'horaire que j'ai évidemment prévu comme je suis une psycho-maniaco rigide, expression que je viens d'ailleurs d'inventer. Folle. Quelle folle. Donc psycho-maniaco rigide, comme j'aime le croire pour ne pas m'attarder sur les problèmes futiles dont ma vie et remplie.
Je remonte au pas de course dans ma chambre. Je prends au passage ma valise, qui pèse une tonne bien qu'il m'avait prévenue de ne prendre que le strict minimum, tant mieux une raison de plus de prendre encore quelques vêtements. J'attrape mon sac à dos, mes lunettes de soleil, mon portable et tout le tralala nécessaire à une fille, vous savez bien non ?
Je redescends au salon et sors. Une dernière vérification, un dernier au revoir, un denier regard et me voilà sur le point de vivre une aventure très peu banale...