#7 - La distancia para un duelo

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Jour 24. Le corbeau mange dans ma main. Plume noire délaissée sur le pas de porte, l'oiseau se prépare à croasser mon message de signaux en écrans. Crôa. Entouré de dépouilles, il attend.

Je promène mon regard sur les pixels qui composent la fresque animée. La chaleur du beige contraste avec le teint pâle du vampire à l'œuvre. Il rend le sang de sa victime à coups de lances vorpales, cadeaux parmi tant d'autres. Amour. Le sable s'imbibe du précieux liquide rouge qui, en ces lieux, est plus qu'estimable. À profusion.

La foule acclame son champion. Une silhouette se tient sur l'autre, victorieuse, arme tendue vers les cieux. Animation programmée. L'engeance de Bram Stoker mord la poussière, la faim pour seul guide dans sa non-mort, et même dans la mort après cela. La sœur, elle, disparait dans une cabriole.

Fin de la diffusion.

Des applaudissements retentissent dans le lobby. Le fantasme d'Anne Rice emprunte la porte auxiliaire pour nous rejoindre, les deux mains derrière la tête, le visage tiraillé d'un énorme sourire, déchiquetant ainsi le charisme de son personnage. Ce n'est qu'un joueur déguisé. Ses amis le surmènent de railleries en tout genre ; il réplique par un rire viscéral, sincère.

Une belle ambiance. Une gêne.

Prochain affrontement : deux minutes. Le gladiateur se motive, sautille sur place, s'échauffe. Contre le mur l'attend son trident doté d'un filet en guise de décoration ; l'homme tire ses forces de la caste des rétiaires, prêt à rendre son dernier souffle pour les beaux yeux de ses maîtres.

Le tambour de guerre fait rage, là-dedans. Un. Deux. Il convoque les enfants de la sueur et du sang pour qu'ils s'entretuent. Trois. Quatre. La herse se relève. Le guerrier empoigne son arme d'une main de fer, emboîte le pas de son destin scellé. Cinq. Six. L'accès est condamné.

Du spectacle. Tout est matière à donner le meilleur de soi-même, dans l'arène. Plus l'audience gémit, l'entrejambes en pleine crue, plus les joueurs sont récompensés. Un filon notable pour les comédiens qui n'hésitent pas à préparer leur chorégraphie à l'avance. Et cela depuis la Bêta-Test.

Moi-même, je prépare mes pas de danse, ballerines enfilées aux pieds. Mon tutu rose mettra des paillettes dans les yeux de mes admirateurs sous hormones. Ils devront reconnaître mon talent.

Un mage amplifie la voix résonnante du commentateur. Ça va commencer.

Qu'y a-t-il sous vos pieds ?!

Main sur le torse, trident levé. Spartacus offre sa voix rauque au public qui l'affronte. Un discours appris par cœur à force de hauts-faits et d'échecs cuisants.

« Le sol sacré ! Arrosé de larmes de sang ! »

Vos larmes. Votre sang. Vos petites vies. Montrez votre valeur : plus que des esclaves, plus que des hommes... Un gladiateur ne craint pas la mort. Il l'enlace, la caresse, la baise. Faites-la mouiller ! Qu'elle jouisse ! Alors, chiens de fosse, qu'est-ce qu'on dit à la mort ?!

« PAS AUJOURD'HUI ! »

Audience en rut. Tonnerre dans les gradins. La rencontre a l'air d'être attendue : c'est bon signe, les joueurs ne délaissent pas cet atout majeur de propagande.

Le thrace se met en marche. Impérial. Conquérant. Il foule du pied le sable qui est sien. Se mêle à lui telle une raie manta affamée. Prédatrice. Patiente.

Il attend. Il attend son ennemi censé réapparaître. L'une des trois sœurs, maîtresse de la furtivité et de l'assassinat. Une lame de l'ombre à la gâchette sensible, sinon l'embuscade, crainte des joueurs pour sa faculté à écraser toute résistance adverse. Mentale comme physique. Un jeu d'esprit qui se livre au centre de l'arène, acclamée par une foule avide d'action.

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