#5.2 - Creuse, creuse (2/2)

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A02_cavern//. Mon Paradis en Enfer.

Je prends une longue respiration. Inutile. Il n'y a pas d'air, que de signaux que reçoit mon cortex. Pourtant, je suis bien. Il fait bon. Ni froid, ni chaud. Le liquide amniotique de ma mère me couve de tout son amour alors que je rejoins sa couche. Elle est là.

Mon élixir s'estompe au moment où je pose le pied sur cette dimension parallèle. J'attends, confiant. Des piliers émergent du sol, luisent de teintes futuristes dont l'éclat assaillît mes yeux. Bleu. Blanc. Noir. Je perçois maintenant ce qui m'entoure. Un gouffre qui s'adresse à moi, sans fond. Obscur. Les aiguilles se figent sur le cadran. Je frissonne.

Un pas après l'autre. Mes bottes flirtent avec un tapis noir. Visqueux. Organique. Il me conduit de plus en plus loin. De plus en plus profond. Je ne me retourne pas. Je me sens bien. J'ai confiance. Plus rien n'a d'importance, ici. Ici... je suis à ma place. Si proche de la Vérité. J'implore Saint-Pierre de tout mon être pour qu'il me tende son trousseau salvateur.

Car mon âme a mal.

Je lévite. Nage dans la pénombre. Suis bercé par les lueurs. Mon avatar écarte bras et jambes. Il se découvre des airs d'homme vitruvien.

Da Vinci, l'égérie de la Renaissance, veille sur moi.

Une mouche s'aventure sur la toile du Destin. Ses ailes lui ont donnée de faux espoirs. Dans le silence elle fantasme sur sa fin. Seule, bercée par les ténèbres du Grand Linceul Noir.

Cette voix. Omniprésente. Elle résonne en chacune des fibres de mon corps.

— Êtes-vous...

Non. Je suis le Destin. Des ficelles que je tire s'agitent mes pantins. Le chant de la lyre, le goût du bon vin ; autant de variables dans le creux de ma main.

Le vide s'efface. Devant moi se dessine un immense lac. Un homme se débat, en son centre, sur un piédestal de roche. Encerclé par le remous des eaux et les gobelins.

Vois la détresse de ton ami. Tu pourrais lui sauver la vie.

Tranaï ! Attention !

* * *

Première vague achevée. Un léger bruit d'eau. Pas le temps de regarder, la seconde arrive. Mizuchi fend l'air, portée par un bras puissant.

Explosions de pixels en chaîne, carnage. Le Rōnin, soumis aux breuvages de l'Hydre, représente un ennemi bien trop coriace pour les malheureuses créatures croisant sa route. Des monstres mineurs de niveau trois contre un joueur de puissance quatre sous drogues dures ?

Le déséquilibre marque ce combat.

Seul le sifflement de l'air et les cris d'agonie résonnent encore. Souffle rauque, muscles en sueur, Tranaï tranche, pare, repousse, et cogne tout ce qui passe à portée de son arme ; un tourbillon d'acier et de puissance qui demande la concentration totale du joueur, à la limite de l'explosion cérébrale.

Un grand bruit, un cri, une dernière tête qui saute. Le guerrier se retourne d'une traite, prêt à accueillir la prochaine charge.

Une créature géante lui fait alors face : un immense serpent.

Ou plutôt un dragon.

| Rejeton de Léviathan (Puissance : ??) |

Son esprit oublie qu'il est dans un jeu. Le combat précédent l'a tant obnubilé qu'il en est sorti de la réalité. Ce combat est devenu LE combat.

Feeling OnlineWhere stories live. Discover now