Chapitre 5

2.1K 272 22
                                    

Ma sœur Anne et moi avons toujours été très proches.

Elle n'a que deux ans de plus que moi. On dit souvent qu'au sein d'une fratrie, la proximité en âge conduit fatalement à des conflits. Pourtant, nous ne nous sommes jamais disputées. Anne a toujours été pour moi plus qu'une sœur : une meilleure amie, une confidente. Avec un brin de sagesse et de maturité en plus, qui lui ont permis bien des fois de me donner des conseils précieux.

À l'époque où j'ai rencontré Octave, nous nous étions tout de même éloignées à cause de nos études : après sa terminale, elle est partie à Paris alors que je restais dans notre ville natale terminer mon lycée. Lorsque j'ai, à mon tour, rejoint la capitale, elle l'a quittée pour Grignon, ayant été admise après sa prépa dans l'école d'agronomie qu'elle visait. Et voilà que pour sa troisième année, elle avait choisi un cursus spécialisé à Clermont-Ferrand.

J'étais très heureuse pour elle : Anne a toujours été passionnée par la nature, et la voie qu'elle avait empruntée était celle qui lui convenait le mieux. Petite, elle pouvait passer des heures dans notre jardin, à observer les plantes, l'herbe qui verdoyait. Moi, je lisais : nos tempéraments calmes s'accordaient bien.

Mais Anne avait beau être capable de se concentrer des journées entières sur ce qui la passionnait, elle n'en était pas rêveuse ou passive pour autant. Elle a toujours su ce qu'elle voulait, et s'était toujours affirmée pour l'obtenir. Elle me reboostait quand je manquais de confiance en moi.

Malgré toute la bonne volonté du monde, il est cependant difficile de maintenir sur le long terme une relation aussi forte que celle de deux adolescentes partageant la même maison, lorsque l'on vit dans des villes différentes. Anne et moi nous appelions souvent, une fois par semaine en général, mais nous étions moins fusionnelles qu'autrefois.

Aussi, je ne lui ai pas parlé d'Octave au téléphone. Au début parce que, ne sachant pas où la rencontre de l'homme à la barbe bleue allait me mener, j'ai préféré taire ce qui m'arrivait pour ne pas sembler m'emballer trop vite pour un inconnu. Je lui ai aussi caché des éléments qui l'auraient poussée à me questionner : elle me connaissait si bien. Je ne lui ai pas dit que j'avais arrêté de suivre certains modules à la fac ; que je courais bien moins régulièrement qu'avant ; que je m'étais teint les cheveux en rose, surtout.

Mais les vacances de Noël sont arrivées, et j'ai retrouvé Anne chez nos parents. Ces derniers n'ont rien dit en découvrant mon extravagance capillaire : ils ont simplement écarquillé les yeux avec une surprise évidente. Plus tard, ils se sont joints à l'avis émis par ma grand-mère entre la dinde et les marrons : les études étaient le moment rêvé pour faire de nouvelles expériences dont on rirait plus tard... Du moment que le travail universitaire n'était pas négligé, bien entendu. Je me suis sentie un peu mal à l'aise, songeant au temps que j'avais passé loin de mes cours, avec Octave. Rien que pendant les vacances, j'avais souvent ouvert mes classeurs, mais pour bien vite poser dessus mon téléphone et envoyer des sms à celui que j'aimais et qui me manquait tant. Il voulait que nous passions Noël tous les deux, en couple, mais j'avais refusé : ç'aurait été la première fois que je n'aurais pas été avec ma famille le 25 décembre, et je ne me sentais pas encore prête pour cela. Mon cœur s'est serré lorsque je me suis rappelée qu'il était en froid avec ses parents, et qu'il serait peut-être seul pour les fêtes. J'ai hésité à l'inviter à venir avec moi, mais il m'a assuré qu'il était toujours le bienvenu chez Henry. De plus, il comptait profiter de la période pour prendre des missions supplémentaires en freelance, à un moment de l'année où beaucoup de ses concurrents étaient indisponibles. Je lui ai promis que je lui enverrai autant de sms que possible pour lui tenir compagnie, même à distance.

Tu ne me briseras pas [Sous contrat d'édition]Where stories live. Discover now