Dating a Korean

Episode 7 - Brève entrevue

La neige n'avait pas fondu depuis Novembre, et elle atteignait à présent un mètre le long des trottoirs. L'armée avait envahi la ville un matin de Décembre pour saler les voies routières, non que cela eut vraiment servi à quelque chose. Chaque pas dans les rues couvertes de verglas était un combat contre la gravité, qui cherchait à tout prix à vous attirer dans son étreinte. Mes bleus aux coudes et aux genoux témoignaient d'ailleurs de mes nombreuses défaites dans cette guerre sans merci. J'avais pourtant tout essayé. Les chaussures antidérapantes, les petits amis attentionnés, et même les déplacements en meutes. Et pourtant, régulièrement, je me retrouvais les fesses au sol sous les regards médusés des passants.

Les semaines s'écoulaient à une vitesse folle, entre les cours, les préparations pour les examens, et les soirées à regarder des films dans mon petit appartement. Il faut dire qu'avec le froid, et le verglas, on n'avait que rarement envie de sortir. Ana nous rejoignait parfois, mais la plupart du temps, nous étions seuls, Nim et moi, enfermés dans cette petite bulle que seuls connaissent les nouveaux amants.

Nous avions tant à apprendre l'un de l'autre, tant de compromis à faire pour s'adapter à une culture qui n'était pas la nôtre. Aussi prenons-nous les choses graduellement, sans se soucier du futur. Fort heureusement, nous étions tous les deux d'une grande patience, sans quoi nous nous serions sans doute séparés très vite, exténués par les efforts et les quiproquos. Notre langue commune, le chinois, ne nous facilitait pas la vie non plus, étant donné qu'elle nous était aussi étrangère que tout le reste. Mais, pas à pas, nous apprenions. Nous apprenions à nous parler, à nous découvrir, à nous comprendre. J'appris foule de détails sur la Corée durant cette période, parfois expliquée à grand renfort de gestes lorsque nous ne nous comprenions plus.

Un soir, alors que j'avais ramené un paquet de chips dans ma chambre et que nous étions en train de grignoter devant une série télé bidon, je fus prise d'une crise de hoquet. Toussant à moitié, je cherchai sans succès la bouteille d'eau qui était restée sur la table. La main de Nim se posa sur mon épaule et je me retournai en réprimant une nouvelle montée de hoquet. Mon petit ami me regardait en souriant, la bouteille tendue devant lui.

— Gaeguli mul mashinda ! me dit-il alors que je me jetais dessus pour en avaler une gorgée.

— Hip ! Pardon ? Qu'est-ce que tu as... hip !

— C'est de la magie.

— Quoi ? Hip ?

— Répète après moi, c'est une formule magique.

Je levai un sourcil — mon arme favorite pour exprimer mon doute et mon mépris des superstitions — mais l'effet fut gâché par les bruits incontrôlés qui remontaient de ma gorge.

— Je suis sérieux, reprit-il, essaye.

— Au point où j'en suis... hip ! Gae-quoi?

— Gaeguli mul mashinda.

— Gaeguli mul mashinda.

— Bien, avale un peu d'eau maintenant. Et recommence.

— Gaeguli mul mashinda !

— Encore une fois.

— Gaeguli mul mashinda ! J'ai l'air stupide non ?

— Un peu, avoua-t-il en riant. Mais ton hoquet a disparu...

Je me rendis compte qu'il avait raison et lui adressait un grand sourire avant de m'allonger contre son épaule. Il faisait chaud lorsqu'il me serrait contre lui, c'était si agréable.

— Et ça veut dire quoi, ta formule magique ? finis-je par demander, puisque j'avais de toute façon fini par décrocher de la série télé.

— Le... La... Je ne sais pas comment on dit en chinois. Un animal, dans l'eau.