Episode 3 - Délices culinaires

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— Merci pour la musique ! Bonne nuit !

Je regardai la porte se refermer sur Nim avec un air surpris. C'était tout ? Pas d'allusion au couple que nous pourrions devenir ? Pas de sérénade romantique déclamée la main sur le coeur ? Pas le moindre compliment ? Est-ce que j'avais mal compris le sens de sa question l'autre jour ? Peut-être voulait-il simplement, réellement, juste récupérer des MP3 ? Simplement, réellement, juste passer dans mon mini appartement étudiant, à la tombée de la nuit, pour parler musique ?

Je gardai les yeux sur la porte de bois, comme si elle pouvait apporter les réponses aux questions qui me taraudaient. Il m'avait pourtant semblé qu'il était intéressé. Est-ce qu'un garçon intéressé, passe la soirée dans la chambre d'une fille, discute de musique et puis s'en va... juste comme ça ? Pas que je ne me sois imaginée le grand numéro dès le premier soir, non mais pour qui me prenez-vous ? Mais il n'empêche... Un regard, un bisou, quelque chose ? Il devait vraiment aimer Muse, au final.

Puisque la porte restait muette — et qu'auriez-vous attendu d'autre d'une porte de toute façon ? — je me retournai et poussai un soupir. J'avais passé au moins une heure à ranger ma chambre, qui me narguait maintenant par son vide. J'étais plutôt du genre chanceuse, comparée aux autres étudiants je veux dire. Je n'avais pas eu besoin de partager la petite studette étudiante avec une autre fille. Ce n'était pas bien grand, mais c'était chez moi. Et une des premières choses que j'avais faites à mon arrivée en Chine, avait été de gaspiller la bourse du premier mois et une grosse partie de mes économies pour tout redécorer à mon goût. Vous me croiriez si je vous avouais que les deux semaines qui ont précédé l'arrivée de l'argent du second mois, je n'ai mangé qu'un petit bol de riz blanc matin, midi et soir, parce que j'étais trop fière pour aller quémander des sous à mes parents, moins d'un mois après les avoir quitté ?

Non ?

Vous devriez.

S'il y a bien quelque chose qui vous monte à la tête lorsque vous emménagez dans un pays où la vie est moins chère, Chine ou ailleurs, c'est l'argent.

Et tiens, ça coûte vraiment rien ça...

Oh, ce tableau aurait coûté au moins dix fois plus cher chez moi !

Il me faut absolument ce coussin assorti à la couverture pour le poser sur le rebord de la fenêtre et écouter de la musique en regardant au loin (si, si, regarder au loin) !

On a tendance à vite oublier les principes mathématiques les plus basiques qui soient. Pas cher + pas cher + pas cher, ça doit donner pas cher, non ? Heureusement que mon bac était déjà passé. Bref, trois semaines après mon arrivée, j'avais été réduite à un régime pas vraiment voulu, et vraiment pas apprécié.

L'horloge indiquait à peine 21h, et j'étais toute seule dans ma chambre, ce qui n'était pas du tout prévu. Je considérai un instant appeler Ana, ou bien l'une des françaises qui étudiaient le chinois avec nous, mais je reposai mon téléphone en silence. On était vendredi soir, et elles devaient déjà être sorties. Mon emploi du temps à moi était vide, je ne m'étais pas imaginée que Nim me quitterait de sitôt. J'étais en train d'hésiter entre me glisser dans mes draps avec un livre et enfiler une veste pour sortir boire un verre avec les autres étrangers quand mon téléphone se mit à vibrer. Je baissai rapidement les yeux et lus le message qui m'y attendait. Merci pour la musique Ellie, mon MP3 est rassasié pour des semaines au moins... Mais pas moi ! On fait à manger demain midi avec Yuji et Ana, tu veux te joindre à nous ?

Je reposai le téléphone en étouffant un fou rire. Les blagues pourries... Nim avait trouvé mon point faible !

C'est ainsi que nous nous retrouvâmes tous les quatre, peu après midi, dans la cuisine commune du dortoir de Nim et Yuji. Il y avait également autour de nous un couple d'africains et trois japonais affairés à préparer leur repas. Ana montait le siège sur la petite table pour protéger les pommes de terre et les carottes qui attendaient d'être épluchées. Les deux garçons étaient debout, à côté du frigo, en train de se disputer sur la meilleure façon de cuire la viande. Ou du moins, c'est ce que m'indiqua Ana lorsque je vins la rejoindre à table.

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