Eye of the Owl - Fanfiction Code Rouge

12. Le Choix

Je sens le regard de la femme devenir perçant, comme si elle cherchait à lire mon âme. Campée sur ses positions de certitudes qu'elle fait à mon égard, le sourire qu'elle arbore est serein, et me donne l'impression qu'elle anticipe déjà la réponse que je vais lui donner. Et puis l'évidence me heurte violemment l'esprit ; je sais qui elle est.

-La jurée à tête de Hibou ... je murmure, plus pour moi même qu'autre chose.

Des fossettes viennent creuser son visage et approfondir son sourire, confirmant mon intuition. Cela explique pourquoi je ne me suis pas sentie particulièrement mal à l'aise en entrant ici. Inconsciemment, c'est à elle que je continue de faire confiance. Reste plus qu'à déterminer si je lui accorde de bonnes intentions à tord où à raison.
Après tout, les jurées ne sont là que pour nous évaluer et nous faire parvenir les résultats. Mais dans un univers fait de mensonges et de secrets, où chaque acte, même le plus anodin dissimule une manipulation, n'importe qui est susceptible  de vouloir avant tout servir ses propres intérêts.

Stop. Il faut impérativement que je me reconcentre sur moi même et sur ce que JE veux. Après tout, si j'ai accepté de le soumettre à toutes ces épreuves, c'est dans un but précis. Aujourd'hui, on m'offre l'opportunité de prendre mon envol, et par la même occasion, l'ascendant sur mes frères. Après ça, ils seront obligés de revoir tout leur jugement machiste. C'est ce à quoi j'ai toujours aspiré : leur prouver que les filles valent aussi bien qu'eux.

Même si cette confrontation est métaphoriquement comparable à un pacte avec le Diable, en contrepartie elle m'apportera ce que j'attend depuis ma plus tendre enfance. Je le sais. C'est même ce que me hurle une petite voix à l'intérieur de moi. Fonce !

Alors je relève fièrement le menton et défie du regard la jurée. Je m'éclaircis la voux, et avec toute l'assurance dont je suis capable, je lui donne ma réponse. Et certainement la réponse qu'elle semblait attendre ...

- J'accepte ! Si les Nymphettes oeuvrent pour le bien de notre monde, alors je veux en être.

- À la bonne heure ! s'exclame la jury, acquiesçant comme si elle approuvait fortement mon choix.

Après quoi, elle se baisse, et récupère à ses pieds une cape d'un blanc immaculé, que jusque là je n'avais pas remarqué. Puis, en souriant toujours, elle me la tend cérémonieusement avec ces quelques paroles :

-Voici ton diplôme si l'on peut dire. La preuve que tu peux franchir les limites du village. Aux couleur de ton département de missions. Félicitations Céléna Owl. Puisse la chance être avec toi. ~

Mes doigts frôlent le tissu doux et léger de la cape. Je ne sais pas franchement quoi dire. Alors, je revêt ce capuchon, et m'incline face à la femme, qui me rend mon salut d'un discret signe de tête. Puis, je sors de la pièce, encore toute hébétée de ce qu'il vient de se passer. Je perd toute notion du temps, et j'ai l'impression que mon âme flotte au dessus de mon corps.
Je sens vaguement mes frères et mon père venir à ma rencontre. Je me rappelle à peine de leur étreinte à chacun et de leurs mots . De toute façon, il n'y a rien à expliquer ; j'ai reçu un chaperon et au sein du village, tout le monde sait ce que cela signifie.
Et puis, cette bulle qui me tient loin de tout éclate. Et lorsque vient le tour de Hélias de me faire une accolade, je m'écroule dans ses bras en sanglotant. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais à l'instant présent, j'avais juste besoin de lâcher prise.
Phœnix et Jared ricanent d'un air attendrit, et Hélias me caresse doucement les cheveux pour m'apaiser. Comme maman le faisait quand nous étions plus jeunes.

-Je crois que je suis fatiguée ... Et soulagée ... je me justifie finalement, entre deux hoquets, des trémolos pleins la voix.

C'est tout à fait crédible. D'ailleurs, tous acquiescent à cette version des faits et mon père propose que nous rentrions. Ce à quoi, personne ne s'oppose. Alors je fais mine d'en être soulagée.
Mais en réalité, je sais que c'est autre chose qui me chagrine. Demain, ma terreur d'enfance se réalisera. Demain, la famille se morcellera un peu et par mon fait qui plus est. Pourtant, dans le fond, je n'arrive pas non plus à réellement regretter.

Étrangement, "au revoir" rime avec "nouveau départ".