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Le contrat devait se rompre aujourd'hui, à l'instant même. Et pourtant, Sophie refusait que ça se finisse. Elle avait pris goût à cette routine et elle devait avouer que les câlins de Lucas, ses baisers, ses paroles, même si c'était du faux, allaient sûrement lui manquer.
Ils se dirigèrent vers l'immeuble qui devait causer le départ de leur couple. Le chemin de l'ascenseur parut long et aucun des deux n'osait se regarder, même pas se disputer comme il le faisait d'habitude.

- Alors c'est fini... 

Malgré qu'il ne le voulait pas, la tristesse se sentit dans la voix de Lucas. Il avait essayé, il ne devait pas tomber pour elle. Et il avait foiré. Parce qu'il le savait, il le sentait : il était amoureux de Sophie. La brune hocha doucement la tête mais ne répondit pas. Elle avait toujours son air dur sur le visage, cet air qui lui collait au teint. Mais comment savoir
si elle jouait l'indifférente ou si elle n'en avait rien à faire ? Après tout, elle jouait parfaitement la comédie. Certes, leur faux-couple n'avait pas duré longtemps mais il avait eu le temps de s'habituer à cette femme au tempérament des plus bizarres. Et puis, trois mois de relation, c'était bien suffisant pour faire remonter les audiences et pour que les gens ne le voient que comme une petite amourette. Ils n'avaient fait aucun faux-pas, aucune façon de savoir s'ils mentaient ou pas : ils étaient tous les deux très bons acteurs, l'un pour son métier, l'autre parce qu'elle avait tourné dans quelques films.

- Bonjour vous deux ! Les accueillit Daniel quand ils entrèrent dans son bureau.

Derrière lui, le manager de Lucas. Ils se firent la bise, se serrèrent la main, les formalités en général. Tout le monde reprit la même place que lors de la rencontre.

- Alors, ces trois mois ? Les médias ont bien apprécié en tout cas, ils aimeront sûrement le bruit de votre rupture aussi et tes fans hommes seront contents de te savoir le cœur libre, Sophie. Et toi Lucas, il semblerait que tu sois monté en popularité aussi. Tu as eu une demande pour un film, non ?

Les deux jeunes gens hochèrent la tête de façon synchroniser. Daniel remarqua que quelque chose n'allait pas, Sophie ne parlait pas assez et elle n'avait pas sa tête habituelle de quand elle boudait et Lucas arborait une mine de déterré. 

- Bon, qu'est-ce qui ne va pas ? 

Sophie releva un sourcil et se tourna vers lui, les mains tournés vers le ciel, elle semblait ne pas comprendre.

- Oh ne faites pas semblant, ça se voit que vous êtes tristes.

Sophie pouffa légèrement. Elle ? Triste ? Bon, peut-être... Mais elle s'était beaucoup trop habituée à la présence de Lucas et elle refusait de l'admettre. Elle ne devait pas montrer qu'elle avait chuté. Indifférence, indifférence, indifférence... Lui répétait son cerveau.

- J'avoue que ça va me manquer de ne plus l'entendre râler. Mais bon, toutes les bonnes choses ont une fin apparemment.

Sophie haussa les épaules et lui tendit sa main pour qu'il la serre. Il le fit et lui lança un regard à moitié admirateur, à moitié désireux. Elle ne comprit pas pourquoi et se contenta de lui rendre un sourire en coin. Daniel sortit le contrat, le plaça au-dessus de la poubelle vide et le brûla à l'aide d'un briquet.

- Vous êtes libres ! Retournez bien à votre vie d'avant ! C'était un plaisir de collaborer avec vous ! 

Tout le monde se serra la main une nouvelle fois. Lucas suivit son manager et Sophie suivit les deux hommes. Elle répondit à l'appel sur son téléphone.

- [...]
- Ouais, à l'instant.
- [...]
- Pas envie... Et tu racontes n'importe quoi !
- [...]
- Tu me dois trente euros !
- [...]
- Bien sûr que je m'en souviens. 
- [...] 
- Hé, tu vas te calmer ! J'ai gagné ton stupide pari, j'ai accepté le contrat et j'ai tenu !
- [...]
- Oui, bien sûr ! C'est ça, prépares ton fric !

Elle raccrocha, en colère, et se cogna contre le torse de Lucas. Elle releva la tête et il fit un pas en arrière pour mieux la voir. Ses sourcils étaient froncés et il semblait désemparé.

- J'étais un stupide pari ?
- On écoutes pas les conver-
- Réponds !

Il attrapa brutalement le bras de la brune et elle essaya de se défaire de son emprise mais il était bien plus fort qu'elle ne voulait le dire. Elle lui lança son regard le plus noir mais il ne bougea pas, lui rendant le même.

- Et dire que je suis tombé dans ton piège... Oh putain, tu me dégoûtes !

Il la lâcha et elle eut du mal à garder un certain équilibre sur ses talons. Il lui tourna le dos et reprit une marche rapide pour rejoindre son manager qui avait déjà disparu de leurs lignes de mire.

- Attends Lucas ! Je vais t'expliquer ! Putain Lucas ! 

Elle courut derrière lui et tira sur son tee-shirt pour le retenir. Cela semblait marcher puisqu'il se tourna vers elle, le coin de ses yeux légèrement humides.

- Quand on m'a appris ça, bien après toi manifestement puisque, apparemment, vous avez voté pour qui allait  venir faire ce faux-couple, je suis partie, tu t'en souviens ? La fille qui est allé me chercher, la secrétaire de mon patron, c'est Lola, ma meilleure amie. Et elle m'a proposé ce pari. De toute façon, je savais que j'étais obligé d'accepter alors je me suis dit "Pourquoi pas ?". 

- Je ne suis pas un objet, Sophie. 

Leurs cœurs eurent un pincement, il avait pris l'habitude de l'appeler Soph' pour faire plus couple. Entendre Sophie sortir de sa bouche leur faisait autant de mal à tous les deux. Elle baissa doucement la tête, même s'il partait là, elle continuerait ses explications. Elle avait besoin pour se l'avouer à elle-même.

- En réalité... Je... Je me suis beaucoup trop attachée à toi et... Et je suis désolée de t'avoir fait ça, je ne voulais pas te blesser... Mais bon... Au point où on en est, autant t'avouer... 

Elle était en position de faiblesse, ils en étaient conscients. Et tout le monde savait la fierté qu'elle avait, cette façon de ne pas se montrer comme ça. Elle n'avait qu'à souffrir à son tour, cela ferait sûrement du bien à son ego et Lucas en avait marre de toujours faire le premier pas.

- Je... Elle reprit son souffle et déglutit. Je... Je t'aime... Vraiment beaucoup... Je peux plus me passer de toi en fait et... 

Il la coupa en l'embrassant. Amour, désir, rancœur, des dizaines de sensations dans ce simple baiser. Il entoura le corps de la jeune fille de ses grands bras et elle fit de même en répondant à son baiser. Cette fois, c'était un vrai, c'était celui qui traduisait leur amour, pas celui qu'ils faisaient justes pour les journalistes. Finalement, il se décolla et posa sa tête sur son épaule de façon à pouvoir chuchoter dans son oreille.

- Je t'aime aussi... 

Ils sourirent en synchronisation et fermèrent les yeux pour profiter de ce moment de révélation.
Même si leur amour ne dure pas, il aura eu le mérite d'être intense.

The end

PrincesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant