E

122 16 15
                                    

Sophie avait toujours eu l'impression d'avoir gâché son enfance. Sa mère lui avait souvent raconté qu'à douze ans, elle s'amusait avec des poupées Barbies et qu'elle n'avait arrêté qu'un an plus tard. Sophie, elle, avait eu une enfance plutôt électronique. Elle était arrivée en France à huit ans et avait fait l'objet d'animal de foire auprès de ses camarades qui lui posaient des tonnes de questions, toujours les mêmes : "Tu viens d'où ?", "T'habitais où avant ?", "Pourquoi t'as un accent ?" et c'était toujours les mêmes réponses. Elles étaient répétées à chaque camarade, faisaient du bouche-à-oreille, même les professeurs en parlaient. Ses parents étaient déjà riches et la mettre dans une école publique avait aggravé son cas. Les mauvaises paroles fusaient dans son dos alors qu'elle n'était pas encore assez bonne pour les comprendre : "Pourquoi est-ce qu'elle a des chaussures comme ça ?", "Pourquoi elle porte déjà des talons ?", "Pourquoi elle a un téléphone ?", "Pourquoi elle a le droit d'écrire sur ordinateur et pas nous ?". Malheureusement pour la petite brune, même les professeurs semblaient la détester. Enfin, maintenant qu'elle avait réussi sa vie bien mieux qu'eux, elle se moquait bien d'avoir été harcelé lors de son enfance. C'était à elle d'en rire maintenant.
Sophie enclencha la musique la plus douce de sa playlist et posa son smartphone sur son lit. Elle étala le contenu de sa valise sur la couverture. Aujourd'hui, cinq jours après avoir signé le contrat, elle avait rendez-vous avec Lucas pour rendre son couple populaire.
Au programme : une balade dans la ville, un dîner dans un restaurant et la découverte d'un appartement rien que pour eux.

- Bon alors, celle-ci ou celle-la ?

Face à elle, les deux tenues qu'elle avait composées semblaient la narguer. La première était simplement constituée d'un t-shirt à manches longues gris, d'un Jean slim noir légèrement déchiré, d'un poncho multicolore et de bottines en cuir noires à talons hauts. Quand à la deuxième, elle contenait une paire de collants noirs semi-transparents, une jupe patineuse noire, une veste en cuir noire, un t-shirt à manches longues vert pâle, un foulard gris à motifs écossais et toujours la même paire de bottines.
Finalement, après cinq minutes de réflexion et un plouf plouf, elle choisit la deuxième et l'enfila rapidement. Elle se rendit ensuite dans la salle de bain et commença à se maquiller comme à son habitude.
Honnêtement, elle ne voulait pas aller à ce rendez-vous. Elle ne voulait pas non plus d'un appartement, sa chambre d'hôtel lui convenait bien. Elle ne voulait pas se balader pour ne rien faire. Et elle ne voulait surtout pas être avec ce "Lucas". Mais elle le faisait. Pour le bien de son pari.

PrincesseWhere stories live. Discover now